Le monde de l’édition surfe actuellement sur la fesse, un refuge toujours solide en cas de crise. Et alors que l’effet Fifty shades of grey n’est toujours pas retombé, on est bien en peine de trouver un livre qui parle de fesses sans parler de prude BDSM (bondge, domination sado-masochisme). Et pourtant, ce recueil de Petites histoires sexy de l’Histoire de France nous a surpris. Il prend le pari de raconter l’Histoire de France, depuis le bon roi Dagobert, jusqu’à celui qui voulait vivre César mais mourut Pompée[fn]Une remarque pertinente de Georges Clémenceau. [/fn], Félix Faure. « Dagobert, parce que c’est folklorique », explique Margaux Guyon jeune auteure de ce livre publié aux éditions Hugo & Cie. « Je ne voulais pas m’aventurer trop loin dans le XXe, je me suis dit que c’était trop glissant ». Trop glissant le XXe ? Elle préfère en tout cas se concentrer sur Napoléon III, dont les coups de reins n’auraient rien à envier au coup d’Etat.
Le choix du sexe
Une vingtaine d’histoires délicieuses qui montrent que les petites histoires de fesses ont pu faire la grande Histoire de France. Le petit mais vaillant Napoléon aurait-il envahi une partie de la Pologne si ce n’était pour plaire à Marie Walewska, sa jeune maîtresse ?
Du VIIe siècle jusqu’au du XIXe, Margaux Guyon déroule dans une langue savoureuse des anecdotes lubriques. Mais on referme le livre pratiquement capable de débiter la liste des rois de France, de leur reine. Et parfois même de leur maîtresse. « J’ai fait mes choix selon l’angle érotique. Je n’allais pas parler de toutes les maîtresses de Louis XIV, je trouvais plus intéressant de parler de la Montespan, plus intéressante érotiquement parlant que Madame de La Vallière. » Louise de La Vallière, rivale de la Montespan, qui devait coïter pieusement, peut-on lire dans les petites histoires sexy. Le chemin de la luxure est toujours le plus passionnant.
Bien sûr, pour écrire ce livre, Margaux Guyon a pris le parti de raconter les versions lubriques, là où l’Histoire est parfois hésitante. Elle l’écrit en préambule de ses histoires sexy : « Si j’ai respecté le corps de l’Histoire, je l’ai parfois habillé de vêtements chatoyants – seyants sans être certains. » Elle a lu les Secrets d’alcôve de l’Histoire de France, de Didier Chirat, les romans de Dumas, les Mémoires du Duc de Saint-Simon, entre autres. « J’ai même regardé les secrets d’histoire de Stéphane Bern, pour me mettre dans l’ambiance ! » Mais face à la décence, Margaux Guyon prend toujours le parti de la concupiscence.
Elle s’explique : « Par exemple entre Marie-Antoinette et Fersen, on n’est pas certain qu’ils aient couché ensemble. On sait qu’ils se sont aimés mais rien ne dit qu’ils ont couché ensemble. Dans le livre, je prends un parti : ils couchent ensemble. »
L’intimité coïtale des grands de l’Histoire laisse planer le doute. François Ier a-t-il toujours pris les chemins de traverse plutôt que la grand-route afin d’éviter d’engrosser sa maîtresse Mary d’Angleterre ? Personne n’a suivi Diane de Poitiers et Henri II sous la peau de bête après tout ! Autre personnage, pour lequel l’écrivain a pris la route du sexe : « Il y a énormément de suspicion sur la relation incestueuse entre la reine Margot et ses frères, les historiens se battent entre eux pour savoir si oui ou non, elle a couché avec ses frères. Pour moi, elles couchent avec ses frères. »
Les joies de la langue
La jeune Jeanne de Navarre, délaissée par un Philippe le Bel peu porté sur la question, a-t-elle ou non sauté le pas à la Tour de Nesle ? Margaux Guyon dit que oui. La Tour de Nesle, qui aurait également servi de lieu de débauches à trois princesses de France, six ans plus tard, est l’occasion d’un titre qui aurait sans doute laissé songeuse la libidineuse Marguerite de Bourgogne : « Gang Bang à la Tour de Nesle ». Voilà, les Petites histoires sexy de l’Histoire de France, c’est aussi un plaisir des mots du début à la fin. Vocabulaire chatoyant, anachronisme assumé –ainsi Diane de Poitiers devient-elle la première cougar de l’histoire de France – les Petites histoires sexy de l’Histoire de France peuvent chatouiller les sens, elles sont aussi extrêmement drôles.
Margaux Guyon s’est amusée. Moins avec les amants des XVIIIe et XIXe avoue-t-elle. Selon elle, au fil des années et depuis la Révolution, le sexe aurait perdu de son énergie, de son inventivité, de sa raffinerie et de son appétit. « Aujourd’hui, on a vécu mai 68, on dit qu’on peut tout faire et on n’en fait pas tant que ça ! Ce qui cartonne aujourd’hui en librairie, c’est « Cinquante nuances de gris » alors que c’est du Sade sur lequel on a ajouté plein de sucre ! ». Notre sexe moderne manquerait-il de panache ? Sans doute pour l’assoiffée Jeanne de Navarre…
> Les Histoires sexy de l’Histoire de France, Margaux Guyon, Hugo et Cie, mars 2013.
> Du même auteur : Latex etc, 2011 et Un Tombeau pour Don Juan, 2013, édités chez Plon.