Dans les faubourgs d’une ville de la côte atlantique, la jeunesse de la classe moyenne s’ennuie. George (Marilyn Lima), jolie blonde de 16 ans captant tous les regards du lycée, tombe amoureuse d’Alex (Finnegan Oldfield). L’adolescent succombe logiquement à son charme mais ne semble pas très motivé pour s’investir dans une vraie relation. Pour attirer son attention, George lance alors l’idée du “bang gang”, un jeu sexuel collectif où sa bande d’amis est invitée à tester les limites de leur sexualité, aidés par quelques substances illégales.
Animés par des raisons et pulsions diverses, tous ou presque se retrouvent alors régulièrement dans des orgies récréatives où les corps intoxiqués se mêlent, souvent sous l’œil de caméras voyeuses, dans des orgies débridées. Mais lorsque des vidéos commencent à tourner en dehors du cercle d’amis, le scandale éclate et chacun va se retrouver face à ses responsabilités, affrontant, chacun à sa manière, la tempête sociale qui s’abat sur eux.
Please, love fuck me !
Vexée d’être rejetée, une sensation qu’elle n’a pas l’habitude d’éprouver, George lance ce fameux “bang gang” comme une riposte désespérée pour se faire remarquer par Alex, espérant certainement allumer chez lui une étincelle de jalousie. Avec le prétexte du jeu – on choisit qui on doit embrasser, voire bien plus, avec l’aide d’une bouteille que l’on fait tourner sur le sol -, la ravissante blonde pense avoir là un remède efficace au manque d’intérêt de son flirt. Si la manœuvre s’avère vaine, l’engrenage est lancé et le jeu devient régulier dans la maison d’Alex, délaissée provisoirement par ses parents. Et dans l’entourage de George chacun a une bonne raison pour participer à ces parties de jambes en l’air.
Lætitia (Daisy Broom), l’amie de George, se joint à ces orgies avec un sentiment mêlé de vengeance et d’égo blessé : moins convoitée que sa copine, la jeune fille découvre qu’elle est, comme les autres, une partenaire de baise pas moins efficace qu’une autre. Alex y participe aussi, car il est chez lui après tout et il aurait bien tort de ne pas en profiter, tout comme son pote Nikita (Fred Hotier) qui suit le mouvement. Quant aux autres adolescents présents, ils saisissent évidemment cette occasion de s’envoyer en l’air — voire de perdre leur virginité — dans le cadre d’un jeu leur évitant le long labeur – pas toujours couronné de succès – de la séduction. Si les intentions des personnages principaux sont assez claires et leur évolution intéressante, cela ne donne pas pour autant du fond et un sens à ces orgies à répétition. En prenant un peu de hauteur, Bang Gang devient flou et l’intention de la réalisatrice semble moins évidente.
D’après une partouze vraie
La quête du sens de cette exploration d’une certaine décadence adolescente est troublée par le fait que le film se base sur une histoire vraie ayant créé le scandale aux États-Unis en 1999. Si la réalisatrice affirme avoir trouvé des histoires semblables en France, en Allemagne ou encore en Belgique, elles restent cependant isolées et ont justement fait parler car elles sortent de l’ordinaire. La question se pose alors, au delà de la fascination de la cinéaste pour le sujet : quel est l’intérêt d’un film reprenant un tel fait divers ? Pour raconter quoi ?
On peut arguer que le film montre en effet que les adolescents, à l’époque des faits et encore plus maintenant, sont en majorité beaucoup plus à l’aise avec leurs corps que leurs aînés, pour qui les sextos et le porno en libre accès sur Internet n’existaient pas encore. Certes, mais ce n’est pas une révélation et n’explique pas pour autant l’attrait pour le “bang gang” du film. En dehors de George et de ses amis proches, la cinéaste ne dévoile pas les motivations des autres membres de ces partouzes ludiques. Il manque au final au film ce souffle si particulier qui anime la période adolescente et aurait donné un supplément d’âme à ces enchevêtrements de corps. Le titre du film Bang Gang (une histoire d’amour moderne) favorise d’ailleurs la confusion, donnant l’impression qu’il s’agit là d’un exposé théorique sur ce que sont les relations sociales et sexuelles dans un groupe d’adolescents lambda. Ce n’est évidemment pas le cas, mais Eva Husson échoue à extraire la spécificité des ces jeunes qui eux sont allés si loin.
Au final, la réalisatrice a utilisé ce fait divers sulfureux pour raconter une histoire telle qu’elle l’imaginait. D’ailleurs cette “histoire d’amour moderne” est peut-être celle que George réussit finalement à nouer avec un des participants aux orgies. Assez touchante, cette amourette permet au personnage de la jeune fille de s’en tirer plutôt bien, mais nous éloigne du sujet initial. Le fait qu’une fois les partouzes rendues publiques (via une fuite sur Internet), les foudres s’abattent sur le groupe d’adolescents (MST et avortement sont au programme) pour les punir de leur inconscience pose également question. Est-ce un reflet de la réalité du faits divers ou un ajout de la réalisatrice à prendre comme une sanction moralisatrice, ou juste un rappel bienveillant que la capote, à deux ou à plus, ce n’est pas optionnel ?
Glissée sous les draps d’adolescents très joueurs, Eva Husson réussit de jolis portraits psychologiques de ses personnages principaux mais échoue à donner de l’ampleur à cette histoire vraie. Au final ce premier film est à l’image des partouzes qu’il décrit : on en ressort stimulé mais pas forcément plus avancé.
> Bang Gang (une histoire d’amour moderne), réalisé par Eva Husson, France, 2015 (1h38)