« Candyman », Black Killer Matter

« Candyman », Black Killer Matter

« Candyman », Black Killer Matter

« Candyman », Black Killer Matter

Au cinéma le 29 septembre 2021

Jeune peintre ambitieux, Anthony McCoy s'inspire de la légende macabre du Candyman comme source d'inspiration pour ses tableaux. Mauvaise idée : alors que sa santé mentale vacille, la mort rôde dans son entourage. Nouvelle adaptation du cauchemar imaginé par Clive Barker, Candyman pousse à son paroxysme l'aspect politique de l'œuvre. Produit par Jordan Peele, le mythe du tueur au crochet devient une dénonciation frontale du racisme systémique des États-Unis où, sous l'hémoglobine, l'horreur est avant tout sociale.

Depuis des générations, une effroyable histoire de fantôme hante les rues de Cabrini Green, une des cités les plus insalubres en plein cœur de Chicago. Un tueur diabolique, avec un crochet en guise de main, pourrait être convoqué très facilement en répétant son nom cinq fois devant un miroir.

Voilà dix ans maintenant que la dernière des tours de Cabrini Green a été détruite. La gentrification a fait son œuvre : entièrement reconstruit, le quartier est désormais réservé à une classe sociale jeune et aisée. L’artiste peintre Anthony McCoy (Yahya Abdul-Mateen II) et sa petite amie Brianna Cartwright (Teyonah Parris), directrice de galerie d’art, emménagent dans un appartement luxueux, sur le site de l’ancienne cité.

Alors que sa carrière est au point mort, Anthony rencontre par hasard un habitant qui a connu le quartier avant sa rénovation et lui raconte la légende du Candyman. Le jeune artiste commence à se servir de la lugubre histoire pour alimenter ses créations. En intégrant le mythe à ses tableaux, il ouvre la porte à un passé trouble qui sème la mort autour de lui et met en danger son équilibre mental.

Candyman photo © 2021 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. and Bron Creative MG1, LLC. All Rights Reserved.

Candyman take 2

Annoncé comme un remake de Candyman réalisé par Bernard Rose en 1992, ce retour du célèbre tueur au crochet est en fait une nouvelle adaptation de la nouvelle d’origine, The Forbidden, par Clive Barker. À l’instar du Halloween sorti en 2018 qui snobait les très nombreuses suites du tueur masqué, le film réalisé par Nia DaCosta ignore les deux suites Candyman 2 (1995) et Candyman 3 (1999).

Les déboires du jeune Anthony McCoy se déroulent plus d’une décennie après les événements survenus dans le film et il est fait référence au personnage de la malheureuse Helen Lyle, interprétée dans le premier film par Virginia Madsen. Mais plus qu’une suite directe, cette nouvelle lecture de la légende urbaine est une modernisation qui prend le pouls fébrile d’une Amérique toujours aussi malade d’un racisme systémique.

Pourtant, le vernis de ce Candyman du 21ème siècle est séduisant. Le quartier où traînait le fantôme accro aux miroirs a connu le phénomène de la gentrification qui touche les abords des grandes villes. Un coup de peinture sur la misère, de nouveaux habitants et le tour est joué. La pauvreté et ses plaies sont repoussées en périphérie. Mais ce n’est malheureusement pas le cas pour le jeune peintre et son entourage.

Candyman photo © 2021 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. and Bron Creative MG1, LLC. All Rights Reserved.

Tout nouveau, pas plus beau

Plutôt habile, le scénario de ce nouvel opus dans la franchise s’inscrit dans la suite logique du tout premier film mais n’a pas besoin de son support pour tenir debout. Le film a digéré le premier opus pour l’intégrer à la légende de Candyman. Le destin de l’infortunée Helen Lyle fait désormais partie intégrante de cette succession interminable d’injustices alimentant le monstre.

Visuellement, Candyman est plus lumineux que son illustre prédécesseur. Anthony McCoy interprété par Yaha Abdul-Mateen II (vu dans la série Watchmen ou encore Us) et Teyonah Parris (Ernestine Rivers dans Si Beale Street pouvait parlerlire notre critique) habitent dans le nouveau Cabrini Green, moderne et aseptisé à souhait. Tout irait pour le mieux si l’artiste en quête de gloire n’avait pas fait appel au Candyman pour donner un coup de fouet à sa carrière.

En plongeant ses personnages dans un décor a priori idyllique, Candyman détache le mythe du ghetto pour mieux y revenir. En livrant au passage une réflexion amère sur le procédé de gentrification dont bénéficie ce couple privilégié. Malgré un environnement a priori idéal, le mal s’apprête à faire son grand retour. Et il s’invite à travers l’envie, porte grande ouverte au tueur qui n’attendait qu’on le convoque.

Candyman photo © 2021 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. and Bron Creative MG1, LLC. All Rights Reserved.

Friandise politique

Produit et co-scénarisé par le talentueux Jordan Peele, Candyman s’inscrit dans la logique de sa filmographie d’œuvres qui parlent des afro américains produites et interprétées par les premiers concernés. Ce retour du tueur aux abeilles est un cousin naturel de Get Out (2017), Us lire notre critique – ou encore la série Lovecraft Country produite par Peele.

Ce nouveau Candyman met l’accent sur l’aspect politique et social de l’œuvre. Trop diront certains, plus ou moins bien intentionnés. Mais il s’agit d’une attaque assez déplacée si l’on considère l’œuvre originale. Le mythe de Candyman débute en effet au lendemain de la guerre de Sécession, lorsqu’un jeune artiste noir, fils d’esclave, devient trop intime avec une jeune fille blanche. Cet amour injustement châtié donne naissance au personnage maudit célèbre pour son crochet et ses abeilles.

Contrairement à Michael Myers ou Jason dans les sagas Halloween et Vendredi 13, le tueur qui apparaît si on cite cinq fois son nom en fixant un miroir est un cauchemar avant tout social. Né de la haine raciale, ce fantôme insaisissable ne tue pas avec un agenda politique déterminé mais sa présence est en soit la marque indélébile d’une mauvaise conscience commune.

Candyman photo © 2021 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. and Bron Creative MG1, LLC. All Rights Reserved.

Injustice éternelle

Si Candyman est lié aux miroirs ce n’est peut-être pas un hasard. Il représente ce que l’on ne souhaite surtout pas voir apparaître derrière soi : un passé peu glorieux. Le crochet au bout de son bras est le symbole d’une terrible injustice et son apparition vient rappeler un héritage douloureux. Candyman est la mauvaise conscience d’une Amérique intolérante.

Et pour faire passer ce message, le scénario n’hésite pas à mettre sur les épaules du tueur mythique toutes les souffrances des afro américains injustement accusés et condamnés. À chaque fois, une punition qui se veut expéditive et définitive, sans procès ni recours.

Plus qu’un individu monstrueux, Daniel Robitaille, le Candyman originel, interprété de nouveau par Tony Todd, est un symbole. Il représente ces hommes et femmes victimes d’un racisme systémique à travers les siècles.

Cette lignée de souffrance est d’ailleurs représentée avec une beauté glaçante à travers des spectacles d’ombres chinoises, grande réussite esthétique du film. Impossible de ne pas penser à George Floyd et tant d’autres alors que se débattent les silhouettes de cette représentation théâtrale morbide.

Candyman photo © 2021 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. and Bron Creative MG1, LLC. All Rights Reserved.

To slash or not to slash

Pas assez horrifique la version signée Nia DaCosta ? Au goût de certains, les scènes où apparait le tueur peuvent en effet manquer d’intensité. Mais Candyman ne s’inscrit pas dans la lignée des slasher movie.

L’intention, clairement politique, de Candyman est d’attirer l’attention sur les crimes perpétrés par des humains a priori sains d’esprit sur leurs concitoyens Noirs plutôt que titiller la fibre voyeuriste. Le célèbre tueur est d’ailleurs ambigu. Si ces crimes sont révoltants, ce qu’il représente – la matérialisation d’une injustice – invite à la compassion.

Ce que le film ne montre pas de façon explicite – le spectacle à la fois excitant et répulsif de l’hémoglobine versée – permet d’instaurer une ambiance étrange. Au fur et à mesure que le jeune peintre plonge dans la folie et se rapproche dangereusement de la légende qu’il a convoquée, Candyman associe l’horreur avec une certaine mélancolie désespérée.

Candyman photo © 2021 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc. and Bron Creative MG1, LLC. All Rights Reserved.

Ambiguë, la figure de Candyman oscille entre victime injustement sacrifiée et tueur de sang froid. Une complexité qui en fait l’un des mythes les plus intéressants du cinéma d’horreur.

D’autant plus lorsqu’il surgit là où on ne l’attend plus pour faire voler en éclats le vernis policé d’une cité reconstruite sur les cendres d’un passé trop vite oublié.

Trois décennies après ses premiers méfaits, Candyman est de retour pour empêcher l’Amérique de s’admirer paisiblement dans le miroir de sa salle de bain. Plus que jamais, le tueur au crochet semble en phase avec un pays qui doit encore scander Black Lives Matter pour panser les plaies d’une Amérique meurtrie.

> Candyman, réalisé par Nia DaCosta, États-Unis – Canada – Australie, 2021 (1h31)

Candyman

Date de sortie
29 septembre 2021
Durée
1h31
Réalisé par
Nia DaCosta
Avec
Yahya Abdul-Mateen II, Teyonah Parris, Nathan Stewart-Jarrett, Colman Domingo
Pays
États-Unis - Canada - Australie