« Le cinéma n’intéresse plus »

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Au cinéma le

Les Liaisons dangereuses, The Queen, c’est lui. Stephen Frears était à Romainville (93) dans le cadre des Rencontres cinématographiques. Citazine l’a rencontré et a goûté ses réponses précises et lapidaires.

Le réalisateur anglais était l'invité des Rencontres cinématographiques du 93. | Photo Emmanuel Gond-Cinémas 93

Pendant trois jours, le réalisateur anglais Stephen Frears, invité des Rencontres cinématographiques de Seine-Saint-Denis, a sillonné les salles du département. L’occasion de raconter la genèse de ses films et de répondre aux questions du public. Le premier rendez-vous avait lieu vendredi 19 novembre, au Trianon de Romainville. Dans la salle, grand rideau rouge et dorures, des scolaires, des curieux et beaucoup de cinéphiles. Trois extraits sont choisis pour animer la discussion : la première scène des Liaisons dangereuses, de Chéri et de The Queen.
Debout face au public, le réalisateur est entouré d’une interprète et de Philippe Pilard, auteur de l’ouvrage Le Cinéma britannique préfacé par Frears. Les questions fusent, et Frears se prête au jeu. Le tout, avec un franc-parler et un humour très… british. Nous avons pris le thé avec lui, juste après.

Quelles sont les raisons de votre présence aux Rencontres cinéma du 93 ?

Claude Chabrol, invité d’honneur l’année dernière, m’a dit que c’était un très bon festival, que les organisateurs étaient des gens bien. Nous n’étions pas spécialement proches, mais il m’avait convaincu de participer. J’ai donc décidé de répondre favorablement à l’invitation.

Aviez-vous déjà entendu parler de la Seine-Saint-Denis ?

A vrai dire, on m’a expliqué rapidement cet après-midi où nous étions, mais je n’en avais aucune idée avant de venir.

Aviez-vous un message particulier à délivrer ici ?

Non, je n’ai aucun message précis à donner. J’essaie juste d’expliquer ma vision de la vie et du cinéma, quand on me la demande. Mais tout ce que je souhaite, c’est que ma présence ici encourage les gens à aller voir les films qui sont présentés pendant le festival.

Le dernier film de Stephen Frears, Tamara Drewe. | Visuel Diaphana Distribution

Qu’avez-vous pensé du public de Romainville ?

Sympathique, plutôt jeune, intéressé. Mais le fait qu’il vienne d’ici ou du centre de Paris m’indiffère complètement. Je ne fais aucune différence entre eux ou le public de la Cinémathèque, par exemple.

Quel bilan tirez-vous de votre master class ?

C’est évidemment gratifiant de voir qu’on rend hommage à votre travail d’il y a 20 ans, et que les gens -même les plus jeunes- sont toujours intéressés par mes plus vieux films.
Sur le fond, les questions ont été assez classiques : les difficultés du métier de réalisateur, la signification de certaines scènes, etc. Parfois, des questions un peu naïves, qui viennent du jeune public. Mais ça ne me gène pas, ça fait partie du jeu, même quand on vous oblige à parler de vos doutes et de vos échecs! En l’occurrence, Mary Reilly pour moi.

Vous arrive-t-il encore de douter quand vous faites un film ?

Des doutes, il y en a toujours quand je fais un film. La peur qu’il soit mauvais est toujours là, même si après trente ans, j’estime savoir maintenant comment faire un film. Mais ces doutes ne doivent jamais transparaître, c’est la moindre des choses que je dois à mon spectateur : lui donner l’impression que tout a été fait simplement. Parfois, cela arrive aussi naturellement. Par exemple, les tournages des Liaisons dangereuses ou de Tamara Drewe (son dernier film, sorti en France cet été, ndlr), se sont passé à merveille, et je trouve que cela se ressent.

Le public français vous est favorable en général…

C’est vrai, presque plus que le public anglais d’ailleurs ! Et je lui suis très reconnaissant. Tous mes films n’ont pas toujours été bien accueillis par la presse française (qui n’avait pas épargné Chéri par exemple, ndlr), mais le public est fidèle, et c’est d’un grand réconfort. Surtout lorsqu’on voit la situation du cinéma en Angleterre…

C’est-à-dire ?

C’est très difficile en ce moment. Les gens ne s’intéressent plus au cinéma, et je ne pense pas que ce soit le cas seulement en Angleterre. Aujourd’hui, les gens parlent musique, Internet, télévision, mais le cinéma passe après le reste. Et ce n’est pas être pessimiste que de dire ça, c’est simplement réaliste.

Les Liaisons dangereuses est sorti en 1988. | Visuel Warner Bros. France

Pourtant vous trouvez les moyens de continuer à faire des films…

Oui, mais en ce moment je ne vis pas, je survis, et cela devient de plus en plus dur. Il faut se battre au quotidien, trouver d’autres moyens pour faire des films. Aller aux Etats-Unis, par exemple.

Qu’est-ce qui change dans le travail aux Etats-Unis ?

Aux Etats-Unis, vous avez deux types de cinéma : le cinéma indépendant et le cinéma de studio, hollywoodien. Dans le deuxième cas, faire un film est très lourd car les tournages sont beaucoup plus longs, et les producteurs exigent d’avoir un regard sur tout. Mais j’ai eu de la chance, plusieurs fois, j’ai pu m’échapper. Dans le cas des Liaisons dangereuses par exemple : les Américains étaient tellement effrayés par l’idée d’un film en costume qu’ils nous ont laissé complètement tranquilles, sans vouloir intervenir. Ou quand j’ai fait High Fidelity, un film de studio : on m’a demandé de le tourner comme si c’était un indépendant. J’ai fait ce que je voulais, c’était merveilleux pour moi.

La perspective de tourner aux Etats-Unis est-elle toujours d’actualité ?

Oui. Mon prochain film se passera à Las Vegas. Il parlera du monde du jeu, et du pari.

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