La fesse rebondie : nouveau diktat de la mode ?

La fesse rebondie : nouveau diktat de la mode ?

La fesse rebondie : nouveau diktat de la mode ?

La fesse rebondie : nouveau diktat de la mode ?

18 novembre 2014

La fesse s'affiche en Une des magazines et fait jaser. En témoignage le récent déballage de Kim Kardashian. L'année 2014 est celle de la fesse généreuse. Une bonne nouvelle pour les fessues agacées par le diktat de la fesse plate ? Pas forcément car cette guerre des fesses ne pourrait être que l'affrontement de deux normes extrêmement contraignantes.

Kim Kardashian en une du magazine Paper par Jean-Paul Goude. | Photo Paper

C’est la fesse grassement huilée que Kim Kardashian s’affiche en une du magazine indépendant new-yorkais Paper. Sous l’objectif du photographe français Jean-Paul Goude, la femme de Kanye West pose nue et prend une fesse d’avance sur ses concurrentes du séant potelé, Jennifer Lopez ou encore Nicki Minaj. Comme à chaque apparition de leur précieux appendice, les réseaux sociaux s’enflamment, on croise le fessier à chaque coin de clic. Les détournements de l’arrière-train vont bon train.

Vogue complètement a côté de la fesse

Cette année, la fesse charnue est médiatique. Bien sûr elle n’est pas arrivée au monde en 2014. Elle occupe une place de choix dans le hip-hop notamment. En 2008, le duo d’artistes Fernanda Viegas et Martin Wattenberg avait repéré, parmi 10 000 chansons, les parties du corps les plus citées, par genres musicaux. Le cul arrive en pôle position pour les chansons de hip-hop, prononcé dans plus de 23% de morceaux. C’est en revanche plus récemment que la fesse rebondie est devenue la star des magazines. « Nous sommes officiellement rentrés dans l’ère des grosses fesses » avait très solennellement titré le magazine américain Vogue en septembre, s’attirant les foudres de l’Internet mondial et surtout des sites féministes. « Soyons clairs : nous ne sommes pas officiellement dans l’ère de cette merde. Mais dans l’ère des grosses pour les Blancs seulement. Vogue et son groupe de journalistes homogène se rendent simplement compte pour la première fois que les gros culs sont en fait plutôt réjouissants quand ils ne sont pas photoshopés. Un titre plus approprié pour cet article aurait pu être : ‘Nous, à Vogue, commençons seulement maintenant à nous faire à d’autres types de corps. S’il vous plaît, donnez-nous une image », s’était agacée la journaliste Kara Brown du site Jezebel.

Twitter @kelkulus

En fait ce dont parle Vogue, c’est de la mode récente des fesses rebondies dans la culture occidentale, la culture « blanche ». Celle-ci découvre les séants charnus ? Ils font alors la une des magazines. Non, l’invention de la bonne fesse n’a pas été déposée cette année par Jennifer Lopez, encore moins découverte par Kim Kardashian, mais Vogue est loin d’être le seul magazine à s’être emparé du phénomène. Pou ne citer qu’eux, Francetvinfo.fr publiait un article très sérieux sur cette dernière tendance en octobre dernier. Et plus récemment, Atlantico titrait sur « la revanche des gros culs ».

L’avènement d’un nouveau diktat ?

En 2013, Jean-Claude Kaufmann publiait La Guerre des fesses chez JCLattès. Le sociologue de l’intime y présentait la guerre sans merci que se livrent la fesse filiforme des podiums et la fesse dodue du R’n’B. Il y explique que la culture occidentale a depuis des siècles moqués la fesse. « C’est lié à toute la symbolique de la chrétienté qui valorise tout le haut du corps. Le visage qui est plus près de Dieu, le regard qui laisse transparaître l’âme… Quand on parle de beauté, on parle essentiellement du visage. L’opposé de cet aspect positif du corps, ce ne sont pas les pieds mais les fesses. Parce qu’elles sont poches de la sexualité, de l’érotisme. Ce n’est pas très propres, elles rappellent les matières fécales. On a voulu les ignorer ou même les mépriser pendant des siècles. Ou on les a tournées en dérision », avait-il déclaré à Citazine. Selon lui, si la minceur est largement en tête des normes, « les rondeurs du Sud s’imposent toutefois comme une contre-mode, une tendance, qui gagne les pays du Nord. Notamment auprès de jeunes filles attirées par une forme nouvelle de corps qui n’est plus caractérisé par la minceur mais par les rondeurs. Des stars définissent ces nouveaux modèles de beauté : Beyoncé, Jennifer Lopez, Rihanna… Par contre, nouveauté, on affine le ventre, pour faire ressortir les seins et les fesses. Traditionnellement, ce n’était pas le cas. » Alors qu’on pouvait voir dans l’avènement de la bonne fesse une nouvelle enthousiasmante, n’est-ce finalement qu’un nouveau diktat qui s’impose ? En tout cas, du côté des chirurgiens esthétiques, on se frotte les mains. La chirurgie d’augmentation des fesses, très en vogue au Brésil et aux Etats-Unis est aussi en grande forme en France.

Photo Dr Montoneri

C’est ce que confirme le Dr Montoneri, chirurgien plasticien à Paris, qui s’est spécialisé dans la chirurgie d’augementation des fesses en 2013. Trois méthodes sont disponibles pour ce type de résultat : le transfert de graisse, la mise en place de prothèses ou l’injection d’acide hyaluronique. Le médecin contaste une augementation phénomale de ce type d’opétations en France ces dernières années. « Dans le sillage des interventions d’augmentation mammaire, la chirurgie d’augmentation des fesses suit la ligne à savoir qu’en 2011, le nombre de patientes a cru de 80% en totalisant environ 1500 patientes opérées selon l’organisation professionnelle Isaps. En 2014, le chiffre a triplé ! »

Taille fine et bonnes fesses

Pour le sociologue, il convient d’y réfléchir à deux fois avant de passer sur le billard, sous peine de se retrouver avec la mauvaise fesse une fois la mode passée. « Sans condamner la chirurgie esthétique, je crois que cela mérite réflexion. Car les modèles de référence sont en train de changer très vite. La fesse que l’on dit belle aujourd’hui ne sera pas celle que l’on dira belle demain. » Jean-Claude Kaufmann rappelle notamment le pénomène pin-up qui a bousculé les habitudes dans les années 50, sans toutefois véritablement s’imposer. « Dans mon livre je consacre tout un chapitre aux années « pin-up », où pendant 15 ans (des années 50 au début des années 60), un contre-modèle aux rondeurs affirmées, venu d’Italie, avait réussi à s’affirmer contre le modèle de minceur qui semblait pourtant en train de devenir dominant. Je pense que nous assistons aujourd’hui à une sorte de répétition de ce phénomène, mais avec encore plus de puissance ».

Pin-up | Photo DR

Outre le risque d’exposer aux remontrances de la fashion police, la fesse rebondie « tendance » débarque avec son code d’honneur à ne pas enfreindre. En témoigne la taille ridiculement affinée à grand coup de Photoshop de Kim Kardashian sur la fameuse photo. « Taille fine, fesses galbées sans être trop grosses, musclées sans être dures, et contrastant avec des cuisses fines et longues. Tout cela bien sûr n’a rien de naturel et est dictatorial comme tous les modèles ». Alors que l’arrivée des bonnes fesses sur papier glacé nous semblait être une bouffée d’air frais, ils se pourrait bien qu’elles aussi soient des « Staline » en puissance.