Marc Dorcel : icône du porno chic

Marc Dorcel : icône du porno chic

Marc Dorcel : icône du porno chic

Marc Dorcel : icône du porno chic

25 octobre 2011

Des simples écrits à la vidéo 3D, en passant par les romans-photos érotiques, le plus grand nom du X made in France a vu passer toutes les évolutions technologiques de son secteur. Son boulot : des milliers d’ados (et d’adultes) rêvent de l’exercer. Pourtant, quand il reçoit, Marc Dorcel le fait avec humilité, et toujours ce sourire au coin des lèvres… Rencontre avec l’homme aux 46 Hots d’Or à l’occasion de la sortie du dernier de la maison, Inglorious Bitches. Du porno, à la Dorcel.

Marc Dorcel, son fils Grégory and girls | Photo Marc Dorcel

L’extérieur, plutôt anonyme, ne crie pas à l’industrie du stupre. Puis on entre, et après avoir gravi un escalier dont les lueurs bleutées et futuristes laissent songeur, on arrive dans un bel open space, orné sur l’un des murs du grand sceau rose frappé d’un X. Lettre qui a remplacé le toucan comme identité visuelle de la marque pour ses 30 ans en 2009. Pas de caméra qui tourne, pas de créatures bombées en pagaille, ah si, une dans un coin, mais en carton, petite déception… Mais nous sommes chez Dorcel, et Adeline, l’attachée de presse offre un joli sex-toy, ça change des plaquettes bardées de graphiques inintéressants ! Je suis en avance, un peu le trac, un café, et voilà, « Marc est disponible, on y va ? »

« J’ai tout perdu, mais ça m’a appris la vie »

Tant pis pour les stéréotypes, Marc Dorcel n’arbore ni chemise en soie violette, ni grosse chaîne en or, juste un costume bien taillé, un grand sourire curieux et une poignée de main franche.

Marc Dorcel et ses hots d'or | Photo Diane Saint-Réquier

On commence, bien sûr, par le début. Ses débuts. Les Transports Marc Dorcel en 1965, bien loin de son univers glamour actuel. Il admet que ça ne s’est « pas très bien terminé » et ajoute qu’il travaillait « un petit peu comme un amateur ». Malgré tout, c’est une première étape dans sa vie de serial-entrepreneur « le fait de gérer ça m’a appris beaucoup. […] J’ai tout perdu. Mais ça m’a appris à vivre » en retient-il, plutôt philosophe. Mais comment s’est faite cette transition, ce grand écart, entre le fret et la levrette ? Il rit, « c’est très subtil ! En fait, tout a été affaires d’opportunités ».

La première se présente dans un café du quartier de la place des Vosges, à Paris. « J’avais un copain que je voyais régulièrement […] en train d’ouvrir des enveloppes, et il y avait des chèques, des espèces et tout. Je me suis un petit peu intéressé à ce qu’il faisait […] et j’ai compris qu’il faisait de la vente par correspondance d’ouvrages érotiques. À l’époque, l’ouvrage érotique n’était pas tellement couru, il y avait une censure impitoyable. Néanmoins, je me suis dit tiens, c’est pas bête ! ». Il commence comme « gagne petit » en glanant « quelques bouquins sur la Rive Gauche ».

Censure et opportunités

Sa deuxième opportunité se présente quelques années plus tard, lorsqu’un journaliste Suisse vient lui confier son manuscrit et lui demande de l’éditer. Après avoir remodelé les phrases du langage vaudois en un français plus accessible, il publie le livre, sous le titre d’Ursula. « Presque 30 000 exemplaires » sont écoulés.

Logo de la société Marc Dorcel depuis 2009

Un vrai phénomène. « Ça a été un énorme succès, ce qui m’a mis le pied à l’étrier dans l’édition. » C’est ensuite son flair qui lui fait repérer les magazines importés des Etats-Unis, agrémentés de photos « retouchées au feutre parce qu’on n’avait pas le droit de montrer le système pileux dans les photos. En fait, [elles] devaient être très soft, genre naturiste ». Les années 70 ont débarqué, avec l’immense succès d’Emmanuelle : « les gens voulaient autre chose, toujours autre chose ».

Marc Dorcel se met donc à la photographie, d’abord noir et blanc, puis couleur, dans des romans-photos à l’italienne qui se vendent « comme des petits-pains » dans les sex-shops, alors en plein essor. Mais la censure sévit toujours, frappant d’interdiction les ouvrages quelques semaines après leur mise en rayon. Au bout de trois interdictions, les éditeurs se voient imposer un « dépôt préalable » : l’obligation de faire un premier tirage de 5 000 exemplaires, et d’en remettre trois au Ministère de la Justice afin d’avoir le feu vert. Evidemment, il sait qu’il ne l’obtiendra pas, il faut donc changer de nom de la maison d’édition, l’adresse… « Ça m’est arrivé trois ou quatre fois de le faire, pour les besoins de la cause », précise-t-il. Ironie du sort, c’est lors d’un de ces déménagements forcés qu’il rencontre un fan de son travail qui lui propose de se lancer dans la vidéo.

Âge d’or et avenir

En 1979, il fonde sa propre société : Vidéo Marc Dorcel. Le premier carton sera Jolies Petites Garces, en 1980. Pour la première fois, il ne suit pas les tendances mais les crée. Il est le premier à réaliser de la vidéo directe, c’est-à-dire tournée directement avec un caméscope au lieu de filmer avec de la pellicule, qui une fois convertie, donne une piètre qualité d’image : « il y avait un espèce de grain comme une neige qui tombait sur l’écran ». Des années 80/90, reconnues comme l’âge d’or du porno en France, il se souvient : « je produisais, tournais pas mal, avais un réalisateur, Michel Ricaud, qui a réalisé pour moi plus de 45 films en vidéo. C’était toujours des productions assez sophistiquées, des bons budgets et c’est vrai qu’à l’époque, on vendait un peu tous azimuts de la VHS. […] Il existait des grandes surfaces qui achetaient en masse de la VHS ».

Jolies petites garces, 1981

Le succès est immédiat et perdure à travers la tombée en désuétude des différents supports, la vidéocassette, puis le DVD, jusqu’à l’arrivée d’Internet et plus récemment de « la 3D avec jaillissement ». Quand on lui demande pourquoi VMD n’utilise pas le Blu-ray il répond avec un haussement d’épaules. « C’est anecdotique […]. On est quand même en HD, ça n’aurait pas vraiment d’intérêt. » Mais l’entreprise a le don pour repérer les bons filons, comme en témoigne l’expérience de crowdfunding [financement de projets qui fait appel à un grand nombre de personnes, notamment les internautes, NDLR] pour Mademoiselle de Paris « un super coup médiatique ». Dans cinq ou dix ans, il ne sait pas ce que le porno deviendra, mais pour lui une chose est sûre « ça existera toujours. Sous quelle forme ? Je n’en sais rien, il y aura toujours des nouveaux supports, il y aura toujours quelque chose qui arrivera pour montrer des images dont une certaine clientèle a envie. Je crois que c’est un genre à part entière maintenant, […] ça fait partie d’une certaine culture. »

Le “style Dorcel“ : l’antigonzo

Avec le tournant Internet, la multiplication des plateformes gratuites et des vidéos amateurs, le secteur porno en a pris un sacré coup, et Marc Dorcel est aujourd’hui un des seuls à avoir réussi à tirer son épingle du jeu…

Scène d'orgie, avec Anna Polina au centre. | Photo Marc Dorcel

Evoquant aussi « un piratage notoire », le patriarche du porn explique sa réussite : « Notre leitmotiv a toujours été la qualité. […] Il y en a certains qui vont sourire en disant : quelle qualité il peut y avoir dans la pornographie ? […] On a toujours fait des films pour se distraire, c’est vrai mais pour exciter. Des films qui n’étaient pas destinés spécifiquement aux couples, mais que le couple n’avait pas d’appréhension à regarder. Ça n’empêche pas pour autant que les films peuvent être assez pervers. Mais le leitmotiv a toujours été super casting, bonne technique de tournage, belles lumières, sophistication lingerie, maquillage, etc.. Ce qui fait qu’à force, c’est comme un clou que vous enfoncez, il s’est créé un genre chez nous. D’ailleurs, j’en ris parce qu’on en arrive à dire maintenant que c’est le « style Dorcel ». Parce qu’on n’a pas cherché à faire que du hard dans nos film. Il y avait quand même des scénarios écrits, on a toujours cherché à ressembler à un film plutôt qu’à faire du « all sex », dont fait partie ce genre, qui a très bien marché et qui marche encore, qu’on appelle le gonzo. »

Anna Polina | Photo Marc Dorcel

Si l’on peut déplorer que les films manquent, par exemple, d’une bonne scène de cunnilingus hétérosexuel, qui plairait peut-être plus aux femmes, Dorcel se défend du rôle du misogyne qu’on veut bien lui donner : « nous n’avons jamais essayé d’abaisser l’image de la femme, de lui donner une image dégradante. On a fait les choses de la vie ! Bon d’accord c’est visuel, ça plait ou ça ne plait pas mais c’est comme ça et c’est vrai qu’on ne peut pas plaire à tout le monde ! » Rappelant l’étude de 2009, réalisée avec l’Ifop, qui montrait que plus de la moitié des Françaises regardaient du porno, il ajoute : « on a toujours dit qu’il y avait un porno « pour femmes » mais en fait, c’est faux, je n’y crois pas. »

Inglorious Bitches

C’est le dernier né de la maison D. Plus que jamais estampillé porno chic, Inglorious Bitches, réalisé par Max Candy, vous l’aurez deviné, est un hommage au film de Tarantino, Inglorious Bastards. Avec un budget de 250 000 euros, un casting international, des décors et des costumes léchés (pardon), cette super production, sortie le 21 octobre, devrait faire un carton.

Aleska Diamond | Photo Marc Dorcel

Le pitch ? Deux jeunes femmes (Anna Polina et Tarra White), qui ont vu leur amant se faire tuer par l’ennemi, rejoignent la Résistance et recrutent des anciennes prostituées afin de faire d’elles des guerrières redoutables, expertes dans la manipulation des armes et de leurs charmes. Elles dirigent une maison de plaisirs fréquentée par les gradés de l’armée ennemie, et obtiennent des informations stratégiques sur l’occupant. Elles préparent en secret une opération qui pourrait changer le cours de la guerre (voir la bande-annonce). Quand on en parle, Marc Dorcel me tend les jolis flyers (Aleska Diamond en guêpière, Jenna Lovely en uniforme ou Suzy Carina lookée 40’s…) et annonce : « Je suis assez fier de cette production parce que je crois qu’elle remue pas mal et parce que 250 000 euros, ça parait beaucoup d’argent, mais en vérité quand on voit un peu tous les gens qui figurent dans le film, la technique qui a été utilisée, la même que dans le cinéma traditionnel : des mouvements de grue, des prises de vues traveling, etc., une figuration et des décors importants, eh bien, je ne regrette rien ! »

Quant au réalisateur, interrogé sur le blog de la compagnie, il cite Shakespeare. « L’enfer n’a de pire furie qu’une femme blessée » et explique sa vision du terme « bitches » : « un mot peut être employé de bien des façons, il s’agit toujours d’une histoire de contexte ! J’utilise et je pense au mot « salope » de façon positive. Dans un contexte féministe, ça suppose une femme forte, souvent très sexuelle et très sûre d’elle ».

Des guerrières dénudées | Photo Marc Dorcel

Le vit, plus fort que la mort ?

On termine l’entretien avec le questionnaire de Pivot, assez révélateur…

Votre mot préféré ?

Liberté

Le mot que vous détestez ?

Mort

Votre drogue favorite ?

Le champagne

Le son, le bruit que vous aimez ?

La grande musique

Le son, le bruit que vous détestez ?

Le marteau-piqueur

Votre juron, gros mot ou blasphème favori ?

Merde

Homme ou femme pour illustrer un nouveau billet de banque ?

Plutôt une image d’une industrie ou issue de la culture, c’est plus fédérateur

Le métier que vous n’auriez pas aimé faire ?

Croque-mort

La plante, l’arbre ou l’animal dans lequel vous aimeriez être réincarné ?

On dit que le lion c’est le roi, alors pourquoi pas ?

Si Dieu existe, qu’aimeriez-vous, après votre mort, l’entendre vous dire ?

Bienvenue au paradis !