Dans les années 80, Jacob (Steven Yeun), père d’une famille américaine d’origine sud-coréenne, rêve de devenir fermier. Avec sa femme Monica (Yeri Han) et leurs deux enfants David (Alan S. Kim) et Anne (Noel Cho), il s’installe dans l’Arkansas pour débuter une nouvelle vie.
Alors que Jacob se voue corps et âme à son projet agricole, son fils David va devoir s’habituer à cette nouvelle vie et à la présence de Soonja (Yuh-Jung Youn), sa grand-mère coréenne fantasque qu’il ne connaissait pas.
Très familier
Pour donner vie aux personnages de Minari, Lee Isaac Chung s’est replongé dans ses souvenirs d’enfance. Comme Jacob et Monica dans le film, les parents du cinéaste né en Arkansas ont trié les poules pondeuses dans des couvoirs aux conditions de travail difficiles.
Le personnage de Jacob qui mène de front ce travail de sexeur de poussins et sa ferme à cultiver est un hommage aux dévouement des parents de cette génération qui se sont sacrifiés pour offrir une meilleure vie à leur enfants. Le réalisateur envisage également le film comme un témoignage fait à sa fille de six ans sur son histoire familiale.
Lee Isaac Chung considère que toute la famille est le héros dans son film. Minari voit en effet la cellule familiale comme un ensemble où les membres doivent se soutenir pour que cette nouvelle aventure porte ses fruits. Malgré sa détermination, Jacob a besoin du soutien de ses proches.
Duo de choc
Comme dans l’enfance du cinéaste, une grand-mère qui vient de Corée rejoint le couple pour l’aider dans l’éducation des enfants. Vulgaire par moment et à l’humour tordu, cette mamie peu conventionnelle laisse David perplexe. Pour le jeune garçon, il est certain qu’une grand-mère devrait se comporter de façon plus raisonnable.
Les deux forts caractères vont pourtant devoir s’apprivoiser même si David se plaint que Soonja « sent la Corée » ! Le charme de Minari doit beaucoup à ce duo d’acteurs qui se complètent à merveille. Star incontestée du cinéma coréen, Yuh-Jung Youn qui a joué notamment dans The Housemaid (2010) de Sang-soo Im et la série Sense8 (2015-2017) est absolument irrésistible dans le rôle de cette grand-mère farfelue. Sa prestation — la première dans un film américain — a été récompensée par de nombreuses récompenses dont un Oscar.
À l’opposé des cinq décennies de carrière de sa grand-mère de cinéma, Alan S. Kim apparaît pour la première fois à l’écran. La répartie naturelle du jeune garçon a tout de suite plu au réalisateur. L’acteur débutant incarne David avec un naturel déconcertant et insuffle une fraîcheur qui fait écho au personnage joué par Masahiko Shimazu dans Bonjour (1959) du maître Yasujirô Ozu.
Un jardin à soi
Si le film emprunte son nom à un légume coréen amené par Soonja dans ses valises, Minari (cresson en français) a un propos universel qui parle à tous. Le cinéaste a soigneusement évité tous marqueurs sociaux ou politiques. Intemporelle, cette aventure familiale pourrait aussi bien se dérouler de nos jours ou lors de la conquête de l’Ouest américain.
La famille américano-coréenne de Lee Isaac Chung a quelque chose de transversal et renvoie directement au rêve américain fondateur. Cette idée que l’on peut se réinventer ailleurs et tout reprendre de zéro pousse Jacob à se dépasser.
Minari invoque ce fantasme très américain de terres qui restent à conquérir. Une soif de liberté partagée par Nomadland (2020) de Chloé Zhao — lire notre critique. Mais, contrairement à sa collègue réalisatrice, Lee Isaac Chung imagine un rêve américain qui est à portée de main.
Cependant, le rêve américain peut se heurter à la dure réalité de la nature. De l’espoir à la récolte, il y a parfois un pas difficile à franchir. Aidé par son voisin Paul (Will Patton), Jacob va le découvrir à ses dépens.
Minari rappelle que la nature est indomptable et que le risque du désastre est une menace réelle. Face à l’adversité, la cellule familiale doit se montrer plus unie que jamais.
Touchant drame familial, Minari met à l’épreuve une famille attachante bercée par l’espoir d’une nouvelle vie. Une œuvre très personnelle, simple et délicate, traversée par la croyance au rêve américain qui rend un bel hommage au sacrifice parental.
> Minari, réalisé par Lee Isaac Chung, États-Unis, 2020 (1h55)