Ce week-end, Sam (Lily Collias) préférerait le passer avec ses amis mais elle accepte l’invitation de Chris (James Le Gros), son père, à déambuler dans la région montagneuse des Catskills de l’État de New York. Le programme n’est cependant pas un moment intime entre un père et sa fille car, malheureusement pour l’ado de 17 ans, Matt (Danny McCarthy), l’ami de longue date de Chris, est également convié.
Coincée dans ce lieu paradisiaque entre son père et son meilleur ami, Sam écoute leurs lamentations et assume une charge mentale dont elle a pris l’habitude. Mais derrière son regard compatissant, une révolution bouillonne.
Prendre l’air
Pour ce premier long-métrage tourné en seulement douze jours avec des moyens restreints, India Donaldson s’est inspirée de ses souvenirs d’enfance. Plus précisément des sorties en pleine nature avec son père adepte de la vie au grand air. Des moments d’échange fusionnel pendant lesquels la cinéaste était seule avec son père, contrairement à son héroïne qui doit composer avec la présence parasite du meilleur ami de celui-ci.
Comme d’autres films imaginés pendant la période de la pandémie de Covid qui a mis le monde en pause, Good One est une réaction à l’isolement ressenti. India Donaldson vivait alors avec son père, sa belle-mère et ses demi-frère et sœur adolescents. Cette proximité contrainte et un brin étouffante lui a inspiré cette balade au grand air, symbole de liberté à plus d’un titre.
Charge mentale dans les bois
Le titre du film fait référence à cette injonction à être « une fille bien ». Une pression intériorisée par la cinéaste qui se souvient de son adolescence passée à essayer de ne pas déroger à cette règle tacite. Sam est de celles qui s’effacent devant son père et son ami. Elle tente de maintenir l’harmonie entre ses parents séparés et cherche à faire plaisir à tout prix. Bref, elle met le bien être d’autrui avant le sien.
C’est cette logique de dévouement au risque de s’effacer totalement qu’explore subtilement Good One. Un combat que la réalisatrice concède encore mener une fois adulte, contre la pression sociale qui impose ce modèle de féminité dévouée pour ne pas dire soumise. Deux hommes adultes et une adolescente sont dans une forêt, le patriarcat étant ce qu’il est, qui cuisine et nettoie ? Sam, évidemment.
Mais le rôle de l’adolescente ne se cantonne pas seulement aux tâches ménagères. Sam est aussi celle qui écoute les lamentations de Chris et Matt, tous deux séparés de leur compagne. Divertir et consoler sont d’autres charges qui pèsent sur les frêles épaules de l’adolescente qui préférerait être avec sa petite amie. Mais son désir n’est pas à l’ordre du jour. Quelque chose semble pourtant se préparer derrière la compassion patiente de l’adolescente.
Pauvres hommes
Discrètement mais avec une grande minutie, Good One distille à travers les conversations les germes d’une révolution en cours dans l’esprit de Sam. Derrière son sourire apaisant joué à la perfection par Lilly Collias, l’adolescente est en pleine prise de conscience du gouffre qui la sépare de son père, et encore plus de son pote Matt, révélateur d’une masculinité problématique. Les deux amis vivent d’ailleurs aussi un tournant dans leur relation au lien distendu.
Alors que les deux amis se plaignent, de façon un brin pathétique, de leurs ruptures respectives, la jeune Sam semble de loin la plus mature de ce trio parcourant les Catskills. Obsédés par leurs déboires sentimentaux, il s’appuient sur l’adolescente qui comprend au fur et à mesure du week-end qu’elle a sûrement mieux à faire. Tandis que la tension monte entre les trois touristes, le chemin que doit emprunter Sam, fatiguée de la bataille d’égos, se fait de plus en plus clair.
Balade dans les bois libératrice, Good One est une exploration subtile d’un rôle féminin imposé par la société contre lequel une adolescente s’érige sans fracas mais avec conviction. Une révolution féministe en douceur qui s’avère malicieuse et très réjouissante.
> Good One, réalisé par India Donaldson, États-Unis, 2023 (1h29)