Theodore (Joaquin Phoenix) est écrivain pour une société spécialisée dans la rédaction de lettres personnelles destinées aux proches, aux amis, aux parents de ses clients. La vie de cet homme en instance de divorce est rythmée par son travail, les jeux vidéo et des sorties occasionnelles avec ses amis. Pour tromper son ennui, il décide de tester OS1, un système d’exploitation intelligent révolutionnaire doté d’une conscience propre.
L’arrivée de Samantha (Scarlett Johansson), le nom que s’attribue OS1 à sa « naissance », va bouleverser la vie de Theodore. De plus en plus proches, l’homme et le programme informatique finissent par tomber amoureux. Dotée d’une intelligence et de capacités sans limite, Samantha apporte à Theodore une stimulation inédite. Même si le doute est toujours là : peut-on vraiment aimer une entité virtuelle ?
Addiction au virtuel
La grande force du film est de nous plonger dans un avenir crédible. Avec l’ouverture de nos données (plus vraiment) personnelles sur Internet et la technologie des Google Glass, nous sommes déjà prêts pour OS1, logiciel omniscient qui s’initialise en scannant le disque dur de Theodore et interagit avec lui en utilisant la camera de son smartphone. Cette intrusion de l’informatique dans le quotidien de nos vies privées est, pour le meilleur et pour le pire, déjà une réalité.
Malgré son look improbable, Theodore, subtilement interprété par Joaquin Phoenix, échappe à la caricature du geek coincé et pathétique. Il est semblable à ces millions de célibataires qui peinent à trouver une relation sentimentale satisfaisante. Une proximité qui rend sa quête d’autant plus touchante. Theodore n’est d’ailleurs pas le seul à trouver refuge auprès d’OS1, Amy (Amy Adams), une copine créatrice de jeux vidéo, se lie également d’amitié avec ce compagnon numérique.
What is love ?
Her pose la question de ce que l’on attend de l’autre. De quoi se nourrit le sentiment amoureux ? La stimulation intellectuelle, les valeurs communes, l’attirance physique ? Sur ce dernier point, la relation de Theodore et Samantha, débarrassée des pulsions charnelles, peut paraître, de façon troublante, plus pure et sincère que celle d’un couple humain traditionnel. Avec la drague sur les réseaux sociaux et les sites de rencontre, le virtuel est déjà présent de nos vies sentimentales, on peut même désormais louer les services d’une copine virtuelle pour égayer un profil Facebook.
La « présence » saisissante de Samantha, assurée par la voix suave de Scarlett Johansson, pose la question d’un avenir où la nature de l’être aimé, humain ou intelligence artificielle, n’aura peut-être plus d’importance. Certains, comme ce Japonais ayant créé sa propre petite amie interactive en 3D, ont déjà tranché la question.
Film d’anticipation dense et brillant, Her fascine par la justesse de sa vision, récompensée par l’Oscar et le Golden Globe du meilleur scenario original. En dotant le logiciel d’une conscience, Spike Jonze nous interroge sur ce qui différencie l’humain d’une entité virtuelle qui pense par elle-même et peut ressentir des émotions. Bien plus séduisante que Hal, son lointain cousin de 2001, l’Odyssée de l’espace, Samantha n’existe pas (encore) mais nous sommes déjà prêts à l’accueillir avec enthousiasme et, certainement, à en tomber amoureux.
> Her, réalisé par Spike Jonze, Etats-Unis, 2013 (2h06)