« À un moment elle a gueulé, j’ai cru que ça n’allait pas mais elle m’a dit ‘Continue !’ sur un ton suppliant, alors j’ai mis la gomme et tout d’un coup elle a été parcourue de secousses terribles, des vraies décharges, des vrais courts-jus, moi je croyais qu’elle calenchait, mais pensez donc, mais pas du tout ! Elle était bien vivante ! » Ainsi s’exprime Bertrand Blier, dans Existe en Blanc, paru en 1998 aux éditions Robert Laffont.
Et puis il y a Régine Desforges, sans doute responsable de premiers émois chez nombre de jeunes filles en fleur. « J’aime quand tu me fais mettre à quatre pattes devant la cheminée où brûle un feu de sarment, la guêpière bien serrée, les bas soigneusement tirés, le cul bien cambré, tourné vers toi qui fumes, confortablement installé. » Attention, par la suite, les plus sensibles pourraient bien être troublés et mal à l’aise avec cet extrait extrême de l’Orage, publié en 1996, Editions Blanche.
Tous ces auteurs d’épisodes les plus érotiques, voire pornographiques de la littérature sont réunis dans un recueil édité chez Hugo et Cie, aux Editions Blanche, une collection spécialisée dans la littérature érotique. L’année dernière, la collection s’était attardée sur la fellation. Après l’Anthologie littéraire de la fellation, place à l’Anthologie littéraire de la jouissance, sous la direction de Franck Spengler.
Ces auteurs ne sont pas des noms issus de la littérature érotique, non. L’Anthologie littéraire de la jouissance dépasse cette considération d’un genre littéraire en particulier. Ainsi y trouve-t-on les écrits de Sœur Thérèse d’Avila, un figure majeure de la religion catholique, béatifiée et connue pour sa réforme du couvent des carmélites. L’Espagnole, qui vécut au XVIe siècle, prend ici place aux côtés du marquis de Sade. « Je voyais donc l’ange qui tenait à la main un long dard en or, dont l’extrémité en fer portait, je crois, un peu de feu. Il me semblait qu’il le plongeait parfois au travers de mon cœur et l’enfonçait jusqu’aux entrailles. En le retirant, on aurait dit que ce fer les emportait avec lui et me laissait tout entière embrasée d’un immense amour de Dieu. La douleur était si vive qu’elle me faisait pousser ces gémissements dont j’ai parlé. Mais la suavité causée par ce tourment incomparable est si excessive que l’âme ne peut en désirer la fin, ni se contenter de rien en dehors de Dieu. Ce n’est pas une souffrance corporelle. Elle est spirituelle. Le corps cependant ne laisse pas d’y participer quelque peu, et même beaucoup. » Extrait de la Vie de sainte Thérèse de Jésus (1515-1582). Extase spirituel et jouissance sexuelle seraient donc tout à fait compatibles.
Alfred de Musset, Mirabeau, Verlaine, Henry Miller… Beaucoup, et bien d’autres qui n’apparaissent pas dans ce recueil, ont voulu écrire la jouissance, dire l’orgasme, le décrire et le mettre en scène. Ils ont le pouvoir de verbaliser ce chahut intérieur, et on en profite ! Ainsi Guillaume Appolinaire, qui nous avait déjà interpellés dans les Exploits d’un jeune Don Juan, le dit cette fois en poésie :
Il me souvient de la Dona
Qui faisait l’amour en cadence
Et dont la figue distilla
Un alcool d’une violence
Mais je ne vous dit que Cela[fn]Dernière strophe de Ma Queue éclatait sous tes lèvres.[/fn]
Pas de préface, ni de postface, les 49 extraits choisis, sont livrés sans explication, ni mise en bouche. À lire seul ou accompagné, parce qu’on se délecte des mots comme on se laisse chatouiller par leur pouvoir d’évocation, l’Anthologie de la jouissance littéraire saura susciter l’attention qu’il mérite.
> Anthologie littéraire de la jouissance, sous la direction de Franck Spengler, Editions Blanche 2012.