« Tunnel », l’espoir fait survivre

« Tunnel », l’espoir fait survivre

« Tunnel », l’espoir fait survivre

« Tunnel », l’espoir fait survivre

Au cinéma le

Englouti sous les gravats d'un tunnel, Jung-soo Lee se retrouve prisonnier de sa voiture. Sous les yeux de la nation toute entière, les secours s'organisent pour libérer l'homme qui joue sa survie. Efficace, ce film catastrophe sud-coréen se concentre sur l'aspect humain du drame en s'interrogeant sur le prix d'une vie.

Alors qu’il rentre du travail pour retrouver sa femme et sa petite fille dont c’est l’anniversaire, Jung-soo Lee (Jung-woo Ha), vendeur de voitures, est accidentellement enseveli sous un tunnel qui s’effondre à son passage. Coincé dans la carcasse de son véhicule, il arrive à joindre l’extérieur grâce à son téléphone portable et déclenche une opération de sauvetage d’envergure nationale pour le sortir de cet enfer de béton et d’acier. Avec de maigres ressources, Jung-soo joue sa survie alors que le drame est suivi et commenté au quotidien par les médias, les politiques et les citoyens. Mais les jours passent et l’espoir de le retrouver vivant fond peu à peu en dehors du tunnel. Isolé du monde extérieur, combien de temps pourra-t-il tenir ?

Tunnel

Poussières d’espoir

Avec ce second long métrage adapté d’un roman, le réalisateur sud-coréen KIM Seong-hun passe du thriller remarqué Hard Day (2014) au film catastrophe. Prenant le contre-pied du schéma habituel, le cinéaste nous plonge très rapidement dans l’enfer auquel est confronté le père de famille. Le film n’a débuté que depuis à peine cinq minutes que le tunnel s’est effondré sur sa victime, coincée dans sa voiture compressée. Cette soudaineté de l’accident oriente le film vers les conséquences de l’incident plus que l’effondrement en lui-même. Un parti pris qui s’avère payant car le spectateur ne sait au final que très peu de choses sur cet homme en dehors qu’il rentre chez lui après une journée de travail, avec sur la banquette arrière un gâteau pour l’anniversaire de sa fille. En évitant sciemment la première partie du film qui consiste à suivre le personnage principal pour mieux s’attacher à lui, le cinéaste renforce le choc brutal de l’incident et l’identification du spectateur. Une façon de nous avertir que ce drame soudain qui s’abat sur cet individu malchanceux pourrait très bien arriver à chacun d’entre nous. Amis claustrophobes, bon courage !

Niveau casting, KIM Seong-hun ne prend pas de risque en rassemblant des acteurs habitués au box office du cinéma sud-coréen. Jung-woo Ha qui interprète Jung-soo Lee a déjà joué dans The Chaser (2009) de NA Hong-jin et plus récemment dans Mademoiselle (2016) de PARK Chan-wook (lire notre chronique) tandis que Doona Bae qui endosse le rôle de Se-hyun, sa femme dévastée par l’inquiétude, a été vue notamment dans Air Doll (2010) de Hirokazu KORE-EDA, Cloud Atlas (2013) et A Girl At My Door (2014) de July Jung (lire notre chronique). Dal-su OhOld Boy (2003), Lady Vengeance (2005) ou encore Le bon, la brute, le cinglé (2008) — vient compléter ce brillant trio d’acteurs dans le rôle de Dae-kyung, chef des sauveteurs empathique.

Parsemé de pointes d’humour dans une tension permanente, Tunnel s’impose comme un « survival movie » intense et bien mené. Avec des rebondissements qui viennent compliquer la situation, le suspens reste constant tout au long du film et malgré la présences de moments d’émotion un peu trop appuyés — à imputer à la bande originale qui abuse par moment un peu des violons et non au jeu des acteurs — l’ensemble tient la route. Deuxième succès en 2016 après le film de zombie Dernier train pour Busan, le film a enregistré plus de 7 millions d’entrées en Corée du Sud. Un engouement pour ce film catastrophe qui fait écho avec les faiblesses structurelles du pays en terme de sécurité.

Tunnel

Le prix d’une vie

Avec son héros impuissant, incapable de se sauver par lui-même, Tunnel explore les limites de la notion d’espoir. De plus en plus isolé lorsque la batterie de son téléphone rend l’âme et que seule la radio permet de recevoir des informations, Jung-soo ne peut compter que sur la ténacité du chef des sauveteurs pour venir le libérer de son cercueil de béton mais, face à l’ampleur du drame, Dae-kyung ne peut rien faire seul. Jung-soo est confronté à la solitude et au désarroi le plus total. Où trouver l’espoir quand tout semble perdu et garder l’instinct de survie ?

En parallèle, c’est un autre cas de conscience qui saisit la population qui suit ce calvaire par procuration via les médias. Le film bascule lorsqu’à l’extérieur du tunnel effondré plus personne ne peut affirmer avec certitude si l’homme bloqué à l’intérieur est mort ou toujours en vie. Alors que les recherches infructueuses s’étalent dans le temps, un doute ravageur s’installe. Priorité absolue des sauveteurs et des politiques, le cas de Jung-soo ne fait peu à peu plus l’unanimité. L’égoïsme et l’intérêt de chacun — notamment financier — refait surface lorsqu’un incident dramatique vient perturber les opérations de secours. En interrogeant sur les moyens mis en œuvre pour secourir la victime, le cinéaste pose la question de la valeur d’une vie. Combien la société est-elle prête à payer pour tenter de sauver l’un des siens probablement déjà mort ?

Tunnel porte également un message d’ordre politique dans ce pays qui est en tête du classement des pays de l’OCDE en termes de décès par accident. Avec un développement économique extrêment rapide ces trente dernières années, la Corée du Sud est en effet confrontée à de graves soucis de sécurité au sein de ses infrastructures. La collusion entre les conglomérats et les bureaucrates ont notamment entraîné la tragédie du naufrage du ferry Sewol qui a fait 304 victimes en avril 2014. Le drame spectaculaire de KIM Seong-hun, tourné à cette période, résonne avec cet évènement tragique en mettant notamment en lumière le cynisme des politiques changeant de cap selon l’opinion. Le cinéaste dénonce également au passage le voyeurisme des médias fascinés par le drame, certains « espérant » battre le record du monde d’un tel accident, oubliant que la vie d’un individu est en jeu.

Film catastrophe oppressant, Tunnel se focalise sur l’essentiel : la victime. Efficace, ce parti pris humain met en avant la question de l’espoir confronté à l’abandon sans oublier de dépeindre les travers d’une société coréenne qui paie sa course au développement effréné en dépit de l’humain. Autant de sujets philosophiques auxquels on a le temps de réfléchir lorsqu’on se retrouve enseveli sous plusieurs tonnes de béton et d’acier.

> Tunnel (Teo-neol), réalisé par KIM Seong-hun, Corée du Sud, 2016 (2h06)

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