Face à la crise et l’effondrement des secteurs industriels majoritairement masculins, les médias américains évoquent la « récession masculine ». Dans « The end of men », l’américaine Hanna Rosin, journaliste pour The Atlantic, ajoute : « ce processus est engagé depuis plusieurs décennies (…). Le phénomène inédit, c’est que les femmes en sont venues à supplanter les hommes. »
« Plastic woman » = Wonder woman ?
C’est armée d’études, d’enquêtes, mais aussi d’exemples et de témoignages, qu’elle écrit : « Les hommes bénéficiaient jadis d’un avantage numérique et physique, mais l’économie postindustrielle n’a que faire des muscles ». Et c’est là que sa « thèse » sort de l’ordinaire. La « plastic woman », femme adaptable « animée par une ambition impérialiste », serait bien plus à même de relever les défis imposés par l’économie actuelle que ce « carton man » rigidifié par des siècles de domination masculine, et aujourd’hui menacé par l’inexorable ascension féminine. « Les boulets se sont désormais les hommes. »
Mais cela ne pourrait être qu’une étape, selon la journaliste, les hommes pouvant à leur tour finir par s’adapter. Un optimisme qui lui a valu nombre de critiques outre-Atlantique, notamment des féministes l’accusant d’annoncer la fin du combat. Mais, Hanna Rosin l’assure, les luttes féministes ont encore leurs raisons d’être.
Et le portrait qu’elle dresse de cette femme capable de tenir carrière et foyer à bout de bras sans broncher, et ce, devant un homme prostré… peut parfois devenir effrayant. « Elles sont moins heureuses qu’avant car elles en font trop. » Niveau partage des tâches, il y a donc encore du boulot. Et puis elles gagnent toujours moins que les hommes, négocient toujours difficilement leur salaire, subissent toujours le sexisme, et sont toujours oppressées dans de nombreux pays. « Mais l’économie évolue à une telle vitesse que ces statistiques méritent d’être considérés comme l’ultime vestige d’une époque révolue. »
La fin des hommes, du mariage… et des contes de fée
Face à des hommes en difficultés, les femmes seraient de plus en plus amenées à s’en passer. Hanna Rosin écrit : « l’émancipation va de pair avec une érosion du mariage et un regard cynique sur l’amour. » Sans oublier l’explosion des divorces. Si le phénomène ne date pas d’hier en France, aux Etats-Unis, pays plutôt puritain, c’est une petite révolution…
Les femmes « placent la barre plus haut ». Les « meilleurs » sont pris d’assaut, et les autres « restent en rayon ». Beaucoup ne sont « pas à la hauteur et n’arrivent plus à (se) conformer » à l’ancien modèle du père de famille qui rapporte le bifteck. Idem dans les sociétés patriarcales telle que la Corée du Sud. L’une des interviewées coréennes qui occupe un poste à responsabilités a fini par divorcer car la carrière de son mari passait toujours avant la sienne. « J’ai l’impression de l’avoir licencié. (…) Autrefois, seuls les garçons étaient élevés comme des petits princes. Aujourd’hui nous aussi nous sommes élevées comme des princesses. Quand un prince et une princesse se retrouvent sous le même toit, il y a forcément un clash. »
A fin des hommes, fin des contes de fées tels qu’ils nous ont bercés (bernés ?) enfants ? « Dans les classes plus privilégiées, le mariage s’apparente moins à un ‘piège’. Il est débarrassé des vieilles traditions, les partenaires sont plus libres et peuvent changer de rôle… Le conte de fée ne disparaît pas. Mais ailleurs, si. Quand les femmes décident qu’elles n’ont pas besoin des hommes. » Et de citer la sociologue Kathryn Edin, qui a mené une enquête dans les banlieues de Philadelphie, devenues des matriarcats : « les féministes ne se rendent pas compte du pouvoir qu’ont les femmes célibataires : ce sont elles qui prennent toutes les décisions importantes. »
Cependant… Si auparavant les femmes étaient forcées d’utiliser leur « capital érotique » comme « monnaie d’échange » pour accéder à des biens qui leurs étaient refusés, aujourd’hui elles profitent avec joie de leur liberté… Mais la sexualité en serait « bradée », puisque trop facilitée. « Et quand la sexualité se dévalue, les hommes ont tendance à en consommer davantage, note le sociologue Mark Regnerus. (…) Ils couchent à droite à gauche, pas pressés de se caser. » Certaines analyses les réduisent même à des post-ados addicts aux jeux vidéos et aux bandes de potes, incapables de renouer avec le réel. Si les femmes profitent désormais de leur liberté sexuelle, même les plus libérées et indépendantes finiraient par en attendre plus des hommes. Mais « elles ne peuvent pas compter sur eux et préfèrent se débrouiller seules », écrit la journaliste. En même temps, on n’a jamais vu Wonder Woman un boulet accroché à la cheville.