Le Tag Parfait fête ses 4 ans ce vendredi. Pouvez-vous nous expliquer la genèse du site et votre méthode pour durer ?
On est parti du constat qu’il n’y avait pas de support pour parler de porno de manière détendue, en tout cas de manière plus proche de la façon dont on le consomme et on le regarde. C’était au départ une idée en l’air, j’en ai parlé à des amis. Et on a rapidement lancé le site sous forme de blog. A la faveur des réseaux sociaux, ça a bien pris dès le début. Une communauté s’est créée autour du Tag parfait. Ce qui nous a poussés à développer le site et à continuer. Je ne pensais pas en être là 4 ans après : ce sont vraiment nos lecteurs qui nous ont donné l’envie d’avancer, l’envie de parler du porn. On est sur un terrain assez peu exploité, même dans le monde. C’est un terrain quasiment vierge, c’est intéressant d’aller en profondeur, sur les côtés, un peu plus loin, tout autour de la culture porno.
La culture porn fait partie de notre quotidien, tout le monde en parle. Concrètement, que signifie le terme de « culture porn » ?
La culture porno c’est une sub-culture, une culture alternative, qui est dérivée directement de la culture web. Pour nous, la culture porno n’existerait pas sans Internet. C’est la démocratisation et l’accessibilité à la culture porno qui a pu créer cette sous-culture. On a tous les mêmes codes, et les mêmes références. Cette base commune crée une culture à part entière.
Et c’est une culture générationnelle ?
Elle est concentrée sur les gens qui ont grandi avec Internet, donc les 18-30 ans. Ce serait réducteur de ne parler que de génération Y. Il s’agit des gens à l’aise avec Internet et qui n’ont pas de complexe à regarder du porno puisqu’ils ont grandi avec.
Internet a-t-il tué le porno ?
Ca, c’est un truc de journaliste : le porno est effectivement différent mais reste vivant et des choses très intéressantes se font aussi aujourd’hui. Il y a quelques années, les sex cam n’existaient pas et actuellement, ça marche très bien. Une culture en parallèle se crée avec la sex cam et d’autres choses autour du porno. Internet a rendu plus accessible le porno, mais ne l’a pas tué. Au contraire, Internet a enrichi le porno.
Ce n’est pas qu’un truc de journaliste. Par exemple Ovidie a signé récemment un billet qui dénonçait YouPorn et ses effets néfastes sur l’industrie et les acteurs du porno.
C’est une vision assez passéiste de ce qu’est devenu le porn. YouPorn [lien #NSFW], c’est comme YouTube. Il n’y a pas de détérioration, le problème c’est ce que les gens en font. Mais maintenant les studios sont présents de manière légale sur YouPorn comme sur YouTube, les choses évoluent.
Et pour ceux qui dénoncent le porno comme responsable de la violence sexuelle dont font preuve certains consommateurs de porno ?
Oui, c’est la même chose que les films violents ou les jeux-vidéos dans les années 90. Il faut trouver un bouc émissaire. C’est assez pratique en plus avec le porno parce que c’est une industrie très ghettoïsée, même si elle très présente sur Internet. Les annonceurs mainstream ne vont pas dans le porno. Inversement, on ne voit pas de pub porno sur un site mainstream. Le porno reste un peu dans son coin. Il est attaqué, mais ne répond pas et reste en marge. Même s’il génère de l’argent. Il faut désigner un coupable, ça rassure les adultes sur la situation. Voilà un coupable, c’est facile. Dans 5 ans, ce sera autre chose. Pour moi, il n’y a pas vraiment de révolution dans les mœurs. La société évolue très lentement, l’humain encore plus. Il n’y a pas une génération plus tarée qu’une autre. Ce n’est pas vrai.
En fait, le porno est un produit culturel comme les autres…
Pour nous oui. Mais bien sûr il reste un produit culturel réservé aux adultes. Il comporte des interdits. Pour nous, c’est un support masturbatoire. Certains y voient une pratique artistique à part entière, voire porteuse de valeurs éducatives. Pour nous, pas du tout. C’est un support masturbatoire, plus ou moins bien foutu, plus ou moins excitant. C’est vraiment le but du porno. C’est d’exister et de permettre de se masturber. Ce n’est pas dévalorisant, c’est très puissant et intéressant de pouvoir exciter quelqu’un.
Mais ce n’est pas l’objet du Tag Parfait. Votre truc à vous, ce sont les coulisses du porno. Pourquoi ça marche ?
Plus que le sujet, c’est la manière de l’aborder. Sérieux, mais détendu. On aime bien faire des blagues. On est populaire, et je ne voudrais surtout pas que le Tag soit élitiste. Même si on est exigeant et qu’on a une certaine ligne de conduite, je ne veux pas que ce soit snob. J’essaie de rester le plus populaire possible sans évidemment devenir une sorte de Hot Vidéo bis. Ça marche alors qu’on n’a pas changé notre ligne éditoriale depuis 4 ans. Cela prouve qu’on peut faire un entre-deux à la Vice, du sérieux et du moins sérieux.
Je crois que vous avez le projet de vous lancer dans la production de films ? Où en êtes-vous ?
On tourne en ce moment, c’est assez lent mais on avance. On essaie d’être une alternative en France, ni un nouveau Dorcel, ni un nouveau Jacquie et Michel. On veut faire de la production qui allie amateurs et professionnels dans un cadre très professionnel, mais aussi détendu et cool, contrairement à certains tournages français un peu flippants chez certains. On veut faire du porno qui nous ressemble sans avoir la prétention de révolutionner les choses. J’espère qu’on sortira nos premières productions avant l’été.
Quel regard portez-vous sur la production française de films pornographiques ?
Je porte un regard très négatif et absolument dépité sur le porno français. Déjà que j’aimais pas trop ça mais maintenant, il n’y a vraiment plus d’argent, ce sont donc des productions très cheap ou alors c’est du Dorcel. Là, c’est beaucoup mieux filmé, mais dans les fantasmes ou la manière d’appréhender le porno, ce n’est pas du porno qui nous parle. La cible est un peu plus vieille et plus bourgeoise que la nôtre. C’est un peu triste.
Quelle est la différence avec les Bourgeois de Dorcel dont vous parliez. C’est le web qui a généré de nouveau de fantasmes ?
Je ne crois pas qu’il y ait de nouveaux fantasmes, on le voit en regardant les arts et la littérature, on n’a rien révolutionné. Je parle surtout des codes. C’est vraiment franco-français, je veux dire très franchouillard. Ce qui ne nous correspond pas. Nous avons baigné dans le porno américain, dans cette culture très globalisée. On se retrouve moins dans le côté « boulangère ».
Est-ce qu’il existe de bons pornos et de mauvais porno ?
Pour moi, un bon porno c’est un porno qui excite. Ça dépend de l’histoire de chacun et de son ressenti par rapport à l’image. Même si on se rend compte qu’une bonne scène sera souvent excitante pour tout le monde. Mais c’est une alchimie, des choses difficiles à expliquer. Je peux moi être fasciné par un regard, et je vais trouver la scène géniale. Il n’y a pas forcément de recette.
Concernant le nom du site, le Tag Parfait, le Tag c’est l’incarnation parfaite du rapport collé-serré qu’entretiennent le web et le porno ?
Un tag est un marqueur, la manière la plus simple et la plus utilisée pour rechercher du contenu sur Internet, un moteur de recherche ou un tube. On pointe les fantasmes au travers des tags parce que c’est le moyen le plus simple d’arriver au contenu recherche. C’et étroitement lié au web. La question est de savoir si ces tags forgent nos fantasment, est-ce qu’il change notre rapport à l’image ? On peut aller vers des recherches extrêmement précises via ces tags jusqu’à être dans la quête du tag parfait qui finalement n’existe pas. On tend à chercher la bonne vidéo en se soumettant à un moteur de recherche et à son algorithme. Mais le moteur de recherche n’est pas dans notre tête et ne crée pas le contenu. Le tag parfait n’existe.
Cette recherche du tag parfait rend complètement inaccessibles des pans entiers du porno disponible sur le web. C’est dommage non ?
On réfléchit à dépasser cette idée de tag. En ce moment, on se pose la question de sa fonction. Si j’écris POV pour « Point Of View », la question pourrait plutôt être de savoir ce que je recherche dans l’image. Est-ce que ce ne serait pas plus intéressant d’écrire « je recherche un porno immersif ». C’est une vision post-tag. Le tag est un moyen très simple d’indexer des vidéos. Ça ne va pas plus loin que ça, il n’y pas plus de recherche sur le porno et ce qu’on en attend. Est-ce qu’on a envie d’avoir peur, d’être rassurée, d’être nostalgique ? Qu’est-ce qu’on veut voir à travers l’image ? Le tag, finalement, est très réducteur.