La boutique est minuscule, une trentaine de mètres carrés dans une ruelle du 14e arrondissement de Paris menant directement à la gare Montparnasse, celle-là même qui relie la Bretagne à la capitale. A l’intérieur, des tartans du sol au plafond et des sonorités type écossais s’échappent de la porte grande ouverte sur la rue. La devanture affiche la couleur : La maison du kilt. Un petit bout d’Ecosse à Paris ?
Pas du tout. Si la boutique vend bien des kilts en mode "serious business", comprenez "pas uniquement pour les soirées déguisées", il s’agit de kilts bretons.
Le kilt, produit interceltique
On devance la question en embuscade dans votre tête : “les Bretons portent des kilts ?” Non mais oui. Ils s’y mettent depuis une vingtaine d’années, dixit Richard Duclos, le propriétaire de la boutique qui ambitionne, rien que ça, d’implanter durablement le vêtement dans les traditions de la région. Pourquoi ? Il a décidé de réparer ce qu’il considère comme une injustice : la Bretagne serait le seul pays celtiques à ne pas avoir le kilt dans ses moeurs. Or, “le kilt c’est IN-TER-CEL-TIQUE”, assure-t-il, en détachant chacune des syllabes.
Le hic : comment implanter localement un produit qui constitue la carte d’identité d’une nation ? En créant des motifs de tartans, le tissu du kilt, à l’image de la Bretagne et de ses divisions historiques.
Amoureux du kilt et Breton avant toute chose – l’homme se targue de ne pas être Français mais bien Breton – Richard Duclos a alors imaginé les motifs de ses kilts saveur BZH, passé ses commandes en Ecosse “parce que le savoir-faire est là-bas”, et ouvert sa boutique, rue du Maine. Une activité loin du secteur du bâtiment, dans lequel il oeuvrait, et oeuvre encore aujourd’hui.
Bilan, 13 ans plus tard ? Des kilts en veux-tu en voilà. Pour femmes, pour hommes. Et un produit phare : le kilt traditionnel dans sa version complète (chemise + veste + kilt + chaussette + accessoires). Richard Duclos assure en écouler une douzaine par mois. Comptez 1.500 euros l’ensemble.
Des kilts low-cost
Ca, c’est pour le produit haut-de-gamme. A côté, lassé de voir le marché du mec-qui-veut-s’acheter-un-kilt-pour-une-soirée-déguisée-mais-qui-peut-pas-lâcher-1500-balles, le gérant s’est mis à vendre depuis quelques années “le paki”, un kilt low-cost, fabriqué au Pakistan, d’où son nom. C’est 50 euros, c’est garanti “jusqu’au pas de la porte”, pas plus. “C’est de la daube, et je le dis à mes clients”, assure-t-il. Un marché qui fonctionne bien : en un an, il écoule 7 fois plus de “paki” que de kilts traditionnels.
Sa clientèle ? “Près de trois-quarts de Bretons qui veulent affirmer leur patriotisme”, détaille-t-il. Une part importante qu’il explique par l’effet diaspora : éloignés de leur région d’attachement, les gens cherchent à s’en reprocher par d’autres biais. “Si je m’installais à Lorient, je perdrais 60 % de mes clients”.
Le kilt pour mieux supporter la chaleur ?
En avril, on vous expliquait que le kilt dans sa version originale, c’était bon pour la spermatogénèse, dixit une étude hollandaise (dont on ne sait pas grand chose d’autre depuis). Les testicules, pas franchement fan de la chaleur, apprécient le frais et la liberté pour fonctionner à plein régime.
Plus généralement, avec les 30 degrés prévus toute la semaine, à Paris et sur le reste de la France, le kilt permettrait-il de mieux supporter la hausse du mercure ? Souvenez-vous, début juin, de ces conducteurs de bus suédois qui ont brièvement adopté la jupe en guise de protestation, alors qu’une vague de chaleur s’abattait sur le pays : pourquoi leurs collègues féminins pouvaient-elles porter des vêtements courts là où ils devaient supporter des pantalons longs ?
“Un kilt a beau être en laine, ça ne colle pas à la peau”, assure Richard Duclos. Ultime remède contre la chaleur, alors ? Oui et non. Le kilt est généralement porté avec de gros chaussettes en laine, “et ça, ça tient chaud”.
Les Français, ces relous
Si vous vous décidez cependant à franchir le pas, préparez-vous à affronter le pire ennemi du porteur de kilt : le regard des passants. Une attitude assimilée à du conservatisme par Richard Duclos, qu’il dénonce en filant la métaphore : “A Londres, tu te balades avec une plume dans le cul, personne te regarde. A Paris, tout le monde te dévisage. Avec un kilt, c’est pareil. Pourtant, porter un kilt à Londres, faut le faire. C’est quand même l’habit qui incarne par excellence leur ennemi de toujours [les Ecossais].”
Des regards généralement accompagnés de la question-qui-tue (et qui exaspère tout porteur de kilt) : “Eh, t’as quoi dessous ?” Le gérant de la boutique a alors un stock de réponses, adaptées à la façon dont est posée la question. Si c’est par curiosité, il répondra par un souriant “regarde bien, mes chaussettes”. Si c’est le gros lourd du coin, la réponse fuse, tout en poésie : “ma bite”, accompagné de la petite insulte qui va bien, ou le plus réfléchi, tout aussi tranchant “le rouge à lèvres de ta femme”. Vous êtes prévenus.