“Sisters”, dernière fête pour la déroute

“Sisters”, dernière fête pour la déroute

“Sisters”, dernière fête pour la déroute

“Sisters”, dernière fête pour la déroute

Au cinéma le

Kate et Maura Ellis, deux sœurs aux caractères diamétralement opposés, débarquent en urgence en Floride lorsqu’elles apprennent que leurs parents veulent vendre la maison familiale. En souvenir du bon vieux temps, elles y organisent une dernière fiesta mais la situation va évidemment déraper. Comédie prévisible, Sisters est tout juste sauvée par l’énergie de ses actrices, et une pincée de fond, bien caché derrière les blagues grivoises omniprésentes.

Quand les parents de Kate (Tina Fey) et Maura (Amy Poehler) Ellis annoncent à leurs filles qu’ils ont mis en vente la maison familiale, les deux sœurs se précipitent à Orlando en espérant les faire changer d’avis. Malheureusement, la vente est déjà signée et il ne reste plus que quelques jours avant qu’un jeune couple viennent s’installer dans la maison qui les a vues grandir. Alors qu’elles débarrassent leurs chambres de tous leurs souvenirs d’adolescentes, Kate convainc sa sœur cadette Maura de d’organiser une soirée épique, comme au bon vieux temps, réunissant tous leurs anciens amis et camarades de lycée dans cette maison qu’elles ne reverront plus. Mais cette dernière fête réunissant des adultes qui ont bien besoin de se défouler échappe peu à peu au contrôle des deux soeurs et le chaos s’installe en la demeure.

Sisters © 2015 - Universal Pictures

Deux soeurs, deux ambiances

Sept ans après Baby Mama (2008), Tina Fey et Amy Poehler, humoristes de la mythique émission américaine Saturday Night Live, se retrouvent de nouveau au cinéma, cette fois-ci devant la caméra de Jason Moore, réalisateur de Pitch Perfect (2012). La  complicité entre les deux femmes vient renforcer la crédibilité de cette fratrie pourtant dépareillée et s’impose comme un véritable atout pour cette comédie par ailleurs prévisible. Bien qu’elle soit l’ainée et mère d’une adolescente, Kate est du genre dilletante et a du mal à gérer sa vie. Maura, de son côté, a eu une vie plus… cadrée, pour ne pas dire stricte, et avait pour habitude d’endosser le rôle de chaperon pour sa grande sœur en toute occasion. Mais il n’est jamais trop tard pour changer et, sur les conseils de Kate — qui lui promet de ne pas boire pour gérer la fête qui s’annonce —, Maura décide de profiter pleinement de cette dernière soirée dans la maison familiale. Sa mission : oublier que sa vie sentimentalo-sexuelle est au point mort depuis deux ans — date de son divorce — et oser prendre son pied, dans tous les sens du terme.

Pour les deux sœurs, cette dernière fiesta est l’occasion d’oublier tous leurs soucis. Maura part en quête d’une insouciance qu’elle ne s’est jamais autorisée tandis que Kate souhaite profiter de ce retour en arrière pour oublier qu’elle est dans une position délicate : sans travail et avec une ado à charge. Bien que très différentes dans leur comportement, les deux soeurs partagent un souvenir nostalgique — et certainement un peu idéalisé — de ce cocon familial. Ce lieu symbolique de leur jeunesse sur le point de leur échapper les pousse à le ressuciter pour une nuit. Et le fait que le défi soit perdu d’avance rend leur tentative plutôt touchante.

Sisters

Projet X pour adultes désabusés

Kate et Maura ne sont pas les seules à vouloir se replonger dans cette période faste des fêtes sans limite. Sisters est, à ce titre, le pendant “adulte” de Projet X (2012), film devenu la référence des “films de fête” — un phénomène qui s’est invité par la suite à plusieurs reprises dans la rubrique faits divers. Si les adolescents de Projet X ont l’excuse de n’avoir ni enfants ni responsabilités pour tester leurs limites, au contraire, dans Sisters, ce sont les soucis et l’absence de leur progéniture qui sont pour Kate, Maura et leurs anciens camarades de classe une bonne raison de se vautrer dans tous les excès. Cette idée d’une fête dantesque où des adultes exorcisent leur vie trop sage est plutôt attrayante et et peut susciter l’empathie chez les spectateurs qui ne sont pas étrangers à cette envie de fuir parfois la réalité du quotidien. Malheureusement le traitement qui en est fait reste assez superficiel et focalisé sur les névroses de Kate et Maura.

Sur ce thème de la fête qui dérape — déjà plus très frais au cinéma, l’excellent The Party datant déjà de 1968 —, Sisters ne brille pas par son originalité. On retrouve pêle-mêle dans le film les éléments que l’on s’attend à voir dans un film qui se plie à l’exercice : une maison qui souffre des excès de fêtards très alcoolisés et/ou drogués. La comédie lorgne sans complexe vers une vulgarité souvent gratuite, comme lorsque l’un des invités se retrouve avec un objet malencontreusement coincé dans son anus… Bref, tout ça ne vole pas très haut.

Alourdie par des blagues régulièrement situées au-dessous de la ceinture, la comédie surnage laborieusement grâce à l’énergie de ses deux protagonistes principales et de rares moments, plus subtils, dans lesquels Kate et Maura se rendent compte que leur fuite en avant n’a que peu de sens. Quand elle s’éloigne de la vulgarité facile pour aller vers un humour teinté d’absurde, la comédie réussit parfois à faire véritablement rire. Maura qui peine à prononcer le nom de Hae-Won (Greta Lee), jeune manucure coréenne, est l’une de ces rares scènes délicieusement stupides qui a le mérite d’échapper à une lourdeur peu inspirée. La fête des sœurs Ellis souffre également d’une perte de rythme sur la fin : deux heures c’est un peu long, surtout quand on sait comment tout cela va se terminer.

Comédie sans surprise, Sisters est sauvé, de peu, par l’énergie — du désespoir — de ses deux actrices principales et une réflexion, bien cachée entre deux blagues graveleuses, sur le fait de prendre ses responsabilités. Cette fiesta, malgré ses efforts, ne restera certainement pas dans les annales.

Sisters, réalisé par Jason Moore, Etats-Unis, 2015 (1h58)

Date de sortie
Durée
Réalisé par
Avec
Pays