« Aïlo : une odyssée en Laponie », l’école du faon

« Aïlo : une odyssée en Laponie », l’école du faon

« Aïlo : une odyssée en Laponie », l’école du faon

« Aïlo : une odyssée en Laponie », l’école du faon

Au cinéma le

Pas évident de survivre en terre lapone lorsqu’on est un petit renne sauvage. De sa naissance à son premier anniversaire, Aïlo : une odyssée en Laponie raconte, sous la forme d’un conte animalier, ce parcours du combattant avec des images magnifiques et une dramatisation assumée qui enchantera à coup sûr les jeunes spectateurs.

De sa venue au monde sur les terres hostiles de la taïga jusqu’à son adolescence, le réalisateur Guillaume Maidatchevsky suit de près l’évolution du jeune Aïlo, renne sauvage frêle et vulnérable, face aux épreuves de la vie. Un parcours à l’issue incertaine car seulement un faon sur deux survit à sa première année d’existence. Au cœur des sublimes paysages de Laponie, Aïlo va devoir trouver sa place en évitant les pièges de la nature et le danger mortel de prédateurs aux aguets.

Aïlo, une odyssée en Laponie © 2019 – Borsalino Productions – Gaumont – MRP Matila Rohr Productions

Le petit renne des neiges

Réalisateur de documentaires animaliers destinés à la télévision dont Une ferme sauvage (2016) et Vivre avec les loups (2017), Guillaume Maidatchevsky s’est fait réprimander par ses enfants qui ne comprenaient pas pourquoi il n’avait jamais fait de film « sur les rennes du Père Noël ». Une remarque plutôt pertinente car les enfants découvrent plus souvent la nature à travers la télé ou le cinéma que par l’expérience : ils sont par conséquent souvent plus familiers avec la faune de la savane, par exemple, que de la Laponie, pourtant plus proche d’eux. En partant de ce constat, le cinéaste s’est rendu en Laponie afin de filmer des rennes pour son premier long métrage destiné aux salles obscures. Située au-dessus du cercle arctique, cette région compte plus de rennes que d’humains : ils seraient 190 000 individus à vivre en liberté d’avril à novembre sur les terres du Père Noël. Et c’est là qu’il a vu naître Aïlo, le renne devenu le personnage principal d’une aventure en partie déjà écrite avant de fouler la taïga finlandaise.

Aïlo, une odyssée en Laponie © 2019 – Borsalino Productions – Gaumont – MRP Matila Rohr Productions

Le conte est bon

Biologiste de formation, Guillaume Maidatchevsky aime raconter des histoires et celle du petit renne Aïlo il en a imaginé les grandes lignes avant même de commencer à tourner les premières images. Cette mise en scène de la nature est totalement assumée par le cinéaste qui prend soin cependant de ne jamais mentir. Si la dramaturgie rythmant le parcours du jeune renne est imaginée, les actions des animaux ne sont pas mises en scène. Pour décrire cette forme de documentaire animalier, Guillaume Maidatchevsky utilise le terme alambiqué de « fiction documentée sur la réalité de la nature ». En sacrifiant l’aspect purement documentaire de son film sur l’autel du divertissement et du conte pour enfants, le cinéaste espère toucher un public plus large, au-delà du public habituel des documentaires animaliers. Et le résultat est plutôt réussi, notamment grâce au commentaire écrit par Morgan Navarro — co-scénariste de Ma Vie de Courgette (2016) — et incarné par le chanteur Aldebert. Cette voix off s’adressant autant au spectateur qu’au jeune renne avec un ton humoristique et même parfois ironique modernise le commentaire animalier habituellement purement descriptif et vient renforcer la personnalité des animaux qui croisent la route du jeune renne. Passage obligé des documentaires animaliers, la protection de la nature et le réchauffement climatique sont évidemment évoqués dans le conte. Le cinéaste montre notamment la déforestation et Aldebert explique que les déplacements des rennes sont perturbés à cause du dérèglement des températures mais le commentaire qui accompagne ces scènes n’évoque pas frontalement l’urgence de la situation. Un parti pris assumé par le cinéaste qui souhaite éviter un propos qui serait, selon lui, « culpabilisant » et contre-productif.  Montrer la nature dans toute sa splendeur est, pour Guillaume Maidatchevsky, suffisant afin de donner envie de la protéger sans devoir insister sur les menaces qui pèsent sur elle.

Aïlo, une odyssée en Laponie © 2019 – Borsalino Productions – Gaumont – MRP Matila Rohr Productions

Surprenante nature

Malgré un scénario de 80 pages écrit à l’avance, le cinéaste a dû ajuster son conte aux situations rencontrées car la nature est indomptable et n’en fait parfois qu’à sa tête. Une de ces surprises est arrivée très tôt dans l’aventure car il s’agit de la naissance du jeune renne. Survenue plus tôt que prévue, l’arrivée d’Aïlo a failli tourner au drame. Dans un premier temps, sa mère l’a abandonné pour rejoindre le troupeau avant de se raviser. Ce retournement de situation que le cinéaste n’aurait jamais osé imaginer est un exemple de ces moments imprévus qui viennent renforcer la dramaturgie du film. Malicieuse, la nature est parfois est la plus talentueuse des scénaristes. Tourné de mai 2017 à juin 2018, ce conte animalier a surgi de plus de 600 heures de rushes, le montage étant la dernière étape pour créer des interactions entre les animaux. Sur le parcours du jeune renne, le spectateur croise des « personnages » — la dramatisation entraîne une certaine tendance à l’anthropomorphisme — qui seraient très à l’aise dans un film d’animation pour enfants. Sautant dans tous les sens, une hermine très excitée fait penser à Scrat, l’écureuil fébrile de la saga L’âge de glace. Le glouton, animal ressemblant à petit ours mais de la famille des loutres et des blaireaux, est un autre exemple de l’aspect parfois cartoonesque de la nature. Celui que l’on nomme également Wolverine ou le fantôme de la taïga est un terrible prédateur qui peut s’attaquer aux rennes mais qui devient complètement niais devant une femelle et se lance alors dans des roulades improbables pour tenter de la séduire. Le parallèle avec l’espèce humaine est troublant. Dans la conception du récit, Guillaume Maidatchevsky joue avec ces traits de caractère réels ou fantasmés des animaux mais prend soin de ne pas diaboliser le danger des prédateurs et notamment des loups qui suivent le troupeau de rennes. La louve accompagnée de ses deux louveteaux, apprentis chasseurs, est une menace évidente pour Aïlo et ses congénères mais elle est également une mère. Le conte ne tombe pas dans le piège de la confrontation entre les « gentils » rennes et les « méchants » loups : une lecture bien trop humaine des rapports entre proies et prédateurs. En arrivant en Laponie, un chauffeur de taxi a été surpris par le projet du réalisateur français. « Pourquoi faire un film sur un renne ? C’est stupide un renne ! » s’est étonné ce finlandais. Commande des enfants du réalisateur, Aïlo est aussi devenu une réponse à ce chauffeur de taxi l’invitant à redécouvrir cet animal tellement commun en Finlande qu’il en devient invisible.

À mi-chemin entre le documentaire animalier classique et un conte adapté par Disney avec ses personnages haut en couleur, Aïlo, une odyssée en Laponie est une aventure familiale qui devrait réjouir les jeunes spectateurs grâce à sa charmante narration et les plus grands avec ses sublimes images.

> Aïlo, une odyssée en Laponie, réalisé par Guillaume Maidatchevsky, France – Finlande, 2018 (1h26)

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