« Manhattan Stories », film choral asthmatique

« Manhattan Stories », film choral asthmatique

« Manhattan Stories », film choral asthmatique

« Manhattan Stories », film choral asthmatique

Au cinéma le 16 mai 2018

Alors que son coloc Ray cherche la rédemption, Benny chasse un vinyle collector. De son côté, Claire débute dans un tabloïd aux côtés d'un rédac chef assez spécial. Wendy, ado asociale, tente elle de trouver sa place. Ces destins, qui se croisent ou non, rythment une journée banale à New-York. Volontairement brouillon, Manhattan Stories offre quelques instants sympathiques mais échoue à faire grande impression malgré des prestations convaincantes.

Une journée à Manhattan. Dès le réveil, Benny (Bene Coopersmith), passionné de vinyles collectors et adepte de chemises bariolées, n’a qu’une seule idée en tête : mettre la main sur un enregistrement rarissime de Charlie Parker. Il abandonne temporairement son coloc Ray (George Sample III) qui déprime sur le canapé du salon depuis qu’il a eu la très mauvaise idée de poster des photos de sa copine nue sur Internet pour se venger.

Pendant ce temps, Claire (Abbi Jacobson) débute en tant que chroniqueuse judiciaire dans un tabloïd new-yorkais. Elle y est accueillie par Phil (Michael Cera), un journaliste d’investigation fan de métal aux méthodes douteuses. Leur enquête sur une mort suspecte les mène jusqu’à Jimmy (Philip Baker Hall), un vieil horloger qui pourrait détenir, sans le savoir, les preuves qu’ils s’agit d’un meurtre. De son côté, Wendy (Tavi Gevinson), une adolescente désabusée par la société, tente de se rapprocher de son amie Mélanie (Olivia Luccardi), accaparée par son petit ami.

Manhattan Stories Photo © Magnolia Pictures

Mélange des gens

Pour son second long métrage, Dustin Guy Defa est allé puisé dans un court métrage datant de 2014. Si les deux films partagent le même nom — Person to Person en version originale —, le réalisateur jure qu’il n’a pas cherché à « étirer » son premier projet pour en faire une version longue. Les deux films ont pourtant en commun un certain ton et un personnage : Benny, le passionné de musique. Autour de lui, le cinéaste a imaginé d’autres situations et propose cinq histoires distinctes qui s’entrechoquent plus ou moins.

Dustin Guy Defa se frotte au difficile exercice du film choral, genre sublimé notamment par Robert Altman avec Short Cuts (1993) ou encore Paul Thomas Anderson et son Magnolia (1999). Le cinéaste reconnaît d’ailleurs avoir été particulièrement influencé — même s’il s’en ait rendu compte a posteriori — par l’ambiance qui se dégage de They all laughed (1981) signé Peter Bogdanovich.

Manhattan Stories Photo © Magnolia Pictures

Dans Manhattan Stories le parti pris est de ne pas forcément faire se rencontrer les différentes histoires ni de créer des liens entre les personnages qui pourraient paraître artificiels. Si certains destins se croisent, il n’est pas ici de final où tous les protagonistes se retrouvent dans la même pièce au terme d’une journée mémorable. Ce qui réunit les personnages de Dustin Guy Defa — au-delà d’habiter la même ville — c’est avant tout une quête d’eux-même, parfois symbolisée par un objet.

Benny passe ainsi sa journée à demander leur avis aux gens qu’il rencontre sur sa nouvelle chemise, craignant qu’elle ne soit trop extravagante pour lui. Sans lien formel entre les différentes histoires, Manhattan Stories fait le pari — osé mais risqué — d’un puzzle dont les différentes pièces séduisent… ou non.

Nostalgie et drôle de mélancolie

Tourné en 16 mm, pour des questions de coût mais également d’esthétique, ce film choral joue la carte d’une certaine nostalgie qui se retrouve dans les personnages de Benny, capable de débourser plusieurs centaines d’euros pour un vieil enregistrement inédit sur vinyle, et Jimmy, l’horloger en voie de disparition. Les locaux du journal où travaille Phil sont également dans ce esprit « vintage » qui renvoie l’image d’un New-York suranné.

Cet esprit d’authenticité est symbolisé également par Bene Coopersmith qui incarne sans devoir trop se forcer son personnage puisque cet acteur occasionnel est véritablement musicien et collectionneur de disques. Une passion qui l’a poussé à ouvrir un magasin destiné, au départ, à stocker le surplus de sa collection personnelle qui envahissait son appartement.

Manhattan Stories Photo © Magnolia Pictures

De cette journée kaléidoscopique, on retient surtout les performances convaincantes des acteurs au service d’histoires qui n’aboutissent pas toujours. On s’attache ainsi au personnage de Benny pour son tempérament passionné et à Wendy pour sa crise d’adolescence qui l’invite à une misanthropie amère. Interprétée par la talentueuse Tavi Gevinson — journaliste, actrice, musicienne et écrivain — dont le minois fait inévitablement penser à Scarlet Johansson, Wendy est sûrement le personnage le plus abouti de cette somme de destins.

L’ado qui tente de convaincre son amie Mélanie que désir sexuel et féminisme ne sont pas antinomique, possède — malgré quelques répliques parfois un peu trop littéraires pour sonner vraiment naturelles — une force de caractère qui rend intrigante son évolution au sein de cette journée new-yorkaise. Phil, qui tente très maladroitement de séduire sa nouvelle recrue en récitant les paroles des morceaux composés avec son groupe de métal, est également empreint de cette mélancolie latente qui traverse le film. Fortement ancré dans le domaine de la comédie, Manhattan Stories possède néanmoins quelques touches de remise en question qui donne un peu de profondeur à ses personnages les plus attachants.

Film choral assez bancal, Manhattan Stories peine à proposer des histoires qui marquent réellement malgré un joli casting et une étude de caractères plutôt réussie. Une journée new-yorkaise sympathique, à défaut d’être mémorable.

> Manhattan Stories (Person to Person), réalisé par Dustin Guy Defa, États-Unis, 2017 (1h24)

Affiche du film "Manhattan Stories (Person to Person)"

Manhattan Stories (Person to Person)

Date de sortie
16 mai 2018
Durée
1h24
Réalisé par
Dustin Guy Defa
Avec
Bene Coopersmith, Abbi Jacobson, Michael Cera, Philip Baker Hall, George Sample III, Tavi Gevinson, Olivia Luccardi
Pays
États-Unis