Bien dans leurs bottes fourrées, rien n’arrête les Berlinois. Et surtout pas le froid. Dans cette métropole en perpétuel mouvement, par de températures qui font hésiter un Parisien à sortir chercher sa baguette, on se réchauffe d’une currywurst – la spécialité berlinoise, foncièrement street food, saucisse coupées en morceaux, genéreusement recouverte de ketchup et de poudre de curry, servie avec des frites ou du pain – , d’un kebab ou d’un falafel. Les pieds dans la neige et les mains dans les mitaines.
Incontestablement, il existe une street food berlinoise, une street food qui ressemble à la capitale allemande : vivante, bigarrée… et de plus en plus écolo (ou presque). Il ne pouvait en être autrement dans une ville où même avinés (ou pleins de bière), les fêtards ne se trompent pas de poubelle de tri sélectif. Où il semblerait que l’on préfère se retrouver pour manger une wurst avant un concert que de s’inviter à dîner (et ce, même passés trente ans). Où l’offre street food impressionne.
La quantité d’"Imbisse" tout d’abord : ces petits établissements de restauration rapide, – que l’on pourrait au mieux traduire par "snack" – sont au nombre de 3 000 selon la Chambre de commerce berlinoise. Un business d’autant plus intéressant que si vous choisissez de faire manger vos clients debout, ce à quoi les Berlinois ne rechignent pas, les taxes ne sont que de 7%… contre 19% dès qu’il y a le moindre tabouret.
"Ouvriers en bâtiment et cols blancs sont amenés à manger à la même table"
Ce qui frappe aussi le Français qui a forcément des souvenirs de fringale nocturne souvent difficile à combler, c’est l’amplitude horaire de ces enseignes. "Ouvriers en bâtiment et cols blancs sont amenés à manger à la même table", souligne Mirko Grossmann, de Curry 36, institution de la curry wurst située sur l’avenue de Mehringdamm, où l’on peut prendre une saucisse de 9 heures à… 5 heures du matin.
Autre différence notable, le casse-dalle qui cale, coûte autour de 3 eurosseulment…
Le virage bio date des années 2 000 et n’étonne personne dans une ville où marchés et supermarchés bio sont légions, et où même le discount propose bon nombre de références. Alors le fast-food bio, warum nicht ?
Frank a monté son Frittiersalon, à Boxhagener Strasse dans le quartier de Friedrichshain, en 2 003. "Par conviction", alors qu’il ne trouvait à l’époque pas grand-chose dans le quartier pour satisfaire sainement ses petits creux. A Frittiersalon, on emporte ou on s’assied, parce qu’il faut "prendre le temps de penser à ce que l’on mange", estime cet adepte du bon goût même dans les plats les plus simples: "le fast food peut virer slow food, c’est notre ambition et c’est ce qu’on propose". Et ça marche. On vient d’autres quartiers pour ces frites élaborées avec des pommes de terre bio, produites localement. Parce que bio ne veut pas forcément dire écolo : "pas de pesticides c’est bien, mais il faut aussi penser à l’empreinte carbone".
Fast food ne rime pas toujours avec junk food
Des burgers militants, il en a essaimés dans un peu toute la ville derrière Frittiersalon ou Yellow sunshine, précurseur en bio ET végétarien… jusqu’au bacon cheese (ja, ja). A force de manger des sandwiches, il faut bien songer à sa santé…
De grandes enseignes suivent la tendance, comme Witty’s (Wittenbergplatz), ouvert en 1984, tout bio depuis 2003, sous l’impulsion de Juergen Schöning, adepte de Slow food. Ou encore Curry 36, qui a inscrit à sa carte une saucisse bio, à base de porc nourri aux épluchures de pomme, ce qui lui confère un goût plus fruité que la saucisse classique (on a testé). Un cochon estampillé Neuland, un label aussi exigeant sur les conditions de vie de l’animal que sur la protection de l’environnement.
Chez Frittier, le boeuf qui donne vie à votre burger est également estampillé… tout comme l’agneau des kebabs de Merhaba, sur Greifsfalder strasse dans le quartier bobo de Prenzlauer Berg. Un döner où l’on s’assied dans un décor campagnard, étudiant la carte écrite à la craie sur l’ardoise en sirotant une Bionade (soda bio) au sureau… Seule concession à l’ambiance kebab, la télé qui impose une émission de télé-réalité automobile… Ici depuis trois ans, de gros bras reçoivent deux fois par semaine quelque 80 kilos de viande qu’ils coupent et font mariner eux-mêmes. Des efforts qui se paient (4,50 le döner). Mais c’est bio, c’est bon. C’est Berlin.