La Dame en noir
Angleterre, début du XXe siècle. Un jeune père veuf (Daniel Radcliffe), conseiller juridique de profession, quitte Londres pour un petit village. Le temps de s’occuper de la vente d’une maison perdue dans les marais où de tragiques événements sont survenus autrefois. Il est froidement accueilli par les habitants, d’autant plus que son arrivée ravive une superstition locale.
James Watkins ne renouvèle pas le sous-genre du film de maison hantée – ce que La Dame en noir[fn]La Dame en noir, de James Watkins, Grande-Bretagne/Canada/Suède, 2011 (1h35).[/fn] n’est qu’en partie – mais il maîtrise ses codes (les portes qui grincent, les couloirs plongés dans l’obscurité…) avec efficacité, réussissant à créer de beaux morceaux d’effroi. L’atmosphère gothique et brumeuse – citant les œuvres de l’âge d’or de la Hammer, le studio qui produit le film en espérant retrouver de sa superbe d’antan – confère au film une aura élégante et mortifère tout en entretenant une tension croissante.
Dans sa deuxième partie, La Dame en noir approche le thème du deuil et prend une dimension plus émotionnelle et poétique, rappelant les sensibles films de frousse espagnols récents (L’Orphelinat, Juan Antonio Bayona, 2007 ; Fragile, Jaume Balaguero, 2005 ; Les Autres, Alejandro Amenabar, 2001…). Un vrai coup de cœur.
Projet X
Passons au grand coup de gueule. Le found footage movie devient de plus en plus tendance ces derniers temps. Le concept : faire comme si le film était composé de vidéos tournées par des amateurs, voire, des journalistes ou documentaristes. Quand c’est plutôt réussi, cela donne Cannibal Holocaust (Ruggero Deodato, 1980), Cloverfield (Matt Reeves, 2008) ou Le dernier exorcisme (Daniel Stamm, 2010), quand c’est raté, cela donne Projet X[fn]Projet X, de Nima Nourizadeh, Etats-Unis , 2012 (1h27).[/fn]. Du profond footage de gueule. Le "film" de Nima Nourizadeh suit un trio de lycéens puceaux qui veut "chopper de la meuf". D’où l’idée d’organiser une méga teuf parce que l’alcool, les filles, tout ça, tout ça…
Les trois losers commencent à chauffer du slip quand les parents de l’un d’entre eux leur laissent la baraque pour le week-end. Lorsque l’équivalent d’un Zénith commence à affluer autour de la piscine familiale, ça devient complètement LA FO-LIE ! Après on oublie le scénario, et on active le pilote automatique option "cliché des fantasmes du mâle beauf hétéro". Les filles ondulent en balançant les bras en l’air, les filles se roulent des pelles, les filles écoutent de la techno topless. Plus la soirée avance et plus ça devient du n’im-por-te-qwwwwwa : un lance-flammes, des flics, un hélico, la télé locale. C’est très con.
Projet X se voudrait punk mais ne l’est à aucun moment. Les héros n’ont aucune revendication, aucune velléité de rébellion : ils subissent les évènements, surtout, ils sont dans le système. C’est du destroy stérile pour ado en mal de sensation (gros carton à prévoir auprès de cette cible). Projet X, c’est le reflet d’une époque qui vit au rythme des buzz, qui glorifie les faux rebelles, élève la crétinerie en modèle et ne retient de l’anarchie que le verre cassé. Un film horrible.
38 Témoins
Des cris déchirant la nuit. Une femme que l’on assassine en pleine rue. Des dizaines de témoins qui se bouchent les oreilles. Le meurtre de Kitty Genovese, au pied de son immeuble new-yorkais, un soir de mars 1964, dans l’indifférence de son voisinage, avait défrayé la chronique. Didier Decoin s’est inspiré de ce fait-divers pour son roman Est-ce ainsi que les femmes meurent ? (Grasset, 2009) que Lucas Belvaux porte aujourd’hui à l’écran sous le titre de 38 Témoins[fn]38 Témoins, de Lucas Belvaux, France, 2012 (1h44).[/fn]. Au centre du film se trouve un couple, Louise (Sophie Quinton) et Pierre (Yvan Attal). Le jour où elle apprend qu’il a entendu les hurlements de la victime sans rien faire pour lui porter secours, le bel équilibre vacille. Pierre n’est pas le seul à s’être tu. Les 37 autres témoins sont également restés muets.
En délocalisant l’intrigue au Havre, Lucas Belvaux, nous dit que cette affaire de lâcheté aurait pu se passer n’importe où. Il ne pousse pas le spectateur à se demander ce qu’il aurait fait en pareil cas mais lui assène la réponse : il serait resté tout aussi passif (on parle de "syndrome Kitty Genovese"). Une vision pessimiste de l’humanité qui peut se discuter. Dommage que certains dialogues sonnent faux parce que trop bien écrits et littéraires. On retiendra le beau personnage de journaliste incarné par Nicole Garcia, qui passe du détachement à la colère puis au doute. Et surtout la séquence qui clôt le film, glaçante et toute en tension. L’horreur est humaine.