Car le pari est risqué : la nouvelle, comme genre et mode d’écriture, peut laisser un arrière-goût amer, celui du trop peu, et charrier quelques frustrations quant aux personnages « écourtés ».
À nos vies imparfaites enjambe l’écueil avec grâce. Il tisse une série de personnages qui, et le lecteur le découvre peu à peu, s’apparentent les uns aux autres, s’imbriquent et s’emboîtent tels des poupées russes sur la petite musique qui déroule leurs existences.
Auguste « Baraka » qui décide – enfin ! – de provoquer la chance, croise le chemin d’Eva Coppa, agente immobilière de son état. La fille de cette dernière, Marguerite-Bob, qui a l’art de faire voler en éclats les certitudes, frappe à la porte de sa voisine, dont le mari vient de décéder. Les personnages de Véronique Ovaldé ne sont pas tendres avec eux-mêmes : ils se trouvent ratés, décevants, et font ce qu’ils peuvent pour surnager dans le grand bain de ce monde lancé à une course folle. Du vieil homme qui poursuivait sa chimère au taxidermiste fils d’un chamane, de l’universitaire amoureux des fougères au bric-à-brac d’une boutique obscure, il y a là des destins banals ou savoureux, tragiques ou monotones. Cependant, tous finissent par trouver en eux tout le courage qu’il faut pour faire face à la vie et son lot de joies et de drames, de hasards et de brusqueries.
Véronique Ovaldé a reçu le Goncourt de la nouvelle, et elle le mérite. Poétique, drôle, émouvant et plein de justesse, le nouveau Véronique Ovaldé est une petite pépite qui vaut le détour.
> À nos vies imparfaites de Véronique Ovaldé, 160 pages, éditions Flammarion, 2024