« Psiconautas », l’anti-conte défait

« Psiconautas », l’anti-conte défait

« Psiconautas », l’anti-conte défait

« Psiconautas », l’anti-conte défait

Au cinéma le

Sur une île ravagée par un désastre industriel, deux adolescents, Birdboy et Dinky, cherchent à s'évader vers un monde meilleur. Ne vous fiez pas à ses couleurs pastel et ses personnages mignons, Psiconautas est une sombre fable pour ados et adultes sur un monde en perdition. Un univers apocalyptique désespéré mais étrangement fascinant.

Frappée de plein fouet par un accident industriel ayant entraîné une catastrophe écologique de grande ampleur, l’île où vivent Birdboy et Dinky est devenue invivable. Les deux adolescents ont décidé de fuir leur entourage et leur quotidien avec l’espoir d’un monde meilleur, loin de ces rivages inondés de déchets et de cette société corrompue où les enfants ne vont même plus à l’école. Rejeté de tous, le mélancolique Birdboy s’est coupé du monde pour mieux affronter ses démons intérieurs tandis que la téméraire Dinky prépare un périlleux périple pour quitter l’île, avec l’espoir secret que Birdboy l’accompagne.

Psiconautas © Abrakan Estudio - Basque Films - Competencia Producciones - LaZircoZine

La jolie forme et le fond perdu

L’univers d’Alberto Vàzquez, auteur de la bande dessinée Psychonautes, avait déjà eu droit à une adaptation animée avec Birdboy (2011), un court métrage dédié à cet anti-héros étrange, jeune garçon asocial atteint d’une mystérieuse maladie. Fort de cette première incursion au cinéma récompensée par le Goya du meilleur film court d’animation, Alberto Vàzquez s’associe de nouveau au cinéaste Pedro Rivero pour un long métrage qui développe la trame de la bande dessinée originale avec un soin apporté au passé des divers personnages enfantins qui peuplent cet univers si particulier. Avec ses animaux anthropomorphes adorables et son esthétique aux tons pastel volontairement simpliste, Psiconautas pourrait ressembler à un dessin animé pour enfants conventionnel mais, dès les premières minutes, l’ambiance lourde qui pèse sur les personnages dissipe le malentendu. Anti-conte assumé, cette fable moderne désespérée n’épargne pas ses protagonistes et s’adresse à un public adolescent et adulte. Personnage sombre et mutique, avec son aspect gothique Birdboy aurait pu sortir de l’esprit de Tim Burton alors que ses camarades sont — du moins en apparence — d’adorables petites créatures. Malheureusement pour eux, mignon ou non, personne n’est épargné sur cette île infernale.

Très maîtrisé, Psiconautas fascine par son style graphique et sa cohérence globale, malgré ses histoires parallèles et la succession de flashbacks qui expliquent d’où viennent les personnages et quelle était leur vie avant la catastrophe. Centré sur l’île qui s’impose comme un personnage à part entière, le récit ne se perd jamais dans ses digressions pourtant nombreuses. Pour ceux qui ont été séduit par la bande dessinée, le long métrage offre un réel développement de l’univers inventé par Alberto Vàzquez. Radicalement sombre et désenchanté, le propos tranche avec le design des personnages très enfantin, comme une malédiction à laquelle personne ne peut échapper.

Psiconautas © Abrakan Estudio - Basque Films - Competencia Producciones - LaZircoZine

Saisissante apocalypse

Le purgatoire écologique et social décrit par le film est d’autant plus saisissant qu’il concerne de jeunes adolescents. Birdboy, Dinky et les autres ados sont tous abandonnés à leur sort sur une île où tout semble perdu. Métaphore de notre société moderne, l’île isolée de Psiconautas est un lieu maudit où l’espoir a été anéanti par la catastrophe écologique. Si les montagnes de détritus qui encombrent les rivages de l’île peuvent faire penser à Wall-E (2008) où le robot traite les déchets laissés par une humanité inconsciente, cette fable désespérée évoque de nombreux autres sujets que la faillite écologique, tout aussi sombres. Livrés à eux-même, les enfants de l’île sont exposés à la drogue et à une violence que le film ne cherche pas à minimiser. Très graphique, la mort rôde sur le film comme une épée de Damoclès prête à s’abattre sur chacun d’entre eux.

C’est ce monde sans perspective, de répression sociale où les enfants font du trafic de drogue et les adultes sont accros aux antidépresseurs que Dinky cherche à fuir, en espérant entraîner Birdboy avec elle. Film sur la marginalité qui serait devenue la norme, Psiconautas explose avec une liberté étonnante le canevas du conte traditionnel pour mieux montrer la spirale infernale d’un monde renfermé sur lui-même, sans aucun espoir. Cette vision de notre société — et des métamorphoses tourmentées de l’adolescence — à la fois poétique et implacable est soutenue par une musique envoûtante qui achève de saisir le spectateur pour ne plus le lâcher avant le générique de fin. Couronné du Goya du meilleur film d’animation, Psiconautas s’impose comme une œuvre très originale qui réussi à merveille sa mue sur grand écran, en proposant une expérience aussi séduisante que terrifiante.

Miroir de notre société moderne où la nature est détruite et les hommes en perdition, Pisconautas est un anti-conte à l’esthétique impeccable et au réalisme plutôt pessimiste. Dans cette terrible fable pour ado et adultes tout espoir n’est pas interdit mais se paie très cher.

> Psiconautas (Psiconautas, los niños olvidados), réalisé par Pedro Rivero et Alberto Vázquez, Espagne, 2015 (1h15)

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