Francine Fishpaw (Divine), mère de famille alcoolique mais « bonne chrétienne » comme elle se définit elle-même, a bien du mal à maintenir l’harmonie dans son foyer. Son mari Elmer (David Samson) est directeur d’un drive-in porno, une activité qui attire des hordes de puritains très remontés venus réclamer la fermeture de son établissement devant le domicile conjugal.
Et comme si cela ne suffisait pas, cet époux volage passe plus de temps dans les bras de sa secrétaire qu’à aider Francine à canaliser leurs deux enfants qui en auraient bien besoin.
Leur fille Lu-Lu, totalement nymphomane, se retrouve enceinte d’un voyou et leur fils Dexter, fétichiste des pieds, ne peut s’empêcher d’écraser les orteils des femmes qu’il croise. Dans tout ce chaos, cette femme au bord de la crise de nerfs va tomber sous le charme de Todd Tomorrow (Tab Hunter), un play-boy sur le retour qui va bousculer le quotidien de cette famille de névrosés.
Des péripéties totalement loufoques à suivre le nez collé à la plaquette odorante fournie à l’occasion de cette ressortie en Odorama. Pour mieux sentir la folie qui s’en dégage.
Odora… quoi ?
Le réalisateur John Waters fut le premier à proposer le procédé révolutionnaire de l’Odorama au cinéma pour ce film sorti en 1981. Polyester s’ouvre d’ailleurs avec la leçon d’un scientifique à l’accent improbable qui explique, depuis son laboratoire, le fonctionnement de la plaque distribuée aux spectateurs. Le concept est relativement simple : lorsqu’un chiffre apparaît sur l’écran il suffit de gratter la pastille correspondante pour libérer l’effluve de l’objet ou de la matière visible à l’écran.
Si la première des dix odeurs proposées est le charmant parfum d’une rose, les suivantes ne sont pas forcément aussi agréables comme on peut s’y attendre de la part d’un cinéaste spécialiste du mauvais goût. Au-delà de l’expérience consistant à exciter un sens supplémentaire, un second jeu intervient, oser ou non gratter la pastille odorante, alors que le chiffre apparaît à l’écran avant la « chose » à renifler.
Utilisé en France par Les Nuls pour une série de sketchs sur Canal +, le principe de l’Odorama n’a connu que quelques utilisations très marginales au cinéma, la ressortie de cette comédie culte est donc une bonne occasion de vivre une expérience cinématographique rare.
Divine superstar
En abordant frontalement et de façon totalement décalée des thèmes aussi sensibles que la drogue, l’infidélité, la criminalité ou encore l’avortement, Polyester est une charge irrésistible contre l’Amérique puritaine. Comble de la provocation, le cinéaste a fait appel à la drag queen Divine pour incarner la personne la plus pieuse et « normale » de cette famille, si on lui pardonne son alcoolisme.
Pilier incontournable des films de John Waters de la fin des années 60 jusqu’à son décès à la fin des années 80, le travesti Divine – né Glen Milstead – est l’attrait indéniable de cette comédie déjantée. Les interprétations un peu trop survoltées d’autres comédiens, la fille Lu-Lu notamment, sont moins convaincantes.
Mais on se laisse volontiers mener – par le bout du nez – dans ce grand délire parsemé de scènes jouissives devenues cultes. Une preuve, parmi d’autres, que cette farce irrévérencieuse a réussi à s’immiscer dans la culture populaire, on retrouve près de 20 ans après la sortie du film le dialogue entre Francine et le principal de son fils psychopathe en introduction du titre Frontier Psychiatrist du groupe australien The Avalanches.
Sur Tumblr les nombreux gifs issus du film confirment également cette impression, la comédie loufoque de John Waters, avec ou sans odeur, est un objet pop qui est là pour durer.
Pour vivre l’expérience Polyester en Odoroma direction le Studio Galande dans le 5éme arrondissement parisien qui le projettera en exclusivité les samedis soirs à partir du 28 février. À vos pastilles ! Prêts ? Grattez, respirez…
> Polyester, réalisé par John Waters, États-Unis, 1981 (1h26)