« Le tournoi », l’échec se mate

« Le tournoi », l’échec se mate

« Le tournoi », l’échec se mate

« Le tournoi », l’échec se mate

Au cinéma le

Carl Fournier, jeune champion de France d’échecs, est le grand favori du tournoi international de Budapest mais il se retrouve confronté à un adversaire aussi redoutable qu’inattendu. D’une précision remarquable sur les phases de jeu, ce cauchemar éveillé est malheureusement plus flou sur la psychologie de ses protagonistes.

Lorsqu’il se retrouve dans un grand hôtel à Budapest pour sept jours d’une compétition internationale d’échecs, Cal Fournier (Michelangelo Passaniti), champion de France de 22 ans, pense avoir la victoire au bout de ses doigts. Entre deux parties où il écrase ses adversaires avec sa technique de jeu implacable, le jeune homme passe son temps à tenir des paris avec sa petite amie Lou (Lou de Laâge) et ses acolytes Aurélien, Anthony et Mathieu, tous joueurs de haut niveau inscrits au tournoi. Mais Cal, prodige renfermé sur lui-même et déconnecté de son entourage, perd son assurance lorsqu’il découvre Max (Adam Corbier), un jeune hongrois de 9 ans fascinant qui remporte toutes ses parties. Le petit génie pourrait bien anéantir ses espoirs de victoire et le faire chuter de son confortable piédestal, une perspective qui plonge Cal dans une remise en question brutale.

Le tournoi

Tournoi en rond

Pour rendre son film le plus réaliste possible, la réalisatrice Élodie Namer – ancienne journaliste ayant fait ses armes à la télé et notamment dans les coulisses de la télé réalité – n’a pas fait les choses à moitié. Tombée amoureuse de l’univers des joueurs d’échecs professionnels en 2011, elle décide d’apprendre les rudiments de ce sport pendant 6 mois et se lance dans la compétition en écumant les tournois avec les jeunes Grands Maîtres Internationaux pendant plus d’un an. Enrichie de cette expérience, elle écrit alors le scenario de son film en tenant compte des codes particuliers du milieu. Pour s’assurer que les moindres détails sont fidèles à la réalité, les acteurs ont tous été formés et leurs parties répétées au geste près. Comble du détail, les 212 figurants hongrois du tournoi sont tous de vrais joueurs de compétition tout comme Fabien Libiszewski qui interprète – sans aucune expérience de jeu – d’une façon plus que convaincante le rôle d’Aurélien, l’un des amis de Cal. Cette minutie paie et l’on rentre très facilement dans cet univers très particulier de la compétition d’échecs, d’autant plus que les parties sont filmées de façon originale, en insistant plus sur les réactions des joueurs et leur entourage que sur les déplacements de pions sur l’échiquier qui peuvent facilement décontenancer le spectateur non initié.

La réalisatrice arrive également à créer une ambiance assez anxiogène en jouant sur les couleurs, une bande son omniprésente et la construction des plans. Lieu clos, l’hôtel devient de plus en plus étouffant pour Cal qui sent la situation lui échapper peu à peu. L’image récurrente d’un cercle dont on ne peut s’extraire appuie la métaphore de ce surdoué enfermé dans son propre esprit. Le lieu oppresse le joueur tenu en échec, au point de lui donner des visions dignes d’une fusion angoissante entre les couloirs déserts de Shining (1980) et les apparitions bestiales surnaturelles de Donnie Darko (2001). Si ces effets, appuyés par une bande son soignée, créent une atmosphère efficace il manque cependant un peu de profondeur aux états d’âme du jeune champion qui reste, jusqu’au bout, très hermétique.

Le tournoi

Le roi devient fou

Si la partie de ce Tournoi, pleine de suspens et de tension, est plutôt bien menée l’évolution de ses deux personnages principaux peut laisser un peu perplexe. La relation entre Cal et Lou est intéressante car elle reflète bien l’état d’esprit de ces jeunes qui envisagent l’existence comme un jeu permanent. Jamais Cal et Lou ne s’avouent leurs sentiments, tout est de l’ordre du pari, du défi, ainsi la jeune femme propose à son amant d’officialiser leur relation uniquement s’il gagne le tournoi et leurs performances sexuelles respectives sont objets de paris. Une relation basée sur le jeu qui devient malsaine et d’autant plus troublante pour Cal qui commence à sérieusement douter de lui, défié par un jeune garçon. Cet amour est d’autant plus instable que Lou, porteuse d’un discours féministe, reproche à Cal sa vision plutôt machiste des échecs. Mais de façon très énigmatique les actions de la jeune femme vont finalement contredire sa position très « girl power », une trahison de ses convictions qui surprend dans la psychologie du personnage.

Cal est également difficile à cerner, ce personnage très froid ne s’exprime que rarement en dehors du jeu, que ce soit des paris ou des parties sur l’échiquier. Confronté au petit génie de 9 ans, le jeune homme évolue mais ses pensées restent tellement secrètes qu’il faut alors imaginer, se projeter en lui pour tenter de percer le mystère, sans aucune indication que la piste suivie soit la bonne. Sur ce point le film, comme Cal, monte en pression mais semble hésiter à véritablement exploser et à tout déballer. Arrivée à son zénith, la tension retombe doucement en laissant derrière elle de maigres indices sur ce que le jeune homme a bien pu apprendre de ce parcours initiatique.

Construit comme un labyrinthe mental cauchemardesque, Le tournoi brille plus par sa précision dans le rendu des parties d’échecs et son ambiance prenante que par l’exploration des conflits de ses personnages. La partie se suit sans déplaisir mais sa conclusion est un peu frustrante.

Le tournoi, réalisé par Élodie Namer, France, 2015 (1h23)

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