Sangaïlé (Julija Steponaïtyté), jeune fille de 17 ans mal dans sa peau, passe ses vacances d’été avec ses parents dans leur villa au bord d’un lac de Lituanie. Fascinée par les avions, l’adolescente se rend comme chaque année au spectacle aérien. C’est là qu’elle rencontre Austé (Aïsté Dirziuté), une fille de son âge qui attise sa curiosité. Au fil de l’été, la timide Sangaïlé et l’extravertie Austé vont apprendre à se découvrir. Alors que leur amitié se teinte progressivement de sensualité, Sangaïlé sort peu à peu de son isolement.
Vertige de la chair
Élevée dans le milieu bourgeois de Vilnuis, Sangaïlé ne manque de rien et pourtant les scarifications qui ornent ses avant-bras en disent beaucoup sur le mal-être de cette adolescente solitaire et taciturne. Cette mélancolie latente – sujet béni pour tout mélodrame qui souhaiterait entraîner le spectateur dans le pathos – est ici évoquée avec beaucoup de délicatesse et de retenue, donnant ainsi au film un ton aérien et subtil. L’attraction de Sangaïlé pour l’expansive Austé est également traitée avec une simplicité déconcertante, rejetant hors du cadre de leur relation toute question sur l’orientation sexuelle.
Le récit ne s’appesantit pas sur la signification que pourrait avoir leurs échanges charnels pour ne pas s’éloigner du thème principal du film, l’envol – dans tous les sens du terme – de la jeune femme. Au-delà du rapport sensuel entre les deux jeunes femmes, il est ici question de délivrance, de chrysalide à ouvrir pour déployer ses ailes dans l’air brûlant de l’été. C’est cette force d’oser aller de l’avant que procure Austé à la craintive Sangaïlé, rêvant d’avions mais ironiquement clouée au sol par un vertige implacable.
Atmosphère hypnotique
Le charme envoûtant du film tient en grand partie à la grâce de sa réalisation, légère et délicate. La cinéaste lituanienne Alanté Kavaïté crée une atmosphère unique qui donne l’impression de flotter, comme dans un rêve. Summer possède un rythme organique et hypnotique qui berce doucement et s’avère aussi efficace dans les scènes symbolisant le vertige de Sangaïlé que lors des étreintes très sensuelles des deux femmes.
L’univers sonore du film et la bande originale electronica composée par Jean-Benoît Dunckel (moitié du duo Air) accompagne à merveille cette sensation de légèreté permanente. La beauté magnétique de Julija Steponaïtyté qui interprète Sangaïlé vient renforcer quant à elle l’aspect envoûtant de ce joli film.
Avec sa réalisation totalement maitrisée au service d’un scénario épuré, Alanté Kavaïté propose un voyage initiatique à la frontière de l’âge adulte qui brille par sa subtilité. Summer est une œuvre délicate et résolument charnelle qui fait appel aux sens pour mieux libérer l’esprit. Lumineux.
> Summer (Sangaïlé), réalisé par Alanté Kavaïté, Lituanie – France – Pays-Bas, 2015 (1h30)