(Auto)mutilations
Le clitoris étant un organe parfaitement « inutile » biologiquement, et destiné uniquement au plaisir des femmes, il fallait bien que quelqu’un mette le holà. C’est ainsi qu’est apparue l’excision clitoridienne, une pratique barbare qui sévit encore largement, même au XXIe siècle (en Somalie, 95 % des femmes ont subi ces mutilations génitales). Il n’est pas rare qu’une partie des petites lèvres soit également sectionnée lors de « l’opération ». En France, comme dans la plupart des pays dits développés, cette pratique est extrêmement rare et sévèrement punie (dix ans de prison et 150 000 euros d’amende). Ce sont également deux Français, Pierre Foldes et Jean-Antoine Robein, qui ont mis au point une technique de chirurgie réparatrice permettant à la fois d’enlever la douleur latente souvent ressentie par les victimes, et de redonner une certaine sensibilité.
On trouve de nombreux blogs où des femmes, la plupart du temps sous couvert d’anonymat, racontent cette renaissance sensuelle. En voici un : « Juste deux semaines après l’opération, j’ai commencé à avoir des sensations en me douchant et en faisant ma toilette. […] Après ma guérison, j’ai commencé à apprivoiser ce nouvel organe en moi en me caressant et je sentais d’autres sensations très agréables en moi. Il faut se dire que c’est difficile de comparer avant et après et, psychologiquement, il faut se préparer à explorer ce nouvel organe et aider son partenaire à le découvrir aussi. […] Avant, je pouvais faire un mois sans avoir de désir sexuel et pour arriver à créer ce désir en moi, il fallait me préparer psychologiquement assez longtemps et un long moment de préliminaire avant de faire l’amour. Depuis trois mois, ma vie sexuelle est plus épanouie, j’ai tout le temps du désir sexuel et pendant l’acte sexuel, je n’ai plus la moindre douleur mais au contraire beaucoup de plaisir et d’orgasmes très intenses. »
Paradoxalement, c’est aussi dans les pays dits « plus évoluées » qu’est apparue, il y a quelques années, une autre forme de chirurgie génitale. La nymphoplastie, ou labiaplastie, qui consiste à retirer un morceau des petites lèvres. Si l’on peut imaginer que de rares cas présentent une réelle douleur physique ou psychologique et nécessitent cette intervention, il semble que cette chirurgie esthétique participe aussi à un ensemble de normes aujourd’hui imposées au sexe féminin.
La libération sexuelle qu’ont connue les pays occidentaux a engendré une surexposition du corps, et notamment de celui des femmes, au point que des critères esthétiques font office de loi, même dans ces parties infiniment intimes. Le pubis doit être glabre et les petites lèvres invisibles, un sexe de petite fille diront certains, un sexe de poupée Barbie même, lisse et uniformisé. Petit détail qui a son importance, lorsqu’on coupe un morceau de ces précieuses petites lèvres, ce sont toutes les terminaisons nerveuses que l’on sectionne avec !
Pussy Portraits
La photographe américaine Frannie Adams, auteure d’une série de livres appelée Pussy Portraits, promeut au contraire un sexe à visage humain, dont l’identité propre est à accepter, et même à célébrer. « Il est choquant pour moi qu’une femme puisse décider de subir une procédure douloureuse comme la labiaplastie. Je pense que c’est dû à un manque de connaissances, puisqu’il y a tellement d’hommes et de femmes (comme moi) qui trouvent les lèvres entières incroyablement belles et érotiques. »
Frannie Adams est une vraie amoureuse des femmes sous toutes leurs coutures. À 12 ans, quand son père, photojournaliste, lui donne son 35 mm, elle ne tarde pas à se rendre compte qu’elle préférait « photographier des gens plutôt que des objets ou des paysages. […] J’arrivais à déceler une caractéristique intéressante chez n’importe qui, c’est probablement pour ça que j’ai commencé à faire des gros plans. » C’est dans l’histoire familiale aussi que prend racine la fascination de Ms Adams pour la nudité, puisque chaque année, les vacances ont lieu dans des stations nudistes en Europe, un continent où on a « une attitude bien plus saine à l’égard des corps nus et du sexe ». C’est dans l’un de ces endroits que Frannie Adams vit ses premières expériences sexuelles « avec des garçons et des filles […]. Je trouvais ça à la fois excitant et beau. Plus je photographiais des femmes, plus j’étais fascinée par la beauté et la variété des vagins. »
Elle entame donc une carrière de photographe, spécialisée dans les gros plans à caractère explicite, ou, comme elle les appelle, ses « portraits intimes ». C’est alors que Matthias Reuss, directeur des éditions homonymes lui propose le projet Pussy Portraits, où sexes et visages sont associés. Emballée par l’idée, elle se met au travail et commence à chercher des femmes qui accepteraient de participer. « Tout le monde me demande comment je trouve mes modèles ! Je suis sûre que le fait que je sois une femme me facilite les choses. Mes premiers sujets étaient des amies ou d’anciennes amantes. Ensuite, elles ont amené leurs amies et amantes. » Puis, le bouche à oreille aidant, « beaucoup de femmes m’ont contactée pour faire partie de ce projet unique. […] Nous avons beaucoup ri pendant que j’arrangeais leurs lèvres dans la position parfaite. Je leur dis que c’est comme ouvrir les ailes d’un papillon ou les pétales d’une fleur ».
En 2009, après avoir rassemblé quarante-trois modèles, le premier opus des Pussy Portraits sort, et devient vite un best-seller, comme le seront les deux suivants. Ses ouvrages donnent à voir, sur la page de gauche, le portrait d’une femme, sur celle de droite le portrait de son sexe. L’éclectisme est de rigueur puisque les femmes sont d’origines ethniques variées, ont également des pilosités différentes et, bien sûr, l’aspect des vulves en elles-mêmes, la couleur, longueur, forme des lèvres sont chaque fois singulières. La photographe raconte les retours très positifs qu’elle a reçus : « j’étais très contente d’apprendre qu’autant de femmes avaient acheté et apprécié mes livres ! J’ai reçu de nombreux e-mails très gentils venant de femmes qui avaient longtemps eu l’impression que leur vagin n’était pas joli ou n’avait pas une apparence « normale ». Elles ont vu clairement avec mes livres qu’il n’y a aucune norme quand il s’agit de vagin et que chacun est beau à sa façon. »
Vous êtes conquis(e) par l’idée et souhaitez (vous) faire un beau cadeau érotique (non, ce n’est pas conseillé pour votre belle-mère !) ? Autre célébration intéressante et originale du vagin : une créatrice qui crée des bijoux et objets personnalisés autour de la vulve, comme le dit son pseudonyme VulvaLovely. Il suffit de lui envoyer une photo de votre sexe et de choisir un modèle : est-ce le collier, les boucles d’oreilles ou le sac à main qui vous tenteront ? Alors mesdames, il ne s’agit pas de tomber dans l’exhibitionnisme, mais tout de même, apprenez à aimer votre sexe et à en être fières. Vive la vulve !
> Pussy Portraits T1, T2 et T3, Frannie Adams, Edition Reuss.
> Les mots pour le dire : « vagin » désigne le sexe intérieur et « vulve », le sexe extérieur.