C’est déjà un énorme succès aux Etats-Unis, et cela fait des mois qu’on l’attend en Europe. True Grit, le dernier film des frères Coen, est un western qui met en scène une fille de 14 ans. A la mort de son père, la jeune Mattie Ross va trouver un marshal borgne, usé et alcoolique, incarné par Jeff Bridges, pour lui demander de le venger.
Directement issu de l’histoire américaine, le western n’en finit pas depuis quelques années de se réinventer et de puiser dans ses propres références. 3h10 pour Yuma (2007), avec Russel Crowe et Christian Bale, est un remake du film du même nom de 1957. Quant à L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, adapté la même année du roman de Ron Hansen en 1983, il revisite le mythe du plus célèbre hors-la-loi américain Jesse James, héros de centaines de récits américains.
True Grit n’échappe pas à la règle : adapté du livre éponyme de Charles Portis (1968), il a déjà été adapté deux fois au cinéma, notamment avec John Wayne, dont le rôle lui valut un oscar en 1969. Mais si les frères Coen connaissent leurs classiques, pas question de réaliser un remake du film : True Grit s’attache davantage à l’oeuvre originale de Portis qu’à celle d’Hataway.
Le western est-il mort dans les années soixante ?
Les années 2000 ont été prolifiques, mais le western n’a pourtant pas toujours été au goût du jour. Pour Nicole Gotteri, historienne et auteure de Le western et ses mythes : Les sources d’une passion (2005), « le western, le vrai, est mort dans les années soixante, quand les valeurs qui le sous-tendaient ont décliné dans le peuple américain ». A cette époque, la société américaine change, et le cinéma avec. Le modèle traditionnel du western, dont le héros incarnait bravoure et héroïsme, rassurant ainsi l’américain angoissé, s’efface. Apparaît alors ce qu’on appellera plus tard le "western révisionniste" : incarné par des réalisateurs comme Clint Eastwood ou Arthur Penn, ces western modernes bousculent le modèle originel. Loin des classiques duels cowboys-indiens, les personnages mis en scène sont des vagabonds cyniques et marginaux, des antihéros par excellence qui remettent en question le pouvoir et l’autorité.
Mais entre 1970 et les années 2000, le western se fait rare. Quelques exceptions, comme Impitoyable de Clint Eastwood (1992) ou Danse avec les loups de Kevin Costner, confirment la règle : après avoir connu son apogée au milieu du XXe siècle, le genre est délaissé. C’est le début des années 2000 qui marque le retour en grande pompe du western sur les écrans – et surtout 2007, particulièrement riche en productions : de L’assassinat de Jesse James… à Appaloosa d’Ed Harris, en passant par 3h10 to Yuma, le genre revient avec tous les éléments qui le constituent : les grands espaces, la conquête, le désir de justice, de vengeance, etc. Des productions soignées, une photo souvent brillante : le western est de retour. La même année, le New York Times consacre un cahier spécial au phénomène. Et l’on reprend goût aux paysages immenses et aux grands espaces, à l’heure où le quotidien américain ressemble plus souvent au confinement d’un bureau.
Un regain d’intérêt lié à la guerre
Mais le goût du spectacle n’est pas la seule raison à ce retour en grâce du western. En 2007, Patty Limerick, professeur d’histoire américaine, explique dans une interview au New York Times que « le regain d’intérêt pour le western est lié à la situation de guerre. La période de la guerre du Vietnam a vu passer les westerns les plus hardus ». Au même moment, les Etats-Unis sont enlisés dans le conflit irakien, depuis presque cinq ans. Si le western moderne et révisionniste revient dans le paysage cinématographique, c’est donc parce qu’il permet aussi une certaine critique de la société.
True Grit est le premier western dans la filmographie des frères Coen. Mais, de Fargo à No country for old men, on connaît le talent des deux frères pour filmer les grands espaces, et l’errance de personnages en marge de la société. Et la série des hommages n’est pas terminée : la série western The lone ranger de 1949, devrait être adaptée en 2010 par Gore Verbinski, réalisateur de Pirate des Caraïbes, avec notamment Johnny Depp. Le septième art n’en a pas encore fini avec le western.