Elias (Lou Goossens), 14 ans, mène une vie sans histoire dans un petit village de Flandre. Tout bascule lorsque de nouveaux voisins emménagent en face de chez lui. Au sein de la famille, Alexander (Marius De Saeger), un jeune ado de son âge, ne le laisse pas indifférent. Déjà en couple avec Valerie (Saar Rogiers), Elias réalise qu’il est attiré par ce nouvel arrivant. Est-il en train de tomber réellement amoureux pour la première fois ?
Ces sentiments naissants entraînent une véritable tempête intérieure chez Elias qui n’est pas prêt à révéler à son entourage cet amour troublant.
Sans pareil
Young Hearts d’Anthony Schatteman est un premier long métrage très personnel pour le cinéaste. Cette romance entre deux garçons vient contrebalancer sa propre découverte de son identité sexuelle. Le cinéaste se réincarne à l’écran en Elias qui se découvre des sentiments pour une personne du même sexe. Un schéma qui n’existe nulle part dans son entourage proche ni dans les représentations médiatiques auxquelles il a accès.
Young Hearts est également une réponse au fils d’un ami du cinéaste. Pensant être amoureux d’un garçon de sa classe, le garçon de 9 ans lui a demandé des conseils sur des films traitant du sujet. Impossible de conseiller des films comme Call Me by Your Name (2017) ou Le secret de Brokeback Mountain (2005) pour leur tension sexuelle. Débarrassé de cet aspect, Young Hearts permet une approche plus adaptée aux jeune public pour évoquer simplement un sujet qui reste encore souvent tabou.
L’absence de représentation d’une relation homosexuelle heureuse est au cœur du film qui explore ses conséquences pour le jeune ado à la découverte de ses premiers émois. Et pourtant, Elias le sent, ce qu’il ressent est sincère. Lorsque Alexander précise, avec un naturel confondant, que sa dernière relation était avec un garçon et non une fille, Elias est à la fois troublé et rassuré. Mais l’absence de modèle de couple gay l’empêche de se projeter et d’assumer. Pire, son attirance pour Alexander devient suspecte.
Harcelé
Magnifié par deux comédiens dont le naturel et la complicité crèvent l’écran, Young Hearts propose un pas de côté intéressant par rapport au film de coming out habituel. Elias n’est en effet pas persécuté par ses camarades pour son homosexualité. Il se garde bien de dissimuler cet amour naissant, provoquant l’incompréhension d’Alexander, habitué à assumer fièrement ce qu’il est.
Elias est harcelé à l’école mais pour une raison totalement différente. Il est moqué car son père Luk (Geert Van Rampelberg) est une vedette locale de la chanson. Là aussi, un élément qui provient de l’histoire du cinéaste dont le père a connu le succès comme chanteur dans les années 90. Cette préoccupation parallèle aux émois ressentis par Elias questionne l’investissement de ce père préoccupé par sa carrière qui passe complètement à côté du mal être de son enfant. En dehors de cette pression, Elias reste son propre ennemi dans cette lutte pour la « normalité » qu’il s’impose.
Décevoir
Le jeune garçon n’a pas besoin de subir un harcèlement lié à ses sentiments pour se sentir différent et coupable des sentiments qu’il éprouve. Évidemment la culpabilité le ronge vis-à-vis de Valerie. Une rupture est toujours compliquée, d’autant plus troublante dans son cas… Mais Elias n’a pas à se défendre contre les autres, sa lutte est intérieure. Il est renvoyé à sa propre perception de son attirance pour Alexander.
Young Hearts explore avec une grande justesse cette honte intérieure et cette peur de décevoir ses amis, ses parents, Valerie, Alexander… La situation semble sans issue. Ainsi Elias s’enferme dans un raisonnement où ce qui pourrait être simple devient compliqué, à cause d’un manque de représentation. Un vide abyssal que le film vient lui-même combler d’une très belle façon. Car, en dehors de ce père à côté de la plaque, l’entourage familial du jeune garçon est bienveillant.
La scène où Elias brise enfin le secret et fait son coming out à sa mère Natalie (Emilie De Roo) est bouleversante de simplicité. Le garçon découvre alors que rien ne l’empêche d’aimer. Anthony Schatteman l’admet, il s’agit d’un monde utopique ou l’entourage accepte Elias comme il est. Une vision certes bisounours des choses mais qui fait du bien et s’impose comme le modèle qui manque justement au jeune garçon. La boucle est bouclée, l’absence enfin comblée.
En faisant de son protagoniste son propre obstacle au bonheur, Young Hearts assume un monde où la bienveillance règne et où il suffit d’être soi-même pour être heureux. Une vision volontairement naïve qui séduit par sa sincérité et la promesse d’une société où seuls les préjugés sont honteux.
> Young Hearts réalisé par Anthony Schatteman, Belgique – Pays-Bas, 2024 (1h39)