« Toxic », l’amitié comme modèle

« Toxic », l’amitié comme modèle

« Toxic », l’amitié comme modèle

« Toxic », l’amitié comme modèle

Au cinéma le 16 avril 2025

Marija et Kristina, 13 ans, décident de rejoindre ensemble une école de mannequinat pour échapper à un quotidien sinistre. Une expérience éprouvante pour les deux jeunes filles qui comptent sur leur amitié pour s'en sortir. Avec son esthétique de désolation saisissante, Toxic confronte l'aube de l'adolescence aux injonctions brutales d'un métier prédateur. Un cocktail explosif qui révèle les ombres toxiques qui planent sur des adolescentes en quête de lumière.

Rêvant de fuir leur quartier industriel morose, Marija (Vesta Matulyte) et Kristina (Ieva Rupeikaite), deux lituaniennes de 13 ans, se rencontrent dans une école de mannequinat locale. Devenues amies, elles se soutiennent mutuellement pour aller au bout de ce parcours de combattantes où la concurrence est rude et les règles impitoyables.

Mais le prix à payer pour fuir leur quotidien n’est-il pas trop élevé ? Portées par l’espoir d’une vie meilleure, Marija et Kristina brutalisent leurs corps pour réussir à tout prix. Avec une solidarité amicale en guise de fragile bouée de sauvetage.

Toxic © Akis Bado - Les Alchimistes

Entre deux eaux

Pour son premier long-métrage, la cinéaste lituanienne Saulė Bliuvaitė se penche sur une période entre enfance et adolescence. Encore gamines à certains égards, Marija et Kristina approchent inexorablement du point de bascule dans l’âge adulte. Leur confrontation avec le métier si particulier de mannequin met en exergue les attentes qui pèsent sur le corps de femmes dans la société. Cette opportunité considérée comme une porte de sortie miraculeuse impose un absolu de perfection que les jeunes adolescentes intègrent à leur corps défendant. Cette pression se traduit pour les deux ados par une maltraitance d’un physique jugé défaillant.

Pour Marija, régulièrement moquée à cause d’une malformation qui la fait boiter, être acceptée dans l’école de modèles est une chance inespérée. La métamorphose de son amie Kristina prend d’autres formes. Il y a ce piercing à la langue que la réalisatrice filme comme un rite de passage éprouvant mais surtout l’ingestion d’un ver solitaire pour conserver un poids « acceptable ». Ces injonctions inatteignables, parfois contradictoires, font d’autant plus de dégâts à cette période d’incertitude et de transitions.

Toxic © Akis Bado - Les Alchimistes

Laisse béton

Née dans une zone industrielle aux abords d’une ville lituanienne, Saulė Bliuvaitė possède une idée assez précise d’un environnement anxiogène. Cette atmosphère pesante plane sur Toxic alors que les deux amies évoluent dans un paysage industriel déserté. Touches de couleurs insolentes dans un paysage d’une grisaille désespérante, Marija et Kristina incarnent l’espoir d’une jeunesse captive de cet environnement immobile.

À travers des plans filmés à distance, les deux adolescentes semblent avoir été déposées dans cet univers d’une morosité accablante qui contraste avec leurs vêtements et leurs rêves. Cet aspect du film particulièrement réussi vient renforcer par le visuel ce poids qui pèse sur les corps et donne des envies de fuite, peu importe le prix à payer. Insignifiantes dans ces plans larges et immobiles, Marija et Kristina sont dépossédées de leur singularité, prêtes à se soumettre aux exigences du métier de mannequin.

Observées à distance, elles pourraient être deux autres jeunes filles du même âge. Toxic impose par sa mise en scène d’un réalisme glacial cette sensation  d’existences interchangeables. Ces plans désincarnés font écho à l’ennui ambiant que Marija et Kristina veulent fuir en se réfugiant dans un métier où la superficialité prédomine. Dans cette vacuité bien terne, seule leur amitié, agissant comme un miroir l’une de l’autre, leur permet de connecter avec leur identité.

Toxic © Akis Bado - Les Alchimistes

Situé pendant une période de grande transition, Toxic joue sur les contrastes pour exacerber l’envie d’un ailleurs fantasmé contrarié par des injonctions sociales. Une vision dont le réalisme abrupt fait surgir de façon saisissante la toxicité scellée dans le béton omniprésent et la menace d’une beauté standardisée.

> Toxic (Akiplėša) réalisé par Saulė Bliuvaitė, Lituanie, 2024 (1h39)

Toxic (Akiplėša)

Date de sortie
16 avril 2025
Durée
1h39
Réalisé par
Saulė Bliuvaitė
Avec
Vesta Matulyte, Ieva Rupeikaite, Egle Gabrenaite
Pays
Lituanie