Un concept
No Art No Street est une série qui appartient au Dasein Projekt, une collection de films imaginée par Estelle Beauvais, vidéaste et documentariste. En 2008, elle débute cette drôle d’aventure : montrer des artistes, au travail, au fil d’événements organisés tout spécialement. Des artistes, in vivo, de Berlin ou de Paris, parfois d’ailleurs.
Was bedeutet Dasein ? C’est une question qu’elle pose à chacun des artistes. Inspirée par Heidegger, "c’est l’idée selon laquelle on n’est rien tout seul. On se construit par rapport au monde, à la vie qu’on traverse, à notre environnement, aux gens qu’on rencontre." Ca, c’est le point de départ. Vient ensuite le Dasein Projekt, les travaux pratiques.
Citazine s’est intéressé à cet objet protéiforme à l’occasion de la sortie du dernier volet de la collection No Art No Street, Akt 3. Le pitch : des artistes qui se connaissent peu ou pas, se réunissent pour élaborer et peindre, en commun, un mur. Raby Florence Fofana, Nina Pigalies, Mawil, SP38… Graphistes, coloristes, affichistes, peintres, on a découvert du monde. Et on a retrouvé Emmanuelle Esther, du Collectif France Tricot, qu’on aime beaucoup à Citazine.
Le mur
Il est partout. Il est le point de repère de cette déambulation urbaine. Chaque film montre une performance autour d’un mur. Des artistes lui font face et vont le transformer. Les films, ryhtmés par les interviews des artistes, montrent comment le mur est transformé en tableau, en œuvre d’art. Comment les artistes ont collaboré pour, ensemble, créer une œuvre commune : même moment, même volonté, même énergie. "C’est très touchant d’assister en direct au processus de création." Montrer au public ce processus et tout simpement assister à la naissance d’une oeuvre, c’est aussi l’objectif de No Art No Street.
Le réseau
C’est à ce moment que l’idée d’Estelle Beauvais devient un véritable laboratoire d’observation de l’être humain, in vivo. "Ces artistes, dans l’acte trois, avaient l’habitude de travailler seuls. Au début, c’était difficile." Estelle Beauvais tourne et retourne son sujet pour capter "la capacité des hommes à travailler ensemble, à collaborer à un même objectif". Dans le cas d’un mur, un espace public, urbain, plusieurs artistes contribuent à le transformer en tableau, agissent en même temps, ou pas. Plusieurs interventions, un seul tableau. "Ils peuvent se faire des clins d’oeil, c’est aussi comme ça les réseaux se créent."
Au centre du projet Dasein, on retrouve le réseau, l’ensemble des petits réseaux qui forment un seul et même système. Les artistes de No Art No Street ne sont ps des têtes d’affiche, et pourtant… "Ce sont des artistes que j’aime, je voulais aussi contribuer à mettre leur travail en lumière." Elle devient alors un chaînon du réseau. Grâce à elle, deux artistes se découvrent et veulent travailler ensemble. A eux trois, ils forment déjà un réseau. "Les petites interventions, ça ne sert à rien, le réseau, c’est la force."
Pas de Street Art
No Art No Street, ce n’est pas du street art. La vidéaste ne voulait pas filmer le Street Art, mais "les liens entre l’art et la rue". Alors oui, les artistes de No Art No Street interviennent sur des murs mais ils ne font pas partie de la scène Street Art. "C’est une scène communautaire, avec des codes précis. Une scène dont ne font pas partie les artistes présentés dans No Art No Street, ils ne s’y reconnaissent pas."
Les participants ont beau ne pas venir du Street Art, ils sont tous imprégnés, pénétrés par la rue, la ville. "Ce ne sont pas des gens qui prennent une place sur un mur mais surtout des gens très sensibles à l’espace urbain." Cette ville, énergique, mobile, impulsive, qui inspire.
Encore un dernier acte pour No Art No Street, Akt 4, et le projet Dasein sera bouclé. Un dernier mur, situé rue Desnoyer dans le quartier de Belleville, à Paris cette fois. Encore des rencontres, un réseau, des réseaux, et une dernière oeuvre commune.