Ce week-end, on y a joué The Grandmaster de Wong Kar-Wai et No de Pablo Larrain. Mardi 23, on projettera Une place au soleil, de George Stevens. Cela faisait 30 ans qu’on n’y avait plus vu de film. Pourtant, le Louxor, le plus vieux cinéma de Paris, est bien de retour. Sur la façade, l’inscription qui a contribué à sa légende a retrouvé son éclat : Louxor – Palais du Cinéma.
Le 18 avril dernier, le Louxor a rouvert ses portes au public. Exploité en tant que cinéma jusqu’en 1983, le bâtiment avait ensuite été vendu pour être transformé en discothèque. Définitivement fermé en 1987, cette merveille du patrimoine parisien fut alors laissé à l’abandon. Une merveille déchue qui ne pouvait pas échapper aux dégâts du temps. C’est ce que voulait éviter la mairie de Paris qui rachète le bâtiment 1,3 millions d’euro en 2003. Les travaux débutent en 2010 sous l’égide de l’architecte Philippe Pumain. Coût de l’opération pour la mairie : 25 millions d’euro.
Renaissance des décors art-déco et néo-égyptiens
Bâti par l’architecte Henri Zipcy en entre 1920 et 1921, le cinéma de Barbès arborait alors une façade et des décors intérieurs égypto-art déco. Plusieurs fois rénové, dans les années 30 puis les années 50, les motifs égyptiens intérieurs du Louxor avaient totalement disparus. En 2013, la grande salle principale du Louxor retrouve les éléments égyptiens en réponse aux façades remarquables du bâtiment, aujourd’hui restaurées. Les mosaïques, mâts égyptiens, vitraux… qui valurent aux façades et toiture du Louxor, une inscription à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1981.
Pour rendre à cette salle principale, baptisée Salle Youssef Chahine, son éclat d’origine, il a fallu gratter, fouiller, se documenter pour retrouver ce subtil mariage de l’Art déco et du néo-égyptien. Aller chercher sous les parois superposées, les parois d’origine et leurs décors peints : motifs, faux-marbres, figures pharaoniques. Les décors de cette salle ont été restitués, c’est à dire que les quelques éléments d’origine restants ont été mis à l’abri sous la nouvelle paroi acoustique. Celle-ci restitue scrupuleusement les peintures initiales et leurs couleurs vives. Les deux autres salles, plus petites, ont été créées de toute pièce, au sous-sol, dans les anciennes caves de l’immeuble haussmannien balayé en 1920 par le Louxor.
Classé cinéma art et essai, le Louxor est aussi un pari pour les trio d’exploitants qui a remporté la mise, en décembre 2012. Carole Scotta, Martin Bidou et Emmanuel Papillon, qui composent la société CinéLouxor (1), ont pour mission d’assurer la rentabilité du cinéma et surtout de séduire la population du quartier le plus cosmopolite de Paris.
Un cinéma de quartier
Au carrefour des IXe, Xe et XVIIIe arrondissement, en bordure du quartier de la Goutte d’Or, la réhabilitation du Louxor, c’est aussi la réhabilitation d’un quartier. Il ne s’agit pas de faire venir les habitants des beaux-quartiers sous les dorures art-déco des superbes luminaires du Louxor, mais de proposer un cinéma aux gens du quartier. La mairie de Paris a misé sur une réappropriation de cette maison du cinéma et de la culture par les habitants de Barbès, de la Goutte d’or… Les prix sont en tout cas assez peu chers, relativement aux prix prohibitifs des cinémas parisiens : 9 euro la séance, 7,5 euro pour le tarif réduit.
Avec sa terrasse, son bar, le Louxor a vocation à devenir un espace de convivialité. Sur la terrasse, on peut observer de près les mosaïques d’origine et en poussant un peu le regard, le Sacré-Cœur se dresse derrière l’enseigne du magasin Tati, de l’autre côté de la rue. Il fait bon être à Barbès… Les habitants passeront-ils sous la magnifique marquise art-déco pour se faire une toile dans le temps égyptien, y voir une expo ou encore participer à une conférence ? Les exploitants du cinéma seront soutenus par les associations, notamment l’association Paris-Louxor, qui, depuis 2010, oeuvre à l’intégration du cinéma dans le quartier.
En tout cas, c’est certain, ça frémit à Barbès. Après l’installation de la brasserie de la Goutte d’Or, en plein cœur de cet étonnant quartier parisien, la réhabilitation du Louxor, on attend désormais la Brasserie Barbès qui devrait ouvrir en janvier 2014, à l’angle des boulevards de la Chapelle et Barbès, juste en face d’un Louxor aujourd’hui éclatant. Le pari architectural est gagné. Reste encore le pari social.
> Une exposition sur l’histoire du Louxor se tient actuellement à la mairie du Xè, 72, rue du Faubourg Saint-Martin, jusqu’au 25 mai 2013.
> Pour en savoir plus sur la restauration et restitution du Louxor, rendez-vous sur le site des Amis du Louxor.
Dernière mise à jour, le 22 avril 2013 à 12h00.
(1) Carole Scotta est dirigeante d’Haut et Court, société indépendante de production et de distribution de films. Martin Bidou est exploitant (Le Vincennes, le Nouvel Odéon, le Max Linder) et programmateur et directeur des ventes de la société Haut et court. Emmanuel Papillon fut directeur pendant 20 ans du cinéma Jacques Tati à Tremblay en France et est actuellement directeur de la section exploitation de la FEMIS
(2) Depuis le 25 avril dernier, et jusqu’au 25 mai, l’association Paris-Louxor organise avec la mairie du XVIIIè l’exposition « Nos cinémas de quartiers ».