Chère Maman, les mères aussi peuvent être toxiques

Chère Maman, les mères aussi peuvent être toxiques

Chère Maman, les mères aussi peuvent être toxiques

Chère Maman, les mères aussi peuvent être toxiques
BD
  • 16 avril 2025

    Comment se protéger d’une mère toxique ? Chère Maman, signé par Sophie Adriansen au scénario et Mademoiselle Caroline au dessin, explore tout en délicatesse les affres d’une relation filiale gangrenée par l’emprise maternelle.

    Il y a de ces lectures savamment capables de vous remuer un bon moment. Quoi de pire qu’une mère qui vous déprécie ? Dans Chère Maman, elle est ce personnage entièrement croqué en noir, au profil aussi tranchant qu’une lame de rasoir. Un puissant parti pris graphique, qui envahit et gangrène les pages. Une ombre immense, celle d’une mère implacable, qui se déploie dès la couverture, une mère aux yeux desquels rien chez sa fille ne trouve grâce.

    La fille, c’est Alix, la narratrice, la trentaine, trois beaux enfants, un mari aimant et un chouette projet professionnel à l’horizon. « N’oublie pas que j’ai laissé tomber ma carrière pour que tu réalises ton rêve », lui glissera la maternelle langue de vipère. Alix, plus une enfant, mais toujours emprisonnée dans la toile de celle qui toujours juge, rabaisse, culpabilise, infantilise. « Je ne sais pas comment tu fais pour la supporter (…) moi, je me force, je suis sa mère, je n’ai pas le choix », serine la mère, perfide, à son gendre médusé.

    Dès les premières pages, un déclic, lorsque Alix dit à sa petite fille combien elle la trouve belle. « Elle va finir par le croire… ». La voix vient ternir le beau moment et c’est la fois de trop. C’est toute une enfance qui refait surface, teintée de commentaires acerbes : « Arrête de te goinfrer, tu vas finir obèse, déjà que…« , de sarcasmes quotidiens : « Ce pull rendait mieux sur la fille de La Redoute« . Une mosaïque de souvenirs empoisonnés, dans l’intimité d’un huis-clos empreint de violence sourde. Et un refus aussi : qu’une autre petite fille, la sienne, hérite de ce fardeau filial, de ce poison affectif si douloureux.

    Prise de conscience, et puis ? Que faire de ce lien si abîmé ? Parler, fuir ? C’est tout un cheminement qui empreinte avec poésie la déclinaison des saisons. Faire taire la voix omnipotente qui partout résonne, même à l’intérieur de soi, et pourtant isole. Pas après pas, s’éloigner de la mère vampire et apprendre à dire non.

    C’est l’histoire d’une reconstruction, et non d’un règlement de compte, et c’est là toute la finesse du récit, portée par la délicatesse du trait de Mademoiselle Caroline, qui croque avec justesse personnages et émotions, et le festin de mots cannibales auquel se livre la mère dévorante.

    Encore taboue, l’emprise maternelle concernerait près d’un cinquième de la population. Un chiffre qui interroge, tant le sujet, aux conséquences pourtant ravageuses, reste peu exploré.

    Chère Maman de Sophie Adriansen et Mademoiselle Caroline

    253 pages
    Date de publication
    26 février 2025
    Éditeur
    Glénat
    Page du livre sur le site de l’éditeur