« My Sunshine », dégel sentimental

« My Sunshine », dégel sentimental

« My Sunshine », dégel sentimental

« My Sunshine », dégel sentimental

Au cinéma le 25 décembre 2024

Lorsqu'il voit Sakura s'entraîner sur la glace, le jeune Takuya se découvre une soudaine passion pour le patinage artistique. Amusé par cette nouvelle vocation, le coach de Sakura leur propose de s'entraîner en duo pour une compétition. Mais la joyeuse harmonie qui lie le trio pourrait bien fondre comme neige au soleil. Avec ses images à la douceur chaleureuse, My Sunshine charme en évoquant la pureté des émois d'enfance, flirtant par moment avec l'excès de nostalgie. En troublant tardivement cette entente, cette romance sur glace semble ne pas vraiment savoir sur quel patin danser.

Sur l’île d’Hokkaidō, l’hiver est la saison du hockey pour les garçons. Mais, lassé du rôle de goal devant éviter les palets projetés à toute vitesse, Takuya (Keitatsu Koshiyama) laisse son imagination divaguer vers une activité plus délicate. Le jeune garçon est subjugué par la grâce de Sakura (​​Kiara Nakanishi), jeune patineuse artistique tout juste arrivée de Tokyo, qui s’entraîne pour un prochain concours. Pour approcher l’élue de son cœur, Takuya essaie, maladroitement, d’imiter ses enchaînements.

Touché par cette tentative assez désespérée, Arawaka (Sōsuke Ikematsu), le coach de Sakura, décide de prendre sous son aile l’apprenti patineur et lui prodigue de précieux conseils. En confiance, Takuya se révèle au point que le coach propose aux deux jeunes ados de s’entraîner en duo en vue d’une compétition à venir. Alors que l’hiver avance, une complicité s’installe entre le coach et ses deux élèves mais, à l’instar de la neige qui finit par fondre, inéluctablement, rien n’est éternel.

My Sunshine © 2024「BOKU NO OHISAMA」Production Committee & COMME DES CINEMAS - Art House Films

Retour en enfance

Dans son premier long-métrage Jésus (2018), récompensé aux festivals de San Sebastián et de Stockholm, Hiroshi Okuyama utilisait déjà son enfance comme matière première de son film. Jésus, dans lequel un jeune élève se retrouve dans une école privée chrétienne dont il ignore tout de la religion, est fondé sur sa propre expérience. My Sunshine continue dans cette voie sous la forme d’un ravissant exercice de style sur les souvenirs d’enfance.

Le nouveau film du cinéaste est inspiré au départ par un titre du groupe Humbert Humbert dont le film hérite son nom. À force de l’écouter en boucle, l’histoire s’est imposée d’elle-même. À cette même période, le réalisateur fait la rencontre de Sōsuke Ikematsu et décide de mettre en lumière le charme de ce comédien qui incarne le coach.

Pour Hiroshi Okuyama qui a collaboré en 2023 avec Hirokazu Kore-eda sur la série Makanai: Dans la cuisine des maiko, My Sunshine est une ode nostalgique qui renvoie le spectateur à des souvenirs d’enfance et à leur délicieuse fragilité, comme l’inévitable premier coup de foudre amoureux. Cet aspect rêveur qui plane sur le film est concrétisé à l’image par une esthétique ouatée aux couleurs pastel.

My Sunshine © 2024「BOKU NO OHISAMA」Production Committee & COMME DES CINEMAS - Art House Films

Cœur de glace

Présenté en compétition en Sélection Officielle Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes, My Sunshine pioche dans les souvenirs sportifs du cinéaste qui pratiquait le patinage artistique à l’école primaire. Alors qu’il suivait pour sa part sa sœur ainée, Takuya s’élance dans les traces de l’inconnue qui l’éblouit sur la glace. Comme pour illustrer ses hésitations sur la glace et marquer son caractère timide, Takuya est atteint de bégaiement. Un handicap qui ne l’empêche pas de se lancer courageusement à la poursuite de Sakura, devant le regard mi-amusé mi-admiratif du coach.

Loin du récit sportif habituel, My Sunshine ne joue pas la carte de l’entraîneur qui pousse ses élèves dans leurs retranchements, parfois avec une certaine violence, ne serait-ce que symbolique. S’il y a bien une compétition à la clé, cette perspective n’est pas l’enjeu du film. La victoire est totalement renvoyée au second plan, éclipsée par le véritable suspens : Takuya arrivera-t-il à se faire une place dans le cœur de la gracieuse Sakura ?

My Sunshine © 2024「BOKU NO OHISAMA」Production Committee & COMME DES CINEMAS - Art House Films

Glissade sans accroc

Avec son coach d’une bienveillance extrême, My Sunshine glisse sans accroc sur la patinoire ou le lac gelé que le cinéaste filme avec brio, convoquant des couleurs chaudes pour donner vie à cet environnement glacial. Visuellement, cette romance du début de l’adolescence évoque un cocon dans lequel se blottir en se remémorant l’insouciance de ce premier amour à la naïveté touchante.

Patineurs confirmés mais acteurs novices, les jeunes incarnant Takuya et Sakura sont d’un naturel confondant mis en lumière par une méthode du cinéaste faisant la part belle à l’improvisation. À ce jeu, le jeune garçon s’avère plus expressif, renforçant l’aspect mystérieux et inaccessible de sa dulcinée. Leurs entraînements sont filmés par le réalisateur qui n’a pas hésité à chausser ses patins pour un travelling toute en fluidité, au plus près de deux jeunes patineurs.

Ainsi se déroule My Sunshine, un apprentissage sans pression où la complicité entre Takuya et Sakura, mais aussi entre eux et leur coach s’installe progressivement. Un monde de Bisounours charmant à l’image léchée séduisante mais qui frôle par moment l’indigestion de douceur. La limite est franchie lors d’une séquence montée comme un clip musical où le trio s’amuse sur la patinoire naturelle offerte par un lac gelé. C’est le moment où l’aspect sucré de ce film guimauve atteint ses limites. Le réalisateur en est-il conscient ? C’est en tout cas peu après qu’il décide de tout envoyer valser dans un revirement inattendu.

My Sunshine © 2024「BOKU NO OHISAMA」Production Committee & COMME DES CINEMAS - Art House Films

Bris de glace

À la fonte de la neige correspond un bouleversement qui vient bousculer la léthargie nostalgique dans laquelle s’enfonçait confortablement le récit. Ce changement soudain d’ambiance est bienvenu d’autant plus qu’il interroge l’idéalisation de l’enfance mise en avant juste là. Il y a un certain courage de la part du réalisateur à prendre le contrepied de ce qu’il a construit pendant une grande partie de son film.

Cette révolution se déroule cependant dans le même climat serein qui plane sur le film. My Sunshine reste une œuvre taiseuse. Le cinéaste qui cite Le Ballon Rouge (1956) d’Albert Lamorisse comme influence principale préfère exprimer les ressentis par les images plutôt que les dialogues. Ainsi le trio réunit par un sentiment de solitude évolue dans une ambiance où plane le ressenti plus que la confrontation.

Ce parti pris introspectif associé à un retournement de situation tardif dans le film peut laisser une impression d’inachevé et de confusion. Comme ses protagonistes, le film semble se dérober aux problématiques qu’il pose. Ainsi le personnage pourtant attachant du coach Arawaka s’efface en emportant les secrets de sa solitude. Comme si Hiroshi Okuyama brisait sa rêverie confortable pour nous laisser dans un demi-sommeil vaporeux.

My Sunshine © 2024「BOKU NO OHISAMA」Production Committee & COMME DES CINEMAS - Art House Films

Joli écrin nostalgique, My Sunshine agit comme une charmante capsule temporelle célébrant la fraîcheur des premiers émois amoureux. Une vision dont la naïveté est contrebalancée – trop tard ? – et laisse une impression de deux films réunis en un. Sans vraiment laisser de certitude sur ce qu’il faut en retenir.

> My Sunshine (Boku No Ohisama) réalisé par Hiroshi Okuyama, Japon – France, 2024 (1h30)

My Sunshine (Boku No Ohisama)

Date de sortie
25 décembre 2024
Durée
1h30
Réalisé par
Hiroshi Okuyama
Avec
Sōsuke Ikematsu, Keitatsu Koshiyama, Kiara Nakanishi
Pays
Japon - France