Le mal du logement, on en parle et surtout, on le constate. Au coin de notre rue, un matelas sur lequel un jeune couple et des enfants en bas âges vont passer la nuit. Quelles solutions ? La SCOP Univers et Conseils, spécialisée dans le logement écoconçu, mobile et modulable, et Habitat et humanisme, une association qui lutte contre le mal-logement, ont imaginé une maison d’un nouveau genre, « La maison qui déménage ! « .
Une maison à monter et à démonter
Depuis de nombreuses années déjà Habitat et Humanisme oeuvre pour faciliter l’accès des familles et personnes seules, en difficulté, à un logement décent et à faible loyer. Avec plus de 100 000 personnes mal logées ou sans logement en France, les solutions traditionnelles demeurent insuffisantes. L’association a voulu innover, trouver autre chose. « La maison qui déménage ! « , concept totalement inédit, montable et démontable, permettrait d’accueillir ces familles dans de bonnes conditions.
Bernard Usquin, le directeur de l’association Habitat et Humanisme, souligne : « construire ne suffit pas à combler le déficit de logement. Avec le prix du foncier, le mille-feuille administratif et la complexité des normes constructives, cela ne fonctionne pas. Et entre-temps, de nombreuses personnes sont en attente ». C’est à ces personnes que s’adresse le concept.
L’aventure débute par une rencontre, celle de deux architectes et d’une association. Les premiers travaillaient sur une maison démontable au sein de la SCOP Univers et Conseils. La seconde voulait utiliser tous ces terrains laissées ici et là en stand-by. L’idée germe. Pourquoi ne pas proposer à ces propriétaires, privés, publics, diocésains, d’utiliser (ou louer à bas prix) leur terrain pendant une durée limitée, 18 mois, et y monter cette maison ? Sont concernés des terrains non-constructibles, en attente de constuction, provisoirement ou définitivement en friche… S’ils sont d’accord, les propriétaires, dits « solidaires », pourront ensuite récupérer leur bien. La maison est démontée et ne laisse aucune empreinte de son passage, si ce n’est une pelouse jaunie. Encore en réflexion, le projet propose une période test de 18 mois, une période suffisante et transitoire, pour permettre à la famille de reprendre pied, de se stabiliser. Et surtout entamer les procédures, avec l’aide d’Habitat et Humanisme, pour migrer vers un habitat durable. La maison est en marche, le projet social prend forme, avec le nom administratif qui va avec, « le logement temporaire accompagné ».
Le concept : la mobilité
La force du projet de Pascal Colné et Aline Maréchaux, les architectes, réside dans l’assemblage rapide d’éléments constructifs sans l’utilisation d’engins de chantier. L’ensemble des matériaux transportables à bras d’hommes peut être monté et démonté à quatre personnes en seulement 10 jours. Cet atout majeur permet l’installation de la maison même sur des parcelles difficiles d’accès. La structure en bois est posée sur des pieux modulables qui sont également retirés au moment du démontage et surtout s’adaptent à tout type de topographie.
Composés de panneaux préfabriqués, également en bois, les espaces de la maison sont modulables ; 40 m2 peut accueillir quatre personnes tandis que l’espace plus petit est conçu pour deux personnes. Cette préfabrication en série possède un autre avantage, réduire les coûts qui oscillent entre 1500 et 1700 euros du m2.
Les architectes ont choisi d’utiliser des matériaux dit biosourcés, c’est à dire issus de la biomasse d’origine végétale ou animale. Les circuits courts ont également été favorisés dans le choix des produits. En bois, pour sa majorité, la maison est recyclable ; et sa fabrication, écologique.
Pour Bernard Usquin, « lorsqu’un vrai besoin rencontre une réalité foncière, il faut provoquer le système ». Véritable OVNI administratif, cette maison louée 7euros du m2, soit 280 euros pour 40 m2, éviterait pourtant à beaucoup de familles de loger dans des hôtels miteux ou être les victimes des marchands de sommeil. Tout reste à inventer autour de ce projet. Il faut non seulement convaincre des « bailleurs » potentiels mais aussi récolter de l’argent. L’association espère surtout séduire des collectivités locales, en mal de logements sociaux, mais possédant des terrains libres, dans l’attente d’une reconversion. Via la campagne de crowfunding organisée sur Kiss Kiss Bank Bank, l’association veut réunir les fonds nécessaires au démontage du prototype et à son remontage sur son futur terrain. La maison pourrait être montée dans les Yvelines, le Val-d’Oise ou l’Essonne. Quand la première famille posera ses valises, le pari sera gagné.
> « La maison qui déménage ! » est visible jusqu’au 29 juillet à la Villette, face au jardin du Dragon.