Dans votre boîte mail, un simple carton d’invitation qui nous convie à “une exposition éphémère”, pour la semaine suivante, avec une adresse. On n’en saura pas plus, si ce n’est le nom de l’hôte. Nous voici dans le 9ème arrondissement, à Paris. Le code tapé, on frappe à la porte d’un appartement. C’est l’artiste Elsa Gomis, qui ouvre, et nous conduit au sous-sol, dans une magnifique cave comme peuvent en cacher les entrailles de Paris. Y sont diffusés les courts films de la vidéaste. Les invités arrivent petit à petit et se régalent du buffet tout en papotant avec l’hôte, l’artiste, ou bien entre eux. Une douzième édition réussie….
Le chef d’orchestre de cette exposition éphémère, c’est Sellah Alidor, 24 ans, à l’origine du projet. Le concept des Expos à la maison : offrir la possibilité à quiconque de devenir mécène, le temps d’une soirée. Les hôtes proposent leur appartement, invitent des amis et accueillent sur leurs murs les oeuvres d’un jeune artiste.
“On m’a souvent dit ‘mais ce sont des expositions privées’, et c’est le cas, explique-t-elle Mais le but n’est pas d’organiser une exposition avec beaucoup de monde, le but c’est que beaucoup de monde puisse recevoir des expositions chez eux, pour que l’art rentre chez les gens. Qu’ils deviennent acteurs culturels, c’est une autre position que simple spectateur.”
Faire entrer l’art dans les maisons
C’est au terme d’une réflexion sur la démocratisation de la culture, et sur le mécénat, que Sellah a créé les Expos à la Maison, encore étudiante en médiation culturelle. “Je me suis rendue compte que les gens n’osaient pas rencontrer des artistes, alors que là, dans un cadre familier, c’est bien plus facile. Le fait de voir l’artiste change la vision que les gens ont d’une oeuvre, il y a une humanité supplémentaire, un respect de l’autre.” Avec les Expos à la mason, l’hôte ne sait pas qui il reçoit et l’artiste ne connaît ni l’hôte ni le lieu jusqu’au dernier moment. “Les gens participent pour le concept, et j’aime cette idée de prise de risque. Tout le monde est dans le même bateau ! ”
Elle a été poussée dans cette voie par From Paris, un collectif de créatifs -vidéastes, live painter, food designer…- dans lequel elle s’est très tôt impliquée. Le concept séduit. Il répond à une question simple : “Si je veux être mécène, quel moyen j’ai pour soutenir un artiste? J’ai des murs, j’ai des amis, c’est bon !”, souligne celle qui rêvait d’être collectionneuse d’art. L’occasion aussi de faire découvrir de nouveaux artistes, comme Elsa Gomis, exposée ce soir-là.
Autodidacte, c’était pour elle l’occasion de “mettre un pied à l’étrier”. “C’est compliqué de se faire diffuser à Paris !”, sourit-elle. Donc lorsqu’elle a appris l’existence du concept grâce à la newsletter de MyLittleParis, elle n’a pas hésité. “Ca m’a fait penser au projet sur lequel je travaillais, qui s’appelle Looking for Me et qui se présentait dans une chambre d’enfant. C’était le même principe !”.
Au final, ce n’est pas ce film-là que l’artiste a présenté, mais quatre autres projets, dont A Famous Guy, sur John Lennon par exemple. “Ils se prêtaient bien au sujet de mes films qui utilisent beaucoup d’images d’archive numérisées donc être exposé dans ce lieu ancien, sur un drap en toile, c’est tout à fait en lien avec ce que je raconte et ce que je veux transmettre comme émotion”.
N’importe qui peut devenir mécène, le temps d’une soirée
Si le lieu de la douzième édition valait clairement le détour, Sellah insiste : ce n’est pas l’espace qui compte -même si votre appartement est petit et moche, vous pouvez le proposer- ce qui compte, c’est l’intérêt pour le projet. Et nul besoin de s’y connaitre en art.
En l’occurrence, Catherine Tisseuil, l’hôte de la douzième édition, est amatrice d’art. Elle a découvert Sellah et son projet sur Facebook, “par hasard” et l’idée lui a tout de suite plu. Et lors du vernissage, elle rencontrait l’artiste Elsa Gomis en même temps que nous. “L’art vient à moi !" sourit-elle. Elle qui présente des artistes dans sa boutique, 16e sud, souligne que “d’habitude, je suis dans une démarche volontariste, là je deviens passive, j’ouvre les bras… C’est un privilège d’offrir et de s’offrir de l’art, c’est un moment formidable… Et puis, c’est une rencontre, avec l’artiste, Elsa, en même temps qu’avec son travail“.
D’autant qu’elle inaugure la partie vidéos des Expos à la Maison. Le concept est pensé en saisons, la première était dédiée aux photos, la deuxième à l’illustration, le dessin et la sérigraphie. La saison ne fait que commencer : si vous voulez devenir mécène pour un soir, n’hésitez pas à contacter Sellah…