« Le gangster, le flic et l’assassin », association de mâles fauteurs

« Le gangster, le flic et l’assassin », association de mâles fauteurs

« Le gangster, le flic et l’assassin », association de mâles fauteurs

« Le gangster, le flic et l’assassin », association de mâles fauteurs

Au cinéma le 14 août 2019

Jang Dong-soo, chef de gang redouté, échappe de peu à un meurtre. L'inspecteur Jeong Tae-seok en est persuadé, l'agresseur du mafieux est un tueur en série qui a déjà fait plusieurs victimes. Malgré des objectifs contradictoires, le flic et le gangster décident d'unir leur forces pour attraper l'assassin. Polar fébrile, Le gangster, le flic et l'assassin est porté par un rythme et une esthétique diablement efficaces au service d'un pacte contre nature qui brouille habilement la frontière entre justice institutionnelle et vengeance personnelle.

Puissant chef de gang dans la ville sud-coréenne de Cheonan, Jang Dong-soo (Ma Dong-seok) est violemment agressé par un inconnu armé d’un couteau (Kim Seong-kyu) alors qu’il rentre chez lui, seul au volant de sa voiture. Seul survivant du mystérieux criminel, le mafieux en convalescence est approché par Jeong Tae-seok (Kim Mu-yeol), un inspecteur lancé sur la piste de ce tueur en série surnommé « K » dont la lame experte a déjà fait plusieurs victimes.

Malgré sa détestation pour le milieu du crime organisé, Jeong Tae-seok a besoin des informations détenues par le chef de gang pour mettre la main sur le tueur. De son côté, Jang Dong-soo, affaibli par cette agression, ne rêve que d’une vengeance sanglante pour rétablir son autorité auprès de ses hommes. Pour stopper le criminel insaisissable, le flic et le gangster décident de collaborer mais leur pacte prévoit que le tueur en série reviendra à qui le trouvera en premier. Une chasse à l’homme très particulière débute, constamment sur le fil entre entre union et trahison.

Le gangster, le flic et l'assassin © B&C Group - BA Entertainment - Balboa Productions

La carpe et le lapin sont dans un bateau

Avec ce polar mené à cent à l’heure, Won-Tae Lee joue la carte de l’association détonante entre deux partenaires qui doivent mettre temporairement de côté leurs aversion respectives pour atteindre leur but. Le spectateur prend place à bord d’un véhicule lancé à pleine vitesse, piloté par deux conducteurs qui ne partagent pas le même avis sur la façon d’atteindre leur objectif. Le résultat est évidemment très tumultueux. Motivé par une vengeance froide, le gangster rêve d’éliminer l’imprudent qui a osé — sans savoir qui était sa victime — s’en prendre à lui alors que le policier ne cherche qu’à faire son travail en soumettant l’assassin à la justice.

Mais comme rien n’est simple dans la vie, les deux hommes que tout oppose doivent échanger leurs informations et feindre une bonne entente temporaire. Le gangster, le flic et l’assassin réunit assez habilement les conditions nécessaires pour rendre cette association improbable crédible. Le flic semble d’autant plus condamné à collaborer avec le mafieux que sa hiérarchie corrompue traîne des pieds pour le soutenir dans son enquête. Boostée par la testostérone de Jang Dong-soo — le gangster a une réputation à sauver — et le suspens de l’enquête, la chasse à l’homme s’avère prenante. Servi par une séduisante chorégraphie de la violence, ce polar survitaminé peut compter sur des rebondissements qui tiennent en haleine jusqu’à son dénouement efficace.

Le gangster, le flic et l'assassin © B&C Group - BA Entertainment - Balboa Productions

La fin des moyens

À travers sa réalisation nerveuse, Le gangster, le flic et l’assassin illustre parfaitement la tension entre le mafieux et le flic, associés temporaires dans une aventure qui peut basculer à tout moment dans le bain de sang — et ne se gène pas pour le faire. Won-Tae Lee joue malicieusement sur cet équilibre délicat mais cette double chasse à l’homme pour le moins originale ne traite pas uniquement de la question de la fin justifiant — ou non — les moyens. Dans les faits, la Corée du Sud mène une politique abolitionniste concernant la peine de mort car les autorités n’ont plus exécuté de détenus depuis une dizaine d’années mais le tueur au couteau est sous la menace de cette sentence.

L’issue de cette course poursuite effrénée pose la question de la lutte entre le mafieux et le flic pour savoir qui pourra disposer du criminel. Entre ces deux dénouements possibles, le spectateur est invité à prendre partie. Le tueur en série mérite-t-il de mourir sous les coups du gangster dans un déferlement de violence motivée par une vengeance personnelle — une fin immorale mais jouissive pour son aspect « retour de karma » — ou doit-il être livré à la justice selon les règles de la société ? Et s’il est finalement condamné à la peine de mort le fait que l’État puisse potentiellement le tuer est-il plus juste que la mise à mort par le gangster ? Entre deux confrontations violentes, ces interrogations planent sur le polar de Won-Tae Lee en opposant la radicale vengeance personnelle à une justice étatique réfléchie. Le spectateur est invité à choisir son camp entre grand spectacle expiatoire et dénouement plus rationnel. Une préférence qui pourrait bien être différente de celle dictée par sa conscience de citoyen.

Polar sous tension, Le gangster, le flic et l’assassin nous entraîne habilement dans les méandres d’une chasse à l’homme endiablée menée par deux pilotes aux trajectoires divergentes. Une enquête violemment chaotique qui s’avère d’autant plus jouissive qu’elle interroge au passage nos contradictions possibles entre responsabilité de citoyen et désir de spectateur.

> Le gangster, le flic et l’assassin (The Gangster, the Cop, the Devil), réalisé par Won-Tae Lee, Corée du Sud – États-Unis, 2019 (1h49)

Le gangster, le flic et l'assassin (The Gangster, the Cop, the Devil)

Date de sortie
14 août 2019
Durée
1h49
Réalisé par
Won-Tae Lee
Avec
Kim Mu-yeol, Kim Seong-kyu, Ma Dong-seok
Pays
Corée du Sud - États-Unis