Au fin fond de la campagne anglaise, une base militaire retient captifs un groupe d’enfants qui, malgré le fait d’avoir été infectés par un agent pathogène « zombie » qui a envahit la planète, demeurent capables de penser et de ressentir des émotions. Ils suivent ainsi les cours prodigués par Helen (Gemma Arterton), jeune professeur, tout en étant un danger potentiel pour les membres de la base qui doivent rester vigilants.
Lorsque la base est soudainement attaquée par une horde de zombies, Melanie (Sennia Nanua), surdouée parmi ces enfants peu ordinaires, réussit à s’échapper en compagnie de son institutrice et du Dr. Caroline Caldwell (Glenn Close), une biologiste qui ne voit en elle qu’un cobaye indispensable à la découverte d’un vaccin. Dans un pays en plein chaos, Melanie découvre qui elle est vraiment et doit décider de son propre sort comme celui de l’humanité toute entière.
Mi-fille, mi-zombie
Zombies par-ci, zombies par-là, le nombre de films et de séries consacrés à ces morts-vivants assoiffés de sang humain atteste que l’intérêt pour le genre est plus que jamais d’actualité. Malheureusement, quantité ne rime pas forcément avec qualité et les productions pléthoriques ont tendance à se ressembler. De la vitesse de déplacement des zombies aux détails plus ou moins gores, seuls quelques éléments secondaires permettent de vraiment les différencier. Hélas, le parti pris esthétique fait souvent l’impasse sur le fond, car oui on peut raconter des choses intéressantes à travers un film de zombie. Le réalisateur Colm McCarthy l’a bien compris et son second long métrage The Girl With All The Gifts — « traduit » en France de façon incompréhensible, comme souvent, par The Last Girl – Celle qui a tous les dons — apporte du sang neuf à un genre qui a tendance à faire du sur place à l’image des zombies amorphes.
Dans ce film qui propose une vision différente du conflit entre humanité et zombies, on n’échappe pas à la quasi inévitable scientifique qui pense pouvoir sauver l’humanité avec un vaccin et n’a aucun remords à utiliser Melanie comme rat de laboratoire pour le faire. Mais il y a surtout cette gamine aussi attachante que flippante — incarnée par Sennia Nanua, hypnotisante au sein d’un casting très réussi —, le chaînon manquant entre l’humain et le zombie. Monstre sanguinaire qui peut à tout moment céder à ses pulsions et vous sauter à la gorge, Melanie est aussi une gamine de dix ans intelligente et sensible qui se lie d’une affection réciproque pour sa prof Helen. Avec ce personnage à la double identité en conflit permanent, The Last Girl relève le niveau de réflexion et dépasse le simple combat binaire entre humains et zombies. La jeune fille, à la fois espoir et menace, va devoir choisir entre ses deux natures, un dilemme angoissant appuyé tout au long du film par une bande originale envoûtante particulièrement réussie signée Cristobal Tapia de Veer.
To zombie or not to be
Si certains films de zombie s’interrogent sur la part d’humanité qui peut subsister chez un être infecté, The Last Girl répond à la question sans ambiguïté avec le personnage de Melanie. L’état de ces enfants à la fois contaminés mais encore lucides — dont l’origine étonnante est expliquée lors du film — pose un dilemme sur la façon de les traiter. Si Helen s’évertue à les instruire comme elle le ferait avec des enfants « normaux », les militaires les considèrent avant tout comme des menaces et la biologiste comme de simples cobayes qui peuvent servir à extraire un vaccin pour endiguer le virus. Avec cette enfant à la frontière des deux mondes, Colm McCarthy renoue avec les films de zombie comme sait si bien les faire George Romero. Alors que le maître du genre diffusait dans ses films un fond de critique sociale, The Last Girl propose une réflexion d’ordre plus philosophique. Il n’est pas ici question de pointer du doigt le consumérisme effréné ou le racisme de la société américaine comme le faisait Romero mais d’une façon plus globale et définitive de poser la question de l’intérêt de la survie de l’espèce humaine.
Dans un film de zombie classique l’éradication des morts vivants et le retour à la normale est la condition sine qua none pour une « happy end » qu’elle ait lieu ou non. The Last Girl pose la question plus dérangeante de la fin du cycle. Et si, après tout, l’heure de l’humanité était arrivée ? Une apocalypse générale pour laisser la place à « autre chose » dont les zombies seraient les messagers. Une réflexion intéressante qui pose évidemment en creux la définition de l’humanité, la façon dont Melanie est traitée par les survivants répond de manière brutale en partie à cette interrogation.
Film de zombie véritablement original, The Last Girl fascine par son scénario philosophique porté par un casting parfait et une bande son enivrante. Un renouveau du genre qui prend de la hauteur pour nous rappeler que la fin de l’humanité ne signifie pas forcément la fin du monde.
> The Last Girl — Celle qui a tous les dons (The Girl With All The Gifts), réalisé par Colm McCarthy, Royaume-Uni, États-Unis, 2016 (1h52)