Sa médina, un véritable labyrinthe, est formée par un dédale de ruelles, appelées derbs, qui ne sont pas plus larges qu’un tonneau. Encadrées de murs de plus de 6 mètres de haut, on s’y sentirait tout petit, voire piégé, si ces murs n’étaient pas parsemés ici et là par de minuscules portes en bois. Gardiennes de trésors cachés ? En effet, derrière ces portes se trouvent les splendeurs de Marrakech, les maisons patios.
L’art de voir sans être vu
Depuis l’extérieur, rien ne laisse présumer la présence de telles demeures. Centrée sur la famille au sens large, des grands-parents aux petits-enfants, cette maison protège leur intimité. Généralement à deux étages, elle s’organise sur elle-même ou plutôt autour de son patio central, véritable poumon de la maison. Le plus souvent plantée et avec une fontaine, une ventilation naturelle s’opère au sein du patio. Ainsi, loin de la chaleur écrasante de l’extérieur, il conserve la fraicheur et apporte douceur de vivre à ses habitants. Les circulations se font par et autour du patio avec au rez-de-chaussée, la cuisine, les salons; à l’étage les chambres et enfin la toiture terrasse, véritable solarium et surtout idéal sèche-linge naturel !
Pour autant, la maison patio ne laisse pas en reste les invités qui, dans ce pays, sont reçus comme des rois. Mais pas question dans pénétrer l’intimité de la famille, ils auront alors accès à leurs espaces privatifs, appelés « douiria », via un accès réservés. Tout comme les salons, où les femmes généralement séparées des hommes pourront apprécier la saveur d’un thé à la menthe accompagné des délicieuses pâtisseries orientales.
Un savoir-faire ancestral
Aussi sobre à l’extérieur que somptueux à l’intérieur, là encore le Riad n’offre ses richesses qu’à ceux qui y sont invités, loin du m’as-tu-vu des maisons contemporaines marocaines, il regorge pourtant de tous les savoir-faire artisanaux marocain, transmis de générations en générations. Vous pourrez ainsi admirer l’irrégularité des «zelliges». Cette mosaïque forme des dessins souvent complexes pour orner sols et piliers de la maison. Les artisans l’assemblent à l’envers, et connaissent par cœur, chaque forme et chaque couleur. Si vous levez la tête, apparaitront alors les plafonds en « geb » sculpté (le plâtre). Les murs réalisés en « tadelakt » traditionnel poncé au galet, sont généralement pigmentés de couleurs chaudes et permettent également d’assurer l’étanchéité des murs.
Rien n’est laissé au hasard ! Cet amour du matériau et du détail se ressent jusque dans les fenêtres moucharabieh qui permettent non seulement aux femmes d’observer la vie de la maison sans pour autant être vues mais servent également d’ingénieux systèmes de ventilation. Une décoration tout en finesse donc, pour offrir à ses occupants un véritable cocon.
L’exode de la Médina
Un bémol est à noter cependant. En effet, malgré la richesse de ce patrimoine, un nombre croissant de Riads est laissé en ruine par leurs propriétaires ou vendu une bouchée de pain à des acquéreurs, le plus souvent des Européens. Avides de chaleur et d’exotisme, ces nouveaux habitants n’hésitent pas investir et réhabiliter au mieux ces habitats traditionnels. Un mal pour un bien pourrions-nous dire! En effet, la préservation patrimoniale ne semble concerner que très peu de Marrakchis. Un tel phénomène, qui ne cesse de se développe, pourrait faire réfléchir le gouvernement marocain. Non seulement la médina serait actuellement plus européenne que marocaine mais le cœur de la ville se mue en attraction touristique!
La majorité des Riads rénovés deviennent des chambres d’hôtes. Petit à petit la médina risque de s’isoler et ne plus faire partie de la vie commerciale de la ville. On voit par ailleurs fleurir un peu partout autour de la ville des immeubles bardés de climatisations ainsi que des villas dernier cri construites sur le modèle de nos bâtiments européens. Plusieurs questions se posent alors. Ce nouveau bâti respecte t’il le mode de vie des marocains? Est-il adéquat à son environnement ? Le savoir faire artisanal, véritable trésor national, ne risque t’il pas de mourir à petit feu ?