« Au pays de nos frères », liberté réfugiés fraternité

« Au pays de nos frères », liberté réfugiés fraternité

« Au pays de nos frères », liberté réfugiés fraternité

« Au pays de nos frères », liberté réfugiés fraternité

Au cinéma le 2 avril 2025

Dans les années 2000, des réfugiés afghan d'une même famille tentent de reconstruire leur vie dans le pays de leurs « frères » iraniens. À travers trois histoires bouleversantes s'étalant sur autant de décennies, Au pays de nos frères interroge avec grâce le statut précaire de réfugié, y compris dans un pays ami. Une odyssée familiale sensible, remarquable pour sa pudeur face à la cruauté de l'exil.

Dans l’ombre de l’invasion américaine, les Afghans fuient en nombre leur pays dans les années 2000. Accueillie en Iran, le « pays des frères », une famille élargie tente de retrouver ses repères et de reprendre une vie interrompue par les soubresauts de l’Histoire. En trois décennies, trois de ses membres vont devoir affronter les épreuves de l’exil.

Face à nouveau quotidien incertain, Mohammad (Mohammad Hosseini), un jeune étudiant prometteur, Leila (Hamideh Jafari), une femme isolée, et Qasem (Bashir Nikzad), figure sacrificielle pour le bien de sa famille, luttent pour survivre.

Au pays de nos frères © 2024 Furyo Films - JHR Films

Refuge fraternel

Au pays de nos frères est une analyse sur le temps long de la condition des réfugiés afghans en Iran par les cinéastes iraniens Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi. À travers le destin d’une famille, le film fait le constat terrible de la dégradation de la situation de ces réfugiés sur trois décennies malgré un accueil fraternel. Avec le temps qui passe, le poids de l’indifférence des iraniens mais aussi de l’ensemble de la communauté internationale pèse en effet de plus en plus lourd sur les épaules des protagonistes.

La force du film tient également à un effet de miroir qui le dépasse. Les deux réalisateurs ont décidé de ne pas soumettre leur film à la censure iranienne et de quitter, eux aussi, leur pays natal. Raha Amirfazli vit désormais à Paris tandis que Alireza Ghasemi s’est installé à New York. Un statut de réfugiés à leur tour qui fait écho à cette fresque familiale et lui offre un aspect universel. À travers ces destins devant et derrière la caméra, Au pays de nos frères interroge la réalité de l’exil et la capacité – ou non – à se réinventer en dehors de ses frontières.

Pour évoquer le sort des Afghans accueillis en Iran – ils seraient sept millions selon les dernières statistiques – les cinéastes se sont tournés vers les premiers concernés. Tous afghans, les rôles principaux ont apporté à leur personnage leur propre parcours, souvent proche des drames vécus dans la fiction. Cette volonté de réalisme et d’honnêteté se ressent également dans la façon qu’ont les cinéastes de capter des regards qui en disent long.

Au pays de nos frères © 2024 Furyo Films - JHR Films

Trois en un

Découpé en trois chapitres, Au pays de nos frères joue la carte d’une fresque familiale qui s’étend sur trente ans, en trois lieux et trois saisons différentes. Le film évite habilement le côté potentiellement pesant de cette structure étirée dans le temps en conservant une harmonie entre les différentes époques sans chercher à créer des liens scénaristiques artificiels.

Liées par les liens familiaux, les trois histoires restent indépendantes et épousent les différentes vagues de migration qui sont arrivées en Iran. Après les universitaires fuyant l’invasion russe, une autre génération quitte le pays à cause des Talibans, puis vient l’armée américaine et enfin les enfants nés en Iran mais qui ne peuvent accéder à la nationalité. Ce temps long permet de constater l’évolution des mentalités d’un peuple déplacé et de ceux qui les accueillent alors que la question migratoire perdure au fil des décennies.

Le temps est assassin, dit-on. S’il ne tue pas forcément, il laisse irrémédiablement des traces. Ce passage du temps dans Au pays de nos frères n’est pas une coquetterie stylistique, les trois décennies portent en elle l’évolution d’un regard porté sur les réfugiés. Avec le temps vient la possibilité d’une certaine lassitude, le même type d’enlisement défaitiste qui menace depuis des mois déjà les ukrainiens bloqués dans une guerre interminable.

Au pays de nos frères © 2024 Furyo Films - JHR Films

Drames délicats

Ce regard porté sur le désintérêt progressif à l’encontre des réfugiés afghans est miraculeusement dénué de pathos. Si les membres de cette famille symbolisant les exilés vivent des drames douloureux, Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi font le choix de suggérer l’horreur plutôt que de l’afficher frontalement devant la caméra. Mohammad, Leila et Qasem sont confrontés à un abus sexuel, une mort probablement liée à l’épuisement et le décès d’un fils mais le plus choquant se déroule hors champ.

En laissant le soin au spectateur de compléter la réalité des drames vécus par une imagination empathique, Au pays de nos frères fait preuve d’une délicatesse qui renforce le statut universel de ces histoires. Les récits sont à la fois très intimes et incarnent une situation finalement banale de réfugiés qui ne seront jamais véritablement à leur place car on les prive de cette possibilité avec des conséquences désastreuses.

Au pays de nos frères © 2024 Furyo Films - JHR Films

Fresque familiale s’étalant sur trois décennies, Au pays de nos frères porte un regard réaliste et délicat sur la situation des réfugiés afghans en Iran. Un rappel de la fragilité de la fraternité face à l’altérité qui résonne avec les discours mortifères de plus en plus dominants qui veulent scinder le monde entre un « nous » excluant et les « autres ».

> Au pays de nos frères (Dar sarzamin-e baradar) réalisé par Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi, Iran – France – Pays-Bas, 2024 (1h35)

Au pays de nos frères (Dar sarzamin-e baradar)

Date de sortie
2 avril 2025
Durée
1h35
Réalisé par
Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi
Avec
Mohammad Hosseini, Hamideh Jafari, Bashir Nikzad, Marjan Khaleghi, Hajeer Moradi, Marjan Etefaghian, Mehran Vosoughi
Pays
Iran - France - Pays-Bas