« Une part d’ombre », les ravages du doute

« Une part d’ombre », les ravages du doute

« Une part d’ombre », les ravages du doute

« Une part d’ombre », les ravages du doute

Au cinéma le

Mari et père de famille idéal, David se retrouve empêtré dans une affaire de meurtre qui sème le doute autour de lui. En jouant de la culpabilité de son personnage insondable jusqu'au dernier instant, Une part d'ombre sème habilement le trouble et dépeint l'effet déflagrateur d'une mise en accusation parmi les proches de l'accusé.

David (Fabrizio Rongione) est un jeune père de famille comblé. Il vit une vie paisible auprès de sa femme Julie (Natacha Régnier) et de ses deux jeunes enfants adorables. En cas de coup dur, il peut compter sur sa bande de potes soudée. C’est en tout cas ce qu’il a toujours cru. Mais après des vacances dans les Vosges, des nuages s’amoncellent au dessus de ce tableau idéal. David est convoqué par la police dans le cadre d’une enquête pour meurtre : il aurait été la dernière personne vue en train de discuter avec une bijoutière alors qu’il faisait un footing peu de temps avant que l’on retrouve son corps inanimé. Rapidement, l’enquête se resserre autour de David, il devient un suspect de plus en plus sérieux. Soutenu par Noël (Baptiste Lalieu), son meilleur ami, et son avocat Marco (Christophe Paou), le père de famille espère prouver son innocence en retrouvant son « double », un homme qui lui ressemblait étrangement qu’il assure avoir vu sur place. Mais en parallèle de l’enquête judiciaire, le doute se propage au sein de ses proches et David doit affronter leurs doutes, de plus en plus pressants.

Une part d'ombre  © Eklektik Productions - Destiny Films

Petits soupçons entre amis

Pour son premier long métrage de fiction, Samuel Tilman plonge un instituteur à la vie a priori sans histoire dans les méandres d’une enquête policière. Soupçonné de meurtre, David se défend comme il peut : dans un premier temps avec une attitude détachée, puis, de plus en plus inquiet, il semble se refermer sur lui-même alors que l’étau se resserre. Le cinéaste joue habilement sur notre perception de ce père de famille idéal dont l’image oscille entre victime d’un coup du sort qui aurait été au mauvais endroit au mauvais moment et meurtrier potentiel. Une part d’ombre invite le spectateur dans le cercle d’amis de l’accusé dont le soutien n’est finalement pas si infaillible que ça. Si Noël, son meilleur ami, ne remet jamais en cause la version de son pote — par esprit de pure camaraderie ou pour mieux se voiler la face — d’autres membres de son entourage doutent. Sans faits précis sur ce qu’il s’est déroulé ce soir là, les esprits s’enflamment et le ressenti ouvre la porte à tous les spéculations possibles. Après tout, nous connaissons tous ces témoignages de proches ou de voisins de criminels les présentant comme des gens sans problème et qui n’ont rien vu ou même soupçonné. Et si David était l’un d’eux ? Capable du pire derrière le vernis du père idéal. Peu à peu, le cercle familial se fissure et l’entourage se divise sous la pression du doute. Une sorte de procès social et intime frappe de plein fouet David avant même son procès judiciaire. Samuel Tilman a d’ailleurs joué sur l’ambiguïté de sa culpabilité en mettant les acteurs au courant du dénouement final à la toute fin du film. Le cinéaste brouille sournoisement les cartes et entretient la tension, de plus en plus pressante, sur les épaules du père de famille tout en livrant une analyse fine des effets dévastateurs du doute dans l’entourage de l’accusé où la présomption d’innocence semble impossible à appliquer. Peu à peu les clans se forment naturellement et il faut prendre position : pour ou contre.

Une part d'ombre  © Eklektik Productions - Destiny Films

Le grand déballage

La distance de ses proches, David la doit également à l’enquête qui va naturellement fouiller dans les moindres recoins de son existence et dévoiler cette part d’ombre promise par le titre. Une procédure normale pour démasquer un coupable mais extrêmement intrusive et potentiellement destructrice pour un innocent. Au fil de l’enquête, le père de famille ne doit pas seulement faire face à la police mais également à ses proches et notamment sa femme dont la confiance est mise à rude épreuve. Face à ce grand déballage, le spectateur — à l’instar de ses proches — guette les moindres gestes et paroles de l’instituteur pour se faire son propre avis sur sa culpabilité. Pris au piège, chaque réaction de l’accusé est scrutée mais son malaise perceptible est-il le signe d’un innocent paniqué d’être accusé à tort ou d’un coupable sur le point d’être découvert ? Le cinéaste avoue avoir pris le soin de choisir les prises mettant en scène l’instituteur pour jouer sur ce trouble et complexifier la découverte de la vérité. Au-delà de la résolution du meurtre qui tient évidemment en haleine tout au long du film, la description très précise de ce raz-de-marée de suspicions qui fait vaciller la confiance des proches est l’atout de ce premier film très prenant.

Polar efficace, Une part d’ombre joue sur la carte de l’intime avec finesse en explorant les réactions des proches à une mise en cause judiciaire. En maintenant le flou jusqu’au dernier instant sur la culpabilité de son personnage, Samuel Tilman concentre son attention sur un entourage désemparé qui ne peut attendre la réponse judiciaire pour se faire un avis. Et c’est certainement là l’aspect le plus terrifiant de ce cauchemar.

> Une part d’ombre réalisé par Samuel Tilman, Belgique – Suisse – France, 2018 (1h34)

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