Bâchée par mon coiffeur !

Bâchée par mon coiffeur !

Bâchée par mon coiffeur !

Bâchée par mon coiffeur !

17 mai 2011

Gaëlle, de retour au Japon après la catastrophe de Fukushima, lève le voile sur les coiffeurs nippons. Une expérience lors de laquelle les corps se frôlent, les visages sont aveuglés, le temps d'un shampoing.

Depuis mon arrivée au Japon, j’ai patienté plusieurs mois avant de prendre rendez-vous chez un coiffeur. Mais après quelques tentatives de "rafraichissement personnel", armée de ciseaux d’écolier, j’ai décidé de faire l’expérience du salon de coiffure japonais !

Comme dans la plupart des pays, les salons de coiffure sont facilement repérables grâce au cylindre bleu, blanc et rouge, l’enseigne tournante des coiffeurs. S’il tourne, c’est que le salon est ouvert. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on n’a que l’embarras du choix ! Les salons fleurissent un peu partout. La plupart sont tout petits, quelques mètres carrés seulement. Un service de "barbier" est encore souvent proposé dans les salons pour hommes.

Suite à un traumatisme capillaire dans l’adolescence (une coiffeuse sadique et des mois de railleries), le passage chez le coiffeur me plonge toujours dans une certaine inquiétude. L’angoisse de la coupe ratée se fait plus vive encore quand on est dans l’impossibilité de communiquer avec son coiffeur.
Mon niveau de japonais ne me permet pas d’expliquer clairement ce que je souhaite et, bien sûr, le coiffeur ne parle pas anglais – il est d’ailleurs assez surprenant de constater (du moins dans la région où je vis, à Osaka) que l’écrasante majorité des Japonais ne s’exprime qu’en japonais. Qu’ils ne sachent pas ou qu’ils n’osent pas, la plupart ne parlent pas anglais.

Proximité avec mon coiffeur

En attendant mon tour, on m’installe sur un petit canapé, table basse et plantes, et une bibliothèque de magazines et livres de mode à disposition. Je tourne frénétiquement les pages des magazines à la recherche d’une photo approchant ce que je désire. Lorsque le coiffeur s’approche de moi en souriant, silencieux, je lui montre quelques images, explique en combinant des bouts de phrases et des gestes. Parfait ! Il semble avoir très bien saisi ce que je veux, et m’invite à "passer au shampoing".


Je m’assois sur un des fauteuils et la montée automatisée commence. Après avoir atteint la bonne hauteur, le siège bascule en douceur jusqu’à me mettre en position totalement allongée. Je m’accroche aux accoudoirs, incertaines des mouvements de la machine. Une fois la bête immobilisée, je commence à me détendre… C’est alors que je réalise, les cheveux déjà dans le bac, que la suite risque d’être un poil gênante. Le salon est conçu de telle façon qu’il est impossible pour le coiffeur de passer derrière le fauteuil : le bac à shampoing est collé au mur.
J’anticipe donc la scène : le coiffeur, pour me laver la tête, va être obligé de se placer à côté de moi et de se pencher juste au-dessus de mon visage, dans un embarrassant et long face à face (lui le visage penché vers le sol, moi, dressé vers le plafond).

Dans la position où je me trouve, je ne vois rien de ce qui se trafique autour de moi. J’entends le coiffeur s’affairer à côté mais ne sais pas ce qu’il fait. Soudain, il s’approche. Tandis que la gêne pointe, à l’idée de l’épreuve de la proximité qui se prépare, le jeune homme règle le problème avec une solution pour le moins inattendue.

Aveuglée pour le shampoing !

Incliné vers moi, son visage à une petite vingtaine de centimètres du mien, le coiffeur me sourit une dernière fois poliment. Puis je vois ses mains s’avancer vers moi et tout-à-coup… plus rien ! Je suis dans le noir. Il m’a délicatement posé un linge blanc sur le visage. Pouf ! Me voici bâchée !!
Cette serviette douce et opaque me recouvre entièrement la face. Dans la pénombre de mon nouveau "couvre-chef", je suis d’abord franchement étonnée de ce qui m’arrive, puis à deux doigts d’éclater de rire. Cette couverture m’a d’ailleurs permis à plusieurs reprises de cacher mes sourires amusés.

Le shampoing commence. Ici, point de massages doux et d’effleurements délicats, le coiffeur frotte énergiquement en mouvements saccadés. Il frotte même si fort que toute ma tête en est secouée. Là encore, l’envie de rire succède à l’étonnement. Rinçage et deuxième shampoing. Après de longues minutes, je commence à suer sous ma couette. Chaleur et condensation, j’ai hâte que ça se termine. C’est alors que le coiffeur effectue quelques points d’acupression sur ma nuque et mon crâne. Rrâââh, plaisir intense ! Je lui pardonne instantanément les frictions un peu vives qu’il vient de me faire subir.

Le fauteuil est remis en route pour me ramener à ma position initiale. Alors que j’essaie de me relever, on me demande d’attendre que la machine me redresse d’elle-même, lentement, très lentement. Je vais ensuite m’installer devant les miroirs. On m’habille d’une longue blouse blanche. Ou plutôt devrais-je dire, d’une tente. Sans manches, d’un seul morceau de tissu, elle descend depuis mon cou jusqu’au sol, épousant en douceur les courbes du fauteuil. Seule ma tête déborde.

Un coiffeur affable

Je suis entièrement couverte. Pendant la demi-heure qui suit, je suis prise d’une envie subite de me gratter le nez. Impossible vu les conditions d’espérer le faire discrètement. Après avoir résister une bonne minute (ce qui est un exploit lorsque ça gratouille !), je me décide à glisser doucement mon bras vers le sol, jusqu’à pouvoir extirper ma main de ce fatras de tissu, et de le relever pour atteindre mon visage. Le coiffeur, repérant mon manège, s’arrête et me demande ce qui se passe, si j’ai besoin de quelque chose, s’il peut m’aider. « Heu… non non, je m’en charge. »

Je note au passage la grande amabilité de mon coiffeur, qui n’a pas hésité (et avec le sourire) à sacrifier la perruque d’une tête à coiffer pour me montrer quelle était la fonction des ciseaux spéciaux qu’il s’apprêtait à utiliser sur moi. Je suis sortie ravie de cette première expérience de coiffure nippone !

Je suis allée depuis dans d’autres salons de coiffure. J’ai noté des différences d’un salon à l’autre. De la décoration luxueuse au petit boui-boui de quelques mètres carré. Des techniques aussi : beaucoup de coiffeurs japonais font le shampoing après la coupe, et humidifie seulement les cheveux pour les couper (avis pour ceux qui vont chez le coiffeur les cheveux moyennement propres !).

Mais jusqu’à présent, ils avaient tous un point commun : le bâchage de la face pour le shampoing !