Au fond de la vaste friche industrielle, des éclats de voix. Ou plutôt des vrombissements. Dans la boutique, avec pignon sur rue, quai de Jemmapes, à Paris, les abeilles sont en ébullition. On réfléchit aujourd’hui à la mise en place d’une nouvelle plateforme numérique pour l’ensemble de la communauté. Nous sommes à La Ruche, un lieu où des entrepreneurs ont choisi de travailler ensemble. Un lieu qui se définit comme « un laboratoire vivant d’innovation sociale ». Explications de Miora Ranaivoarinosy, responsable de site et maîtresse de cérémonie à La Ruche.
Phénomène d’émulation mais aussi bénéfice en termes d’image. La Ruche est en effet une référence en matière d’innovation sociale. Quiconque y a élu domicile bénéficie de cette bonne réputation.
La communauté : des entrepreneurs sociaux qui chaque matin, ou presque, s’installent dans ces locaux magnifiques du Xe arrondissement, 700 m2 au bord du canal Saint-Martin. La Ruche est un bâtiment éco-conçu d’une capacité d’accueil de 80 postes occupés à temps plein, 30 à temps partiel. Les premiers correspondent à la formule « Résidents », les seconds, « Pied-à-terre ». On trouve aussi des espaces partagés comme la boutique, les ateliers et la cuisine et sa salle à manger où, autour d’un café, on vrombit de conserve. Des « butineurs » peuvent également profiter des activités collectives, mais n’ont pas de poste de travail.
Parce qu’ils ne voulaient pas travailler seuls dans leur coin, parce que trouver des bureaux à Paris, c’est difficile, parce que tous ces gens aiment partager, aider et être aidés, tous ont préféré opter pour le vaste open space de La Ruche. Axelle Beeharry, stagiaire pour la société Wattimpact, évoque son expérience au sein du vaste lieu.
Créé en 2008 et voulu par Charlotte Hochman, l’espace collaboratif accueille une centaine de personnes soit une quarantaine de structures. Ici, vouloir changer le monde ne suffit pas pour s’établir. Il faudra aussi avoir la tête sur les épaules et développer un projet économique viable, doté d’un business model sérieux. La Ruche veut élargir la notion d’intérêt général au-delà du seul milieu associatif : rentabilité, viabilité et humanisme. Et pour qu’un projet aboutisse, c’est sur la collaboration que mise ce groupe d’entrepreneurs, insiste Miora Ranaivoarinosy.
L’humain et sa capacité à développer des solutions écologiques et sociales sont au cœur des préoccupations : urbanisme durable, éducation et art, diversité et handicap, entre autres domaines d’activités présents.
Indéniablement, La Ruche est un espace de coworking, mais elle va plus loin. Un entrepreneur aura beau être au sommet de l’innovation sociale, ce lieu n’est pas pour lui s’il n’adhère pas à cette culture participative qu’incarne La Ruche. Ici, le terme collaboratif n’est pas un vain mot. Xavier Moisant en sait quelque chose. La Ruche les a sortis, lui et ses deux collaborateurs, d’un sacré guêpier. Ces trois entrepreneurs ont investi les lieux en juin dernier. Ensemble, ils ont fondé le Gobilab, éditeur du Gobi, une bouteille d’eau alternative pour limiter les bouteilles en plastique dans la nature. Ils bloquaient sur l’appellation d’une pièce de cette gourde « urbaine ». Le groupe leur est venu en aide.
Buzz, hold-up, réunions formelles ou informelles… Tout est fait pour que les personnes se rencontrent et apprennent les unes des autres. Connectés en réseaux, ces professionnels donneront un conseil à qui en aura besoin ou le demandera à qui sera compétent. Romain, unique salarié de l’association Macadam, est bien content d’échapper à la solitude, son quotidien, si La Ruche n’existait pas.
Rodophe Galy Dejeane est salarié à la Nouvelle PME. Il raconte n’avoir jamais vécu une telle expérience au travail. Un lieu où l’on œuvre « individuellement en collectif. »
Durant la séance de brainstorming à laquelle nous assistons, on découvre des personnalités et des caractères bien trempés. L’animateur doit calmer le jeu, parce qu’ici les idées fusent de même que les bons mots. « Levez le doigt », « arrêtez de bavarder », il faut une discipline scolaire pour gérer ce débordement d’enthousiasme et de motivation. Il paraît qu’à La Ruche, les entrepreneurs sont heureux de venir travailler le matin. C’est vrai, ils ont l’air heureux. Ecoutons-les vrombir.