C’est pendant un week-end enneigé qu’on a rencontré Btoy à Paris. Alors que tout est gris dehors, on pousse la porte de la galerie Openspace. Des murs blancs jaillissent des visages lumineux.
BToy est attablée dans un coin de la pièce. Elle dédicace le livre que la collection Opus Délits lui a consacré, "BTOY, la passionaria du Street Art", écrit par Thierry Froger. Elle est entourée de ses pochoirs, des portraits de femmes célèbres, la militante Angela Davis, la chanteuse Amy Winehouse, le performeuse Ana Mendieta, l’artiste Frida Kahlo… « Des femmes qui ont transgressé et remis en question certaines normes. Des questions qui encore aujourd’hui, restent taboues », nous dira-t-elle plus tard.
La photographie
Btoy, aka Andrea Michaelsson, a collé ses pochoirs dans la rue, en 2002. Pour ne plus jamais s’arrêter. « J’essaie de passer autant de temps que possible à faire ce que j’aime. C’est le moteur qui me fait lever le matin. » Espagnole, sa ville natale, son lieu de travail, c’est Barcelone.
Lorsque Btoy débute dans la rue, elle suit toujours des études de photographies. La photographie, sans doute la raison pour laquelle les contrastes sont si saisissants dans son travail, les jeux d’ombre et de lumière, les clairs-obscurs qui captent le regard.
« C’est la base de ma peinture, j’ai toujours utilisé la photographie pour peindre. » déclarait-elle dans une interview donnée à Artsmania en juillet 2012.
Le travail sur la couleur est énorme, minutieux et précis. Dans son atelier, elle peut prendre le temps de composer ses images. « C’est là que je développe des idées, des techniques et que je fais des erreurs. Dans la rue, je suis prête, je vais beaucoup plus vite. »
Issue de la photo, ses influences le sont également. Henri Cartier-Bresson, Helen Levitt et Lewis Hine, notamment pour leur travail consacré aux enfants, très présents dans les pochoirs de Btoy, l’ont inspirée. Mais on trouve aussi dans son travail beaucoup de photographes d’Hollywood, ceux qui ont immortalisé les icônes qui peuplent l’œuvre de Btoy.
Portraits de femmes libres
Vivien Leigh, Elizabeth Taylor, Marylin Monroe, Louise Brooks… Des visages connus, des femmes admirées. BToy veut-elle rendre hommage à ces femmes qui ont su s’imposer dans un monde d’homme ?
Elle-même femme dans un milieu majoritairement masculin, BToy montre en tout cas leur beauté, au-delà des apparences. « Je cherche plus que l'icone elle-même dans chaque image. Je cherche le caractère dont elles ont fait preuve, cette envie d'enfreindre les règles, cette affirmation de l'individualité contre la société de masse », nous explique-t-elle.
Le bon mur
Aujourd’hui en galerie, elle a commencé à exposer en 2006. Mais Btoy reste très attachée au mur, celui qui vit, qui vieillit, qui se salit. Le choix du mur, où elle colle les supports de ses pochoirs, est fait selon des critères stricts. « J’ai besoin de temps pour observer ce qui se passe dans les rues. » Ses murs, elle les veut décrépis, encore marqués par la présence ancienne d’une affiche publicitaire, irréguliers et mal fichus… « J'aime les murs qui ont une histoire, qui ont été abandonnés, ceux qui se décomposent et tombent en ruine où l'on peut lire le passage du temps », indique l’artiste.
Pour chaque œuvre collée dans la rue, BTOY se pose la question du contexte. Il ne s’agit pas de pochoirs posés ici ou là selon le hasard de ses déambulations, mais d’un choix relatif à un milieu, un contexte, un environnement. Et d’ailleurs, elle comprend mal les street artistes qui ne se posent pas ces questions : « Je suis tout aussi critique face à cette forme de street art qui n’appréhende pas son environnement. Car je trouve indispensable de concevoir l’œuvre en fonction de l’espace public », peut-on lire dans une interview retranscrite dans le livre d’Opus Délits.
L’espace public, la rue, la ville, elle veut les voir, les observer et surtout s’en nourrir. BToy voyage, s’enrichit du travail des artistes qu’elles rencontrent et de l’influence que le caractère d’une ville exerce sur eux. Jakarta, Mexico, Paris, Lisbonne… aux quatre coins du globe, elle chérit sa liberté. Dans Opus Délits, elle évoque son plus beau souvenir dans la rue : « Quand nous pouvions peindre à Barcelone en souriant à un policier avec une bombe à la main. »
> Btoy, la passionaria du Street Art, textes de Thierry Froger, collection Opus Délits, Critères éditions, 2012.
> Galerie Openspace, 56, rue Alexandre Dumas, Paris 11è.