Les scientifiques s’accordent pour le dire : la sixième extinction de masse de la faune est en cours. Et cette fois-ci, aucune comète provenant du fin fond de l’univers ni éruption volcanique à blâmer. Le responsable — le plus évolué des animaux (paraît-il) — est en train de faire disparaître à grande vitesse une quantité impressionnante d’animaux, et potentiellement sa propre espèce. Pour sensibiliser sur cette crise majeure déclenchée par un homo qui n’a plus grand chose de sapiens, le Jardin des Plantes de Paris accueille pour la première fois une exposition tout en lumières sur le thème de la prévention de la biodiversité. Tour d’horizon de cette promenade nocturne inédite où les animaux brillent pour qu’on ne les oublie pas.
Chaîne de disparitions
L’accès à l’exposition se fait au niveau de la place Valhubert avec l’inévitable contrôle des billets — il est d’ailleurs conseillé de réserver à l’avance pour éviter une attente très probable le week-end. La réservation sur Internet permet également une réduction d’un euro pour chaque entrée, c’est toujours ça de gagné. Le visiteur est accueilli par une arche ornée de dinosaures aux couleurs chatoyantes. De quoi plonger tout paléontologue qui se respecte dans une grande perplexité. Mais l’impressionnant résultat fait immédiatement pardonner cette improbable fantaisie bariolée. Passé ce portail multicolore, préparez vous à croiser des tricératops, tyrannosaures et vélociraptors adoptant des teintes d’écailles plus conventionnelles dans ce premier espace dédié aux animaux disparus il y a 65 millions d’années.
En longeant le bâtiment abritant la Galerie de Paléontologie et d’Anatomie comparée, le visiteur tombe nez à nez avec des mammouths, moas et autres tigres à dents de sabre qui ont un point commun : leur disparition a été causée par l’homme. Un peu plus loin, les animaux nous sont plus familiers car il s’agit d’espèces actuelles qui sont toutes menacées d’extinction : ours blanc, ours brun, papillon monarque, bison d’Amérique, ara, tortue marine… Autant d’animaux que les générations futures ne découvriront peut-être que dans les livres ou les films. L’exposition aurait d’ailleurs pu compléter ce triste catalogue avec quelques exemples d’espèces disparues très récemment, plus évocatrices que ces pauvres dinosaures et autres pachydermes préhistoriques.
Une fois la Galerie dépassée, il faut tourner à droite et se jeter — littéralement — dans la gueule d’un grand requin blanc — lui aussi menacé d’extinction — pour continuer la visite. La traversée au sein de ses entrailles illuminées permet d’accéder à l’entrée de la Ménagerie où l’expédition continue pour découvrir la diversité animale actuelle : éléphants, chameaux, cerfs, kangourous, hippopotames, pandas, lions, zèbres, singes, pangolins, flamants roses, girafes, rhinocéros… Autant d’espèces à protéger pour qu’elles ne rejoignent pas elles aussi la longue liste des animaux disparus à jamais.
C’est beau et plutôt bio
Ces grandes structures représentant des spécimens de la faune et de la flore, disparues ou non, sont clairement impressionnantes. Détail qui ne se remarque pas lorsqu’elles sont admirées de loin, toutes ces lanternes sont constituées de tissu appliqué sur des structures métalliques. L’utilisation de plastique aurait été de très mauvais goût vu le sujet de l’exposition. Certains de ces animaux fantastiques dont la lumière jaillit sont animés, d’autres changent de couleur selon l’humeur. Leur conception — très bien exécutée — présente une certaine fragilité qui est en phase avec l’esprit de l’évènement. La délicatesse de ces créatures de lumières fait écho à leur position très précaire sur une planète qui ne tourne plus vraiment très rond depuis que l’Homme en a pris le contrôle.
Tournicoti- tournicoton
Au sein du zoo, les curieux pourront tenter d’apercevoir, en complément des animaux illuminés, ceux en chair et en os. Mais il ne faut pas s’attendre à faire beaucoup de rencontres. La visite étant nocturne, de nombreux animaux sont soient rentrés dans leurs cages ou cachés dans un coin ignorant magnifiquement ces étranges visiteurs bipèdes venant troubler leur zoo d’ordinaire si calme une fois la nuit tombée. Les magnifiques panthères longibandes — une espèce qui s’active la nuit — sont l’exception que vous pourrez peut-être admirer avec un peu de chance.
Une fois dans le zoo du Jardin des Plantes il est conseillé de se reporter au plan qui est proposé à l’entrée. Si la sortie est fréquemment indiquée, il est parfois un peu plus complexe de suivre le sens de la visite telle qu’elle a été pensée. Il faut dire que l’itinéraire décrit une grande boucle qui fait passer le visiteur devant la sortie conseillée — rue Cuvier — puis le faire revenir vers l’entrée du zoo avant de retourner vers la sortie. Un parcours un peu déroutant qu’il est préférable de suivre avec son plan à la main pour être sûr de ne rien rater.
Autre conseil très terre à terre pour ceux qui n’ont jamais visité le zoo du Jardin des Plantes (en hiver) : prévoir une tenue qui ne craint pas la gadoue ! Laissez vos robes de bal, smokings et autres mocassins à glands au placard car les chemins de la Ménagerie peuvent être boueux en période hivernale. L’éclairage étant volontairement faible — pour mettre en valeur les animaux —, patauger dans une flaque malicieuse qui aurait décidé de se mettre sur votre passage n’est pas à exclure.
Légère prise de conscience
Avec ses animaux lumineux, Espèces en voie d’illumination en met plein la vue mais reste cependant un peu en retrait sur l’aspect sensibilisation face au désastre annoncé au cœur de l’évènement. Cette impression provient de plusieurs éléments à commencer par une scénographie qui met magnifiquement en avant les lanternes mais relègue les textes explicatifs sur des panneaux peu nombreux — tous les animaux n’en possèdent pas — et assez limités en informations. Le mélange d’animaux en voie d’extinction et d’autres non vient également légèrement brouiller le propos d’autant plus que certains textes évoquent l’histoire de résidents historiques du zoo du Jardin des Plantes, sans grand rapport avec la thématique de l’extinction de masse. L’ensemble est au final assez confus et manque malheureusement d’éléments de contexte pour vraiment « éclairer la conscience des petits et des grands » comme le souhaite les organisateurs. Pour aller au bout de l’idée, ce joli spectacle aurait également pu envisager de reverser une certaine somme à une association de défense de la nature — le WWF, par exemple — pour chaque entrée achetée. Une occasion ratée de joindre l’utile à l’agréable pour cette belle sortie à faire en famille.
Infos pratiques :
Espèces en voie d’illumination – Promenade nocturne au Jardin des Plantes
Du 16 novembre 2018 au 15 janvier 2019
au Jardin des Plantes – Accès Place Valhubert 75015 Paris
Horaires :
18 h – 23 h (dernière entrée à 22 h)
Fermeture exceptionnelle le 24 décembre
Plein tarif : 15 €
Tarif réduit : 12 €