“Violence, insultes et double cheese”, nous dit la quatrième de couv. Avant même d’ouvrir le (gros) bouquin, on est rassuré. L’univers trash à base de bifle et de burgers de “Georges Clooney, une histoire vrai” n’a pas été aseptisé par le passage du blog à la BD physique.
Personne ne se doutait que Georges Clooney (avec un “s”, pas comme l’acteur), un super héros en collant rouge ultra looser, une tortue ninja et une serveuse de Domac à gros seins, grossièrement dessinés et agrémentés de fautes d’orthographe à gogo auraient un tel succès. C’était fin aout 2012. Le blogspot de Philippe Valette, son auteur, a connu des pics à 60 000 visites par jour. On retrouve ces (anti) héros, plus crades que jamais, aux Editions Delcourt (dans leur nouvelle collection Tapas) en quatre tomes et 350 pages. Et on apprend enfin d’où vient cette fameuse crotte, qui hante le héros depuis qu’il l’a trouvée posée dans son salon.
“Mais il va le finir un jour, son bouquin?”
“Le livre était censé être tout petit. 100 pages max. Il me restait une vingtaine de cases à faire mais je ne pouvais plus m’arrêter… Et puis j’ai eu l’idée de l’Enfer… un tout nouvel univers. J’étais déjà méga en retard, et je savais qu’il faudrait au moins 200 pages facile pour développer ça. Je ne dormais plus, j’avais une barbe énorme, je ne faisais que du Georges Clooney”, sourit l’auteur. "J'étais pas bien…” Pendant ce temps, aux Editions Delcourt, on le laisse faire, on l’encourage même. “Je me rendais pas compte mais tout le monde paniquait “il va le rendre un jour son bouquin?”.
BAC en arts appliquées, Ecole Estienne à Paris ensuite, puis un passage à Londres, le graphiste qui a bossé dans l’animation et la pub n’est pourtant pas un bédéaste devant l’éternel. D’ailleurs, il en lit très peu. “Je n’avais pas du tout l’intention de faire de la BD, je n’en ai jamais fait sauf en cours d’allemand pour me moquer de la prof. Je l’avais dessinée sur un ring en train de se battre contre le prof de math”, souligne-t-il. Avant Georges Clooney, il avait tout de même commencé une histoire sur un cosmonaute mourant, en noir et blanc. Une histoire chiadée, bien dessinée. Car pour ceux qui en doutaient, le Lyonnais de 29 ans sait très bien dessiner. C’est juste qu’un jour, il pique une boite de huit feutres qui traîne sur un bureau et griffonne son premier Georges. Les sketches capturés sur son smartphone font bien marrer ses potes. “C’est complètement moi, mes potes me disent que quand ils lisent la BD, ils ont l’impression de m’entendre parler”. On confirme.
Il a fini par mettre les sketches sur un blog, a rajouté un tome écrit pendant des vacances au bord de l’océan. Puis arrivent les tweets, les retweets, les likes sur Facebook qui se multiplient, l’invitation au Festiblog et les mails de pros.
Un GIF sur 350 pages
“Je voulais trouver la façon la plus simple pour raconter une histoire", explique-t-il, comme quand il était gamin et qu’il filmait plein de trucs pour en faire des courts métrages. “A la base, ce que j’aime, c’est raconter des histoires. Mais ça me prenait des plombes… J’avais plein de projets ambitieux en suspens. Cette fois, j’ai choisi la façon la plus directe et sans contrainte”. Ce qui donne : pas de souci du dessin, pas de souci de l’orthographe, et pas forcément de souci de l’histoire. Georges Clooney a des allures de gros pétage de plombs assumé. Sans vouloir trop spoiler, lire le livre, c’est rencontrer le Diable, alias Daniel, en mec normal qui se vexe et qui a des problèmes de matos. De l’humour facile, très ancré internet (d’ailleurs Philippe aime pas mal Funny or Die, ou College humor).
“Une histoire vrai, c’est spontané, fugace, avec un gag toutes les deux secondes. Une sorte de gif. C’était hyper jouissif de ne se retenir sur rien. Georges Clooney, c’est un peu "le kebab de l’humour", tu mets tout ce que tu veux dedans”, résume l’auteur. On y trouve tout ce qui a construit la génération des 25-30 ans, “toute la pop culture, le club dorothée, dragon ball Z, les fast food, les films d’actions, les comics… le degré 1 de la culture. Ca ne va pas plus loin, ça gratte la couche superficielle de nos cerveaux. Si ça a plu, je pense que c’est parce que c’est hyper honnête, sans limites, comme un gamin dans un gros bac à sable“. On se plaît bien à y patauger nous aussi, et à retrouver dans ces dessins épais nos pas si lointaines années d’ado.
> "Georges Clooney, une histoire vrai", de Philippe Valette, éditions Delcourt, coll. Tapas BD, 30 euros, avril 2013