Jeune ado de 13 ans, Ramin Mehdipour (Aran-Sina Keshvari) a quitté l’Iran avec sa famille pour rejoindre la Finlande. Logés provisoirement dans un centre pour réfugiés, ils ont vu leur demande d’asile refusée. La petite famille attend désormais la réponse d’un ultime recours.
Malgré la menace d’une expulsion imminente, Ramin goûte aux plaisirs des vacances et de la rentrée scolaire. Il tente de vivre le plus simplement possible sa vie de jeune garçon où chaque moment d’insouciance est un pied de nez au destin.
Origin story
Pour son premier long métrage, le réalisateur finno-iranien Hamy Ramezan puise son inspiration dans ses souvenirs d’une enfance mouvementée. En 1990, sa famille fuit la guerre entre l’Iran et l’Irak et trouve asile en Finlande après avoir survécu aux camps de réfugiés yougoslaves.
Le cinéaste n’avait alors que 7 ans mais cette période de changements radicaux est restée gravée dans sa mémoire. Avant même leur départ, ses parents l’avaient prévenu des risques : si leur fuite échouait, la pendaison était l’issue fatale. Hamy Ramezan a alors du mal à retenir son faux nom turc et une histoire familiale totalement inventée, clé d’une nouvelle vie.
Avec le recul, le réalisateur estime que ces mensonges fondateurs d’une nouvelle identité lui ont ouvert la porte vers la fiction. Travestir la réalité n’est pas toujours mauvais lui assure-t-on dans sa famille. Pour son premier long métrage, Hamy Ramezan revient donc naturellement aux sources avec cette histoire très personnelle qu’il a réinventée.
We are family
Puisque le mensonge a ses vertus, le cinéaste a reconstitué son histoire en gardant l’esprit de ce changement radical de vie. Selon ses mots, le résultat est « émotionnellement et cinématographiquement proche de la réalité ». En se détachant du détail des faits, il était plus facile de capter l’essence de son expérience.
Le plus compliqué a été de reconstituer sa famille à l’écran. Une tâche qui a débuté avec le choix du personnage du père, Bahman Mehdipour. Pour l’incarner, le cinéaste a fait appel à Shahab Hosseini, acteur reconnu notamment pour ses rôles dans les films Une Séparation (2011) et Le Client (2016) du renommé réalisateur Asghar Farhadi.
Au cœur du film, le jeune Aran-Sina Keshvari a été découvert grâce à des annonces postées notamment sur les réseaux sociaux. Le jeune ado qu’il incarne est le lien entre les autorités et les membres de sa famille à qui il lit les courriers officiels arrivant au centre de réfugiés. Pour son premier rôle, l’acteur amateur offre une fraîcheur en osmose parfaite avec la légèreté voulue par le réalisateur.
Let the sunshine in
Après avoir envisagé un traitement plus sombre pour évoquer cette période, Hamy Ramezan a décidé de changer de vision. Il traite avec une légèreté inhabituelle ce sujet difficile et souvent polémique des réfugiés. L’intention est de ne jamais laisser tomber le film dans le désespoir.
À l’angoissante réalité, Any Day Now oppose une solidarité familiale à toute épreuve. Malgré la menace d’une expulsion qui plane sur Ramin et ses proches, le film est porté par une insouciance assumée. Solaires et attachants, les membres de cette famille sont liés par un humour qui contrebalance leur situation.
Human after all
La famille de Ramin et les autres membres du centre ne sont d’ailleurs jamais réduits à leur condition de réfugiés. Any Day Now explore le quotidien de ces familles en mettant en avant leur qualité d’amis ou de voisins avant leur statut politique. Le cinéaste rend également hommage aux finnois pour la fraternité de leur accueil telle qu’il l’a vécu.
Ce choix qui peut être considéré comme naïf vient contrebalancer une xénophobie ambiante omniprésente dans le débat public et s’avère salutaire. Plus important encore, cette vision humaniste et fraternelle redonne de la dignité à des être humains trop souvent dépossédés de leur histoire. Any Day Now tranche avec la vision médiatique des migrants, corps anonymes qui inspirent de l’indifférence voire de la haine.
L’enfance de l’art
Il plane sur le film un sentiment de nostalgie intiment lié à des souvenirs d’enfance. La question de l’immigration est la toile de fond de ce récit mais l’élément principal qui s’en dégage est un vibrant hommage à la solidarité familiale et à l’insouciance de l’enfance.
Any Day Now séduit par sa capacité à évoquer avec beaucoup de justesse les premières expériences de Ramin. Ce jeune garçon de 13 ans ne vit pas différemment ses émotions de ses camarades de classe. Le jeu, l’amitié et pourquoi pas l’amour… Ses espoirs sont ceux d’une jeunesse universelle, déconnectée d’un monde adulte traçant des frontières.
Tendre réécriture d’une histoire familiale, Any Day Now charme pour son regard humaniste sur le sujet sensible de l’accueil des réfugiés. Un hommage à la famille, l’enfance et la fraternité qui remet au centre la question trop souvent oubliée de la dignité humaine.
> Any Day Now (Ensilumi), réalisé par Hamy Ramezan, Finlande, 2020 (1h22)