Cinq ans après les évènements du premier film, Bricksburg continue de recevoir la visite régulière d’une terrible menace : des envahisseurs Duplo venus de l’espace détruisant tout sur leur passage. Cette fois-ci, le danger se fait plus pressant : les amis du Maître Constructeur Emmet sont enlevés par le mystérieux General Mayhem pour un étrange mariage organisé par la reine Watevra Wa’Nabi. Une union qui pourrait — selon un rêve prémonitoire d’Emmet — déclencher un « Armamangeddon » et mettre fin à l’univers Lego. N’écoutant que son courage, l’optimisme Emmet se lance à la poursuite du ravisseur et va découvrir une étrange galaxie peuplée de planètes extraordinaires et de personnages loufoques.

Le film de la maturité

Alors que La Grande Aventure Lego (2014) s’achève avec l’arrivée sur le terrain de jeu des personnages Duplo — à la fois mignons et destructeurs —, la suite nous projette cinq ans après cette fin pleine de suspens. Bricksburg a bien changé en ce laps de temps : tous les personnages, à l’exception d’Emmet qui reste un éternel optimiste rêveur, se sont endurcis. La communauté des jouets vit désormais dans un univers de rouille et de poussière qui fait écho au monde post-apocalyptique de Mad Max. Pour expliquer la désolation qui s’est abattue sur Bricksburg, les habitants condamnent les raids incessants des envahisseurs Duplo qui viennent régulièrement voler la moindre pièce colorée de leur monde. L’autre raison se trouve en dehors du terrain de jeu. Finn, le garçon a qui appartient les jouets Lego, a grandi et son univers s’est modifié pour devenir plus sombre alors qu’il entre dans l’adolescence. La riposte a désormais pris la place du jeu.

L’évolution vers la maturité est la clé de ce second volet, celle qui déclenche tout. Ce n’est pas par hasard si Emmet rencontre dans l’espace Rex Danger, un « vrai dur » qui — grâce à une pirouette scénaristique — se révélera très proche de lui. Cette nouvelle aventure se déroule à un rythme effréné et adopte les ingrédients qui ont fait le succès du premier film à commencer par un ton ironique et de nombreuses références à la pop culture. Ce parti pris malicieux a, dès le départ, permis de créer un univers qui plaira aux enfants mais également aux « grands enfants » qui jouent avec ces petites briques depuis 1958. Preuve que les références, que l’on pourrait qualifier pour la plupart de « geeks », brassent larges, l’évocation par le personnage de Batman — très présent dans cette suite — d’Adam West, interprète de Bruce Wayne en 1966 ! La saga culte Retour vers le futur, les films de super héros, Bruce Willis ou encore les embrouilles entre studios pour les droits d’adaptation… nombreux sont les clins d’œil que les plus jeunes comprendront plus tard. Le film assume d’ailleurs ouvertement cette idée de références qui passeront totalement au-dessus de la tête des plus jeunes.

La surprise du premier volet n’est évidemment plus au rendez-vous d’autant que le filon a été largement exploité avec de nombreux films depuis 2014, dont l’hilarant Lego Batman, le film (2017). On peut également regretter une galerie de personnages moins impressionnante car recentrée sur Emmet et ses amis mais l’humour décalé est toujours aussi savoureux. Et évidemment cette suite possède sa propre chanson entêtante qui rend fou alias Catchy Song dont le titre est très explicite, mais que les nostalgiques se rassurrent : le diaboliquement efficace Everything Is AWESOME !!! du premier opus est toujours présent.

Construire ensemble

Pour sauver son monde, Emmet (donc Finn) pense qu’il doit s’endurcir sur le conseil de son amie Lucy. La seule façon de sauver Bricksburg est donc de partir en guerre contre le monde étrange de ces personnages Duplo trop enfantins à son goût. Contrairement au premier volet qui dévoilait le monde réel à la fin du film, La Grande Aventure Lego 2 alterne les scènes entre personnages Lego et scènes réelles. Si le jeune garçon avait décroché l’autorisation de son père pour jouer sur sa maquette à la fin du premier opus — sur le thème de l’enfant qui est en chacun de nous —, cette suite l’oppose à sa sœur Bianca qui, selon lui, cherche à détruire son univers. Au-delà de l’arrivée du garçon dans la période compliquée à gérer de l’adolescence c’est le lien avec sa petite sœur qui est questionné. Comment éviter que le rapport fraternel entre frère et sœur se dégrade ?

Et derrière cette interrogation pointe une lecture résolument féministe de ce second opus. Au détour d’une remarque malicieuse, il est rappelé que le Maître Constructeur Emmet est bien gentil mais c’est surtout son amie Lucy qui a été la plus active pour sauver Bricksburg par le passé. Un dévouement qui n’a évidemment pas été reconnu à sa juste valeur, comme dans toute société patriarcale qui se respecte. Et que dire du couple indissociable Emmet et Finn ? L’adulation du premier pour Rex Danger, cliché du mâle viril triomphant, et l’évolution du second cherchant le conflit avec sa sœur tout en se posant en victime sont les faces d’une même pièce. Doit-on voir dans cette volonté de « s’endurcir » un premier signal de cette masculinité toxique qui fait tant parler ? Cette suite a subtilement capté ce débat qui agite la société et y répond d’une jolie façon.

L’effet de surprise est passé mais La Grande Aventure Lego 2 est une suite suffisamment généreuse en vannes et références décalées pour s’inscrire dans la lignée du premier opus. Un divertissement rythmé pour petits et grands enfants qui nous rappelle que le choix — symbolisé ici par l’opposition Duplo et Lego — n’est pas obligatoire. L’essentiel est de jouer, construire et grandir, ensemble.

> La Grande Aventure Lego 2 (The Lego Movie 2: The Second Part), réalisé par Mike Mitchell, États-Unis – Danemark – Norvège – Australie, 2019 (1h47)