Reykjavik est sortie avec panache de sa torpeur hivernale. À l’heure où les stalactites tombent comme des fleurs profanes, le soleil redevient maître en la demeure et prépare l’orgie de lumière de l’été à venir. En parallèle, le DesignMarch et le septième fanfest d’Eve Online.
Tout au long du mois de mars, les étudiants et les designers confirmés se sont évertués à promouvoir le design islandais en réinventant des formes et des espaces, allant du mobilier à la joaillerie, de la céramique au prêt-à-porter (des écharpes en laine islandaise, notamment, découpées sur des patrons de mains, ou de ce que j’imagine être des phoques). Des lieux étonnants abritent les fulgurances. Ainsi, la galerie Spark/Design Space qui tous les deux mois environ, change totalement de look selon les goûts des artistes designers graphistes poètes qui pour un temps investissent les lieux. En ce moment, l’installation Smash and Grab, où des miroirs brisés, un lit surdimensionné, des pulls islandais côtoient une exposition temporaire aux couleurs de test de Rorschach. À noter également la création de confiseries au skyr, ce dessert islandais entre yaourt et crème fraîche. Un goût étonnant !
C’est tout Reykjavik qui se prend au jeu. Les petites boutiques servent du thé et exposent des dessins d’enfants, les joailliers s’associent aux hôpitaux et versent une partie de leur bénéfice au profit de la recherche contre le cancer. Autre initiative en ce sens : le « mottumars », entendez « mars moustachu », durant lequel les Islandais mâles étaient invités à se laisser pousser la moustache contre le cancer de la prostate. Une fois les photos mises en ligne sur le site, les participants attendent que les internautes reversent leur argent à la moustache qu’ils préfèrent. À ce jour, plus de 22 millions de couronnes ont été enregistrées, soit plus de 135 000 euros. Pas mal pour quelques poils en plus.
Au même moment, cependant, les hordes des nerds débarquaient à Reykjavik. Venus de tous les coins du monde se réunir pendant trois jours sous les auspices d’Eve Online. Outre le côté très exclusif des parties entre nerd – après deux bières, ça va bien mieux – le plus étonnant a sûrement été de les voir évoluer parmi les divas d’un soir, les designers hipsters, les fashionistas en goguette et les locaux, amusés et parfois circonspects devant tant de couleurs différentes.
Faune bigarrée, bandes fluo et lumière noire
Vendredi soir, un défilé Andersen and Lauth au Musée d’Art de Reykjavik : le gris prime, les motifs islandais s’ornent de têtes de morts ou de moutons dorés, les stylistes se jouent du temps et réimpriment la lande islandaise sur le corps des jeunes filles. Pour l’occasion, un trio planant, du linge suspendu sur la scène, des feuilles mortes, des clichés d’océan et des mannequins débutants qui s’éclatent sur scène. Puis nous assistons à la projection du film fucked-up et jouissif du créateur islandais Mundi Vondi, Rabbit Hole en avant-première de la Fashion Week, qui se tiendra du 31 mars au 3 avril à Reykjavik.
Le lendemain soir, apogée du DesignMarch et surtout du fanfest, le concert de Booka Shade, précédés par FM Belfast. Là encore, une faune exceptionnellement bigarrée, bandes fluo, lumière noire, geeks, LGBT, steampunk, tous en transe, « dancing their asses off » aux beats effrénés des Djs invités. Malgré la renommé de Booka Shade, c’est FM Belfast qui emporte tous les suffrages. Ils jouent avec leur public (plus de 3000 personnes), transpirent, se déshabillent, vocifèrent, rien, et c’est tout simplement magique. Booka Shade peut aller se rhabiller.
Étrange du reste : en faisant la queue, un peu plus tard dans la soirée, devant Bakkus, un bar ‘in’ depuis près d’un an, mes amis et moi croisons le chanteur de FM Belfast et son batteur (dont c’était l’anniversaire). Bakkus passait du FM Belfast à l’intérieur, tous les participants du fanfest (ceux-là même qui avaient applaudi à FM Belfast) munis du pass trois jours avaient droit d’entrer avant tout le monde, et le chanteur, lui… faisait la queue. Pendant près d’une heure… Moomin Vallée, bonjour !
La bonne humeur, la fête et les sourires sont revenus à Reykjavik. Les occasions de célébrer ne manqueront pas. La Fashion week en fin de semaine, un festival de rock dans moins d’un mois, les fêtes du début de l’été. Reykjavik vibre. It’s on !