La liberté des songes : écrire en liberté, songer à être publié

La liberté des songes : écrire en liberté, songer à être publié

La liberté des songes : écrire en liberté, songer à être publié

La liberté des songes : écrire en liberté, songer à être publié
Livre à compte d'auteur

11 janvier 2025

Se faire mourir pour se reconstruire : garder les bons souvenirs et inventer le reste. Voici la belle idée d’Agnès Léopold, autrice de La liberté des songes. Un livre publié à compte d’auteur, qui n’aurait sans doute pas passé la sélection d’une maison d’édition, et je vais vous expliquer pourquoi.

Ce qui aurait pu être, et ce qui n’a pas été

C’est comme ça que nous avançons, barque à contre-courant, sans cesse ramenés vers le passé

Gabrielle se meurt. Enfin semble-t-il, à défaut de savoir de quoi. En conscience, elle flotte dans des sortes de limbes. L’antichambre du Paradis, celle de la mort ? En voilà une étrangeté pour amener la suite, à savoir une litanie de souvenirs ravivés, égrenés, transformés. Transformés oui, car la narratrice met en scène des personnages : père, mère, petit ami, maison, tous fantaisistes, prétextes à raconter la vérité. Il y a donc ce que Gabrielle imagine, et la réalité, décrite en italique et heureusement, sinon le récit serait absolument foutraque. Car c’est effectivement un récit libre que l’auteure nous sert, c’est à dire détaché de toute colonne vertébrale, d’unités temps et de lieu. En cela, le titre est bien trouvé.

Un livre sans structure est comme une maison sans fondations

Cette absence de structure serait problématique pour nombre de lecteurs – et j’en fais partie. J’utilise à escient le conditionnel, car l’ouvrage a été publié par une maison à compte d’auteur. On ne le trouvera pas dans les librairies, mais sur les plateformes de vente en ligne : Fnac, Amazon, Cultura et dans les espaces culturels de chaînes comme Leclerc. Ce qui lui octroie une grosse force de frappe – on peut le déplorer – et on y reviendra.

J’ai beaucoup aimé la fin : l’autrice y décrit la lente descente aux enfers de sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Des passages poignants servis par une très belle maîtrise de l’écriture.

Juste des santons inertes. Des chaises, des assiettes, des couteaux, des fourchettes, et de longs bavoirs attachés autour des cous affaissés. Un air de vieille crèche abîmée

Une écriture malheureusement trop inégale : les belles envolées côtoient des expressions maladroites. « Une lumière décidée à nous éclairer », par exemple, aurait sûrement été biffée par un éditeur.

Maisons à compte d’auteur, fange et démocratisation de l’édition

Car là réside la différence entre maisons d’éditions à compte d’auteur et d’éditeur. La maison à compte d’auteur dira toujours oui, indépendamment de la qualité de l’œuvre. Elle vit de l’argent des auteurs qui financent eux-mêmes la production de leur livre. Aucun travail d’édition : relecture ou correction n’est proposé. Il suffit de payer pour être publié. Payer, toujours payer. Cher. Et l’on retrouve les élucubrations quasi mystiques d’une Agnès Léopold, autrice aisée, ou du moins très déterminée, mais sûrement pas écrivaine.

Les maisons d’édition à compte d’auteur et l’auto-édition ont mis fin au pouvoir illimité des éditeurs, qui décidaient unilatéralement du sort des manuscrits, avec beaucoup de candidats et très peu d’élus.

Rendre l’édition d’accès libre, alors qu’une personne sur trois souhaite écrire un livre, et laisser le public décider seul : sur le papier, une belle promesse. L’auto-édition et le compte d’auteur ont permis de faire émerger quelques succès : Agnès Martin-Lugand, Carène Ponte, Laure Manel. De la littérature plutôt feel good et grand public.

Mais comment un public qui ne lit pas – en 2018, près de trois quarts des Français disent lire moins de dix livres par an – peut-il faire son choix de manière éclairée parmi le tombereau de nouveautés (78 000 titres) publiées chaque année ? Comment saura-t-il, s’il n’y a pas un libraire pour le conseiller, que tel livre relève de l’édition à compte d’auteur alors que tel autre a été sélectionné, bénéficiant d’un vrai travail d’édition ? Comment ne pas être un peu dégoûté de la littérature si on tombe sur un livre truffé de fautes, d’approximations, pas bien construit ?

La liberté des songes, en somme

Un livre sans doute pas publiable car il manque une colonne vertébrale. Difficile donc de le noter à la hauteur de ce que je chronique habituellement. Moi qui aime la belle langue, disons que la lecture ne m’a pas déplu.

Couverture du livre La liberté des songes d'Agnès Léopold

La liberté des songes d'Agnès Léopold

192 pages
Date de publication
19 novembre 2024
Éditeur
Editions du Panthéon
Page du livre sur le site de l’éditeur