« Sing street », frères de sons

« Sing street », frères de sons

« Sing street », frères de sons

« Sing street », frères de sons

Au cinéma le 26 octobre 2016

Propulsé dans une nouvelle école hostile, Conor décide de monter un groupe sur un coup de tête pour impressionner Raphina, apprentie mannequin aussi attirante que mystérieuse. Avec sa bande son imparable et son exploration fine de l'adolescence, Sing Street s'impose comme un feel good movie totalement irrésistible.

Dublin, dans les années 80. Au bord du divorce et confrontés à des ennuis d’ordre financier, les parents de Conor (Ferdia Walsh-Peelo) décident de l’envoyer dans une école publique. Le lycéen y découvre des règles bien différentes de l’école privée qu’il fréquentait, au milieu d’élèves turbulents qui le malmènent et de professeurs autoritaires.

Alors qu’il tente de s’habituer à ce nouvel environnement hostile, Conor trouve une perle, assise sur les marches en face de son école. Avec une dose de courage qui frise l’inconscience, il décide d’aller l’aborder. La jeune fille à la beauté troublante s’appelle Raphina (Lucy Boynton) et espère un avenir dans le mannequinat.

Conor saute sur l’occasion et lui propose de tourner dans le clip que son groupe doit prochainement enregistrer. Persuasif, le jeune homme repart avec l’accord de la belle Raphina. Seul problème, Conor n’a pas de groupe et ne connait absolument rien au monde de la musique.

Bien décidé à faire de son mensonge une réalité, il prend conseil auprès de son frère aîné et s’entoure de camarades d’école pour former Sing Street, le groupe qui lui permettra — il l’espère — de conquérir le cœur de sa ravissante muse.

Sing street © Cosmo Films

La musique est un risque

La musique s’impose clairement comme un fil conducteur dans la filmographie de John Carney. Le réalisateur de la charmante romance réaliste Once (2007) et du moins convaincant New York Melody (2013) propose à nouveau un film rythmé par les décibels, cette fois-ci entremêlés aux mutations de l’adolescence. Lorsqu’il décide de monter son propre groupe, Conor est conseillé par son frère aîné Brendan (Jack Reynor) qui lui ouvre les portes de sa discothèque pour parfaire son éducation musicale.

Mais, au-delà de ces influences, Brendan lui offre un conseil précieux : le rock’n’roll est un risque. Si Conor veut monter un groupe il devra composer lui-même ses chansons et ne pas se contenter de faire des reprises comme la quasi totalité des groupes d’adolescents.

Sing street © Cosmo Films

Cette injonction fraternelle qui prône le risque résonne avec l’intention du réalisateur. Alors qu’il est aurait été facile de surfer sur une bande son qui reprend uniquement les plus grands tubes des années 80, John Carney a décidé de doter Sing Street de son propre répertoire inédit. Et quelle bande son ! Composées par le réalisateur lui-même, les chansons du groupe sont excellentes et un des atouts indéniable du film.

Avec un fort potentiel tubesque, elles restent pour autant crédibles comme compositions d’adolescents et côtoient sans fausse note les morceaux de The Cure, Duran Duran ou encore Motörhead présents dans la bande originale. Mais au-delà de son aspect purement musical très réussi, le film touche également grâce à une réjouissante exploration de l’adolescence et de ses embûches.

Sing street © Cosmo Films

Creuser son sillon

Il serait dommage de réduire Sing Street à sa bande son, aussi excellente soit-elle. Feel good movie évident, le nouvel opus du réalisateur irlandais est plus profond qu’il n’y paraît de prime abord. Sur fond de famille en décomposition — les parents de Conor se sont mariés trop jeunes — et de problèmes d’argent, le cœur du film et l’existence même du groupe provient du coup de foudre du lycéen pour la mystérieuse et envoûtante Raphina.

Monter un groupe pour conquérir une fille, une idée de départ géniale ! Mais le pari est risqué pour le jeune Conor qui se découvre parolier et chanteur, son art révélé par ses sentiments pour Raphina et nourri de ses frustrations d’adolescent.

Sing street © Cosmo Films

La jeune fille dépasse quant à elle rapidement le statut de simple muse pour prendre part à l’aventure du groupe. À la fois maquilleuse et directrice artistique, elle se hisse à égalité avec Conor dans une relation de complicité créatrice qui rend leur relation d’autant plus forte et touchante.

Mais John Carney l’a prouvé dans ses films précédents, il a du mal à croire aux contes de fées et dans son univers cinématographique l’amour a la fâcheuse tendance d’être réaliste et meurtrit ceux qui s’y frottent. Le lycéen devra batailler pour convaincre sa muse plus âgée que lui et qui sort déjà avec un autre homme. S’ils étaient nés à l’aube des années 2000, l’indécise formule « it’s complicated » pourrait sans aucun doute figurer sur les murs Facebook de nos deux tourtereaux.

Sing street © Cosmo Films

Cette période trouble de l’adolescence qui charrie son lot d’évolutions constantes est décrite dans Sing Street avec une grande finesse et beaucoup de malice. On suit avec bonheur les évolutions musicales du groupe, qui coïncident avec celles de leurs tenues vestimentaires. La formation change de style dès qu’elle est influencée par un nouveau groupe : on retrouve ainsi Conor et ses musiciens aussi bien en style gothique, rock que new wave.

Ces changements de direction constants sont une jolie métaphore de l’adolescence où le jeune être en mutation absorbe, telle une éponge, les émotions qui passent à sa portée pour mieux se les approprier dans un joyeux chaos.

Sing street © Cosmo Films

La rébellion propre à l’adolescence est également là, contre cette famille qui se déchire et cette école qui l’étouffe. Il la transforme évidemment en pure énergie musicale. L’importance de la relation entre Conor est son frère dans cette folle aventure musicale n’est pas oubliée par le cinéaste qui nous rappelle — au détour d’un scène particulièrement émouvante — qu’un individu ne se forme jamais seul au sein d’une fratrie.

Sublimé par une bande son parfaite, Sing Street est une réussite électrisante, aussi réjouissante que touchante. Le nouveau film de John Carney donne envie — dans le désordre — de revivre son adolescence, de (re)tomber amoureux, de jouer de la musique (ou par défaut d’en écouter) très fort et de vivre, intensément. Car, après tout, la vie — la vraie — est à l’image du rock’n’roll : c’est un risque !

Sing Street, réalisé par John Carney, Irlande – Royaume Uni – États-Unis, 2016 (1h46)

Affiche du film "Sing Street"

Sing Street

Date de sortie
26 octobre 2016
Durée
1h46
Réalisé par
John Carney
Avec
Ferdia Walsh-Peelo, Lucy Boynton, Jack Reynor
Pays
Irlande - Royaume Uni - États-Unis