« Les enfants du temps », averse sentimentale

« Les enfants du temps », averse sentimentale

« Les enfants du temps », averse sentimentale

« Les enfants du temps », averse sentimentale

Au cinéma le 8 janvier 2020

Alors qu'une pluie diluvienne s'abat sur le pays, Hodaka, lycéen récemment arrivé à Tokyo, rencontre Hina, une jeune fille possédant un pouvoir surprenant. Fable écologique au graphisme remarquable, Les enfants du temps met en scène une idylle adolescente originale menacée par le dérèglement climatique. Une romance touchante, dans le sillon de Your Name., submergée par un sentiment d'urgence, de plus en plus désespéré.

Hodaka, lycéen ayant fui son île natale pour rejoindre Tokyo, tente de survivre dans la jungle urbaine. Après une succession de petits boulots, il intègre une revue à sensation dédiée au paranormal. Depuis des semaines, le pays est touché par un phénomène météorologique extrême : des pluies ininterrompues rendent la situation de plus en plus critique. Hodaka est chargé d’enquêter sur les « prêtresses du temps » qui seraient, selon la légende, capables de contrôler les phénomènes climatiques.

Plutôt sceptique à l’idée que ces êtres exceptionnels puissent exister, le lycéen doit remettre en cause ses certitudes lorsque la mystérieuse Hina entre dans sa vie.

Les enfants du temps © 2019 WYFP

Shinkai, le boss

Avec Your Name. (2016), son film précédent, Makoto Shinkai s’est définitivement fait un nom dans le monde de l’animation japonaise. Succès public et critique, cette histoire fantastique de deux adolescents échangeant bien malgré eux leurs identités a intronisé le cinéaste comme nouveau patron de l’anime au Japon. Makoto Shinkai est devenu le seul réalisateur de film d’animation à avoir attiré plus de monde dans les salles obscures que le maître Hayao Miyazaki.

Sorti l’été dernier au Japon, cette nouvelle fable aux implications écologiques a créé un réel engouement. Avec 10 millions d’entrées vendues rien que dans son pays d’origine, Les enfants du temps a même dépassé le remake rugissant de Disney. Sélectionné pour représenter le Japon aux Oscars, le nouveau film de Makoto Shinkai explore l’impossibilité d’un amour adolescent sur fond de crise écologique. Un sujet dont l’urgence ne saurait être plus dans l’air du temps.

Les enfants du temps © 2019 WYFP

Eau, c’est beau !

À l’instar de son film précédent, le cinéaste émerveille une nouvelle fois par la maîtrise graphique de cette histoire fantastique, partagée entre grisaille pluvieuse et rayons étincelants. Omniprésente, l’eau qui s’abat sans discontinuer sur Tokyo est un personnage à part entière : qu’elle soit représentée par une pluie naturelle ou une entité plus mystérieuse, composée d’étonnants poissons translucides.

L’élément liquide pourtant difficile à animer est ici traité avec une dextérité étonnante, sublimant les décors de la ville en partie engloutie. Mais la beauté hypnotisante de cette pluie ne doit pas faire oublier la menace qu’elle fait peser sur la ville. Et ce combat contre l’ennemi aquatique, la jeune Hina est décidée à le mener jusqu’au bout.

Les enfants du temps © 2019 WYFP

Ado rayonnante

Dans un premier temps dubitatif, Hodaka révise rapidement sa position sur « prêtresses du temps » après sa rencontre avec Hina. Le lycéen découvre en effet que l’adolescente arrive à contrôler les évènements climatiques. En se concentrant, Hina peut chasser les nuages et faire apparaître un soleil radieux. Une magie qui n’opère à chaque fois qu’un court instant. Pour les nostalgiques des années 80, le pouvoir de la jeune fille rappellera sans doute celui du téméraire Esteban de la série culte Les mystérieuses cités d’or (1982-1983).

Hodaka et Hina décident d’exploiter ce don hors du commun en créant un site Internet vendant des éclaircies aux tokyoïtes. Et le succès est au rendez-vous ! Nombreux sont les habitants souhaitant réserver quelques rayons de soleil pour un évènement particulier.

Les enfants du temps © 2019 WYFP

Si le film est centré sur le parcours du jeune Hodaka, Hina et ses pouvoirs lui volent quelque peu la vedette. Dans ce Tokyo détrempé, c’est bien la jeune fille qui mène la barque. Situation assez inhabituelle, la jeune fille met un point d’honneur à tenir à distance le lycéen en insistant sur sa position d’aînée. Un peu plus âgée que le lycéen, Hina joue sur ce décalage pour affirmer une position dominante dans leur relation.

Hina possède ainsi deux pouvoirs : celui de faire apparaître à sa guise l’astre solaire mais également de mener Hodaka par le bout du nez. Une posture qui n’empêche toutefois pas Hodaka de tomber sous son charme. Cette conception moderne — pour ne pas dire féministe — du personnage se double d’une posture sacrificielle quelque peu mystique. Hina en est persuadée : elle est investie d’une mission.

Les enfants du temps © 2019 WYFP

Avant elle, le déluge

Malheureusement, le pouvoir que possède Hina n’est pas sans conséquence. De plus en plus sollicitée, l’adolescente s’affaiblit. Avec ces pluies qui submergent peu à peu Tokyo, Makoto Shinkai embrasse la vision d’un monde qui court à sa perte. L’actualité brûlante de l’Australie partant en fumée — entre autres catastrophes naturelles — donne plutôt raison au sombre constat proposé par le cinéaste.

L’eau et le feu, la fiction cinématographique et une réalité sidérante se répondent de façon troublante. Alors que la ville est lentement engloutie, Hina pense pouvoir faire revenir le soleil, pour de bon. Mais ce dernier miracle a un prix très élevé car, dans ce futur très proche, il est déjà trop tard pour les solutions indolores. Et le fait que la jeunesse, incarnée par la courageuse Hina, soit l’objet du sacrifice n’est évidemment pas un hasard.

D’une charmante romance adolescente, Les enfants du temps vacille sans crier gare vers un drame fantastique interrogeant le sacrifice individuel pour le bien commun. Le parcours est un peu sinueux pour en arriver là mais cette histoire d’amour tentant de garder la tête hors de l’eau s’avère aussi originale que touchante.

> Les enfants du temps (Tenki no ko) réalisé par Makoto Shinkai, Japon, 2019 (1h54)

Les enfants du temps (Tenki no ko)

Date de sortie
8 janvier 2020
Durée
1h54
Réalisé par
Makoto Shinkai
Avec
Kotaro Daigo, Nana Mori, Sei Hiraizumi, Yûki Kaji
Pays
Japon